10 mai 1952 – Hermann Geiger se pose avec des skis sur le glacier de la Kanderfirn (Valais/Suisse)


Le vendredi 26 août 1966, une étoile de l’Aviation de Montagne, avec un grand « A » et un grand « M », s’éteint, victime d’un stupide accrochage avec un planeur au décollage de l’aérodrome de Sion (Canton du Valais/Suisse). Aujourd’hui encore, Hermann Geiger est reconnu comme le véritable théoricien du décollage et de l’atterrissage en haute montagne enneigée, un penseur doublé d’un expérimentateur de génie, un praticien assidu et un pédagogue hors pair…

RÊVES DE GOSSE

Né le mardi 27 octobre 1914 à Savièse (Canton du Valais/Suisse) et décédé le vendredi 26 août 1966 à Sion, Hermann Geiger est un pilote d’avion suisse. Surnommé « le pilote des glaciers » ou « l’Aigle de Sion », ou encore « le Saint Bernard volant », c’est un pionnier du sauvetage en montagne. Alors qu’il grandit à Savièse aux côtés de ses 14 frères et sœurs, il n’a lui-même qu’un fils prénommé Pierre.

Berger dans les alpages pendant l’été, il peut admirer les évolutions des pilotes à l’entraînement. À l’âge de 15 ans, il commence un apprentissage de mécanicien dans un garage de Sion. Parallèlement, il construit un planeur dans la maison familiale avec Max Caspar, son futur beau-frère et prend ses premières leçons de vol à voile. Le lundi 18 septembre 1939, il obtient sa licence de pilote d’avion et, le samedi 5 juin 1943, sa licence de planeur. Pendant la guerre, il n’est pas été autorisé à voler avec un appareil civil.

Au début des années 1940, il se retrouve à Winterthur (Canton de Zurich) pour y suivre une formation d’agent de police. Durant ses heures de loisirs, il donne des cours de vol. En 1946, il est de retour à Sion où il est engagé comme agent de police puis, en 1947, comme gardien de l’aérodrome civil. Il devient instructeur, puis chef-pilote et, enfin, chef de place (tâche qui consiste à contrôler les départs et les arrivées des avions).

Il s’occupe également de l’aéroclub local, puis fonde une société spécialisée dans le ravitaillement et l’entretien des refuges des Alpes suisses. À l’époque, la Section valaisanne de l’Aéro-Club de Suisse (AéCS) possède deux Piper J-3 Cub ainsi qu’un Cessna 170 quatre places flambant neuf. Cet avion dispose d’une trappe ventrale pouvant être ouverte manuellement en vol par le pilote. Un système analogue est donc monté sur les Piper J-3 Cub. À l’aide de cet équipement très pratique, Geiger effectue les premiers vols d’approvisionnement aérien pour de nombreux sites de construction en montagne et des refuges isolés. Pendant le terrible hiver de 1950-1951, il effectue des centaines de ces vols en larguant des vivres depuis les airs. De nombreux villages de montagne, comme Zermatt par exemple, sont complètement isolés par l’énorme chute de neige. En quelques années Geiger accumule une expérience inégalable du vol de montagne en effectuant ce type de mission.

Hermann Geiger poursuit désormais un but : se poser dans les Alpes, au cœur des montagnes. Ne manque qu’un modèle d’avion robuste et maniable. L’arrivée du nouveau Piper L-18 / L-21 Super Cub équipé d’un moteur de 125 CV comble cette lacune. Il suit la trace de deux précurseurs célèbres : le Suisse François Durafour, qui s’est posé sur le dôme du Goûter le samedi 30 juillet 1921, et l’As allemand de la première guerre mondiale, Ernst Udet qui, en 1929, avait effectué plusieurs atterrissages sur glacier dans le cadre du tournage du film ‘Stürme über dem Mont-Blanc’ (‘Tempête sur le mont Blanc’), d’Arnold Fanck avec l’actrice Leni Riefenstahl. Hermann Geiger est enfin l’un des principaux promoteurs du tourisme aérien en créant des « altiports » (terrains d’atterrissage en altitude ou sur glacier).

LES PRÉCURSEURS

Cependant, Hermann n’est pas le premier à s’intéresser à cette question…

Les Français en pointe

Avant la seconde première guerre mondiale, nous en sommes toujours aux skis fixes, avec lesquels on ne peut décoller que depuis une piste enneigée pour atterrir en terrain également enneigé, qu’il soit damé ou sauvage. Dans l’Entre-deux-guerres, le 35e Régiment d’Aviation (RA) de Lyon-Bron, entreprend d’adapter des skis en bois sur plusieurs types d’avions. Les essais conduisent, pour certains, à des accidents spectaculaires à Chamonix.

C’est à la suite de ces erreurs qu’il est demandé à la Société Messier la réalisation d’une roue à deux positions, côte à côte avec le ski. En 1936, cet ensemble est monté sur un MS 230, court en voilure pour l’altitude, et sur le prototype MS 330, mieux voilé, immatriculé F-AKGU. Le MS 230 ne pouvant redécoller dans la neige lourde, il doit être démonté. En revanche, le MS 330 fonctionnant parfaitement bien, c’est avec cet avion que les pilotes d’essais poursuivent leur apprentissage.

Pour les pilotes d’essais, la conclusion est rapide à tirer : il est stupide d’utiliser un terrain plat, il faut utiliser les pentes. Cependant, ils sont vertement rappelés à l’ordre par les autorités du 35e RA pour l’incongruité de leurs conclusions. Il faut dire que l’Aviation militaire est en voie de devenir l’armée de l’Air et de se détacher de ses racines terriennes pour monter vers l’infini, et au-delà. Avec le déclenchement de la seconde guerre mondiale, l’emploi de l’aviation en montagne tombe malheureusement dans l’oubli…

 

 

Les Suisses prennent la relève

Un crash aérien dans les Alpes bernoises relance le sujet. En effet, effectué à l’aide de deux avions Fieseler Storch Fi-156, le sauvetage du glacier du Gauli en 1946, salué dans le monde entier, n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’essais très poussés menés par les services militaires techniques compétents. À l’initiative de ces expérimentations, on trouve, de 1942 à1945, de hauts responsables des Troupes d’aviation suisse, le Docteur (plus tard Brigadier) Othmar Bloetzer et André Bridel qui, à bord de ce type d’avion léger, effectuent des centaines de vols et d’atterrissages et sauvent 45 personnes.

 

Ces missions de secours en montagne inspirent Fredy Wissel, un hôtelier de Saint-Moritz (Canton des Grisons/Suisse), qui n’avait obtenu son permis de vol moteur qu’à l’âge de 40 ans, et relancent la réflexion sur les atterrissages en montagne. Une heureuse coïncidence veut que le capitaine Viktor Hug, l’un des sauveteurs du glacier du Gauli, descende à l’hôtel de Wissel en 1950. Bien entendu, l’hôtelier veut tout apprendre des atterrissages en montagne. Entre les deux hommes, le courant passe instantanément et l’officier l’encourage à se lancer dans l’aventure.

Six jours plus tard, Wissel effectue, avec un Piper J-3/L4 de 65 CV, son premier atterrissage en montagne sur la Corviglia, à 2 400 mètres d’altitude. Deux mois plus tard, il atterrit sur la Diavolezza et, la même année, sur le Piz Corvatsch, à 3 451 mètres d’altitude. Ces atterrissages ont donc lieu au moins un an avant les tentatives d’Hermann Geiger. Wissel est ainsi clairement le premier pilote des glaciers et de sauvetage civil en Suisse.

Connaissant la Garde aérienne de sauvetage suisse (REGA) depuis la création de cette dernière, qui effectue des missions de sauvetage et de secours dans les Alpes grisonnes, il reste fidèle au vol, et en particulier au vol glaciaire, jusqu’à un âge avancé.

Son deuxième avion est un avion danois KZ VII Laerke (‘Alouette’), équipé de skis fixes et ne pouvant décoller que depuis la piste enneigée de Samedan. Dans la culture populaire, cet étonnant petit avion à décollage court se voit attribuer, à juste titre, le surnom de ‘cigogne danoise’ en raison de la forme de ses ailes fixes. Bientôt, Wissel acquiert un Piper Super Cub et, un peu plus tard, deux Maule M4, tous deux équipées de skis.

Outre d’innombrables sauvetages à titre privé, on trouve également, inscrits dans le carnet de vol de Freddy Wissel, un nombre impressionnant de vols touristiques au profit de nombreuses personnalités célèbres fréquentant la station thermale de Saint-Moritz. Fredy Wissel meurt en 1994 à l’âge de 90 ans à Saint-Moritz.

L’année 1951

Tout bascule en 1951. Le jeudi 12 avril, le lieutenant de l’U.S. Air Force John W. Hodgkin pose son Piper J-3 Cub équipé de skis fixes (et sans roues) sur le sommet du mont Rainier (un volcan situé dans l’État de Washington), culminant à 4 392 mètres d’altitude.

La même année, le vendredi 5 octobre précisément, une équipe de tournage des actualités cinématographiques suisses s’installe sur les contreforts du mont Blanc. Patronnée par Radio-Genève, l’opération vise à poser deux reporters de ‘L’Impartial’, journal de La-Chaux-de-fonds (Canton de Neuchâtel, en Suisse romande), Georges-André Zehr, aux commandes d’un Piper PA-12 Super Cruiser de 160 CV immatriculé HB-OIS, et Jean-Paul Darmsteter, pour commenter, en direct, l’atterrissage… sur le dôme du Goûter. Arrivant en avance et la piste n’étant pas encore dégagée, l’appareil tente de se poser à côté mais, les roues s’enfonçant dans la neige, il capote… L’hélice, ainsi qu’une partie de l’empennage étant endommagés, il va falloir réparer. Ainsi, ce n’est que le dimanche 14 octobre que la colonne de secours conduite par le pilote suisse Hermann Geiger arrive sur site avec des pièces de rechange et que les réparations peuvent commencer. Le lundi 15 octobre, l’avion démarre au quart de tour et Georges-André Zehr est littéralement catapulté dans le vide à l’aide d’une sangle retenue par les sauveteurs aux deux extrémités. L’avion est sauvé.

GEIGER, THÉORICIEN DE L’AVIATION DE MONTAGNE

Fort de cette expérience, Hermann Geiger tente de mettre au point une méthode infaillible pour se poser en terrain enneigé.

Sans pourvoir confirmer qu’Hermann Geiger avait eu vents des essais militaires français d’avant-guerre, il est certain qu’il a synthétisé toutes les idées alors dans l’air pour créer un objet original permettant de décoller et d’atterrir dans n’importe quelles conditions. L’avion a besoin de skis pour évoluer en terrain enneigé, en décoller ou s’y poser. Il faudra donc adapter des spatules assez larges pour ne pas s’enfoncer dans la neige fraîche, mais aussi carénée, en forme de bateau, pour y imprimer sa marque et gagner en stabilité dans sa trajectoire au sol. Enfin, ces skis devront être rétractables, c’est-à-dire remontés mécaniquement en position haute afin de permettre les évolutions et le décollage sur piste en dur, puis descendus autant que de besoin en zone enneigée. Pour compléter le tout, les deux extrémités, avant et arrière de deux skis, sont reliés à la carlingue par un sandow assurant à la fois la souplesse du système et interdisant aux skis de restés bloqués dans la neige en faisant capoter l’appareil…

Ce n’est pas tout. Retenant les leçons de ses prédécesseurs, le pilote officialise la doctrine consistant à utiliser le terrain pour faciliter les manœuvres de l’appareil. Tandis que la pente descendante permet de gagner en glisse, donc en vitesse et, par conséquent, en portance, la pente montante permet de freiner l’appareil sur une distance beaucoup plus courte. Enfin, la glissade finale et un virage, à droite ou à gauche, permet de replacer l’avion dans la descente pour préparer le décollage.

Après avoir travaillé pendant toute la fin de l’automne et pendant toute la saison hiver, Herman Geiger est fin prêt. Le samedi 10 mai 1952, aux commandes d’un Piper PA-18 de 125 chevaux équipé de skis rétractables, il se pose pour la première fois sur le glacier de la Kanderfirn. Sa technique consiste à atterrir en remontant la pente et, pour repartir en lançant son engin dans la pente. Le mercredi 16 juillet 1952, il réussit à poser son avion à 4 370 mètres d’altitude, au sommet du glacier du mont Rose.

Cependant, la législation appliquée par l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) interdit aux aéronefs d’atterrir à l’extérieur des aéroports officiels. Heureusement, une solution est trouvée et l’activité peut se développer. Geiger est embauché pour transporter du fret, des passagers et des matériaux de construction vers des refuges de montagne, des chantiers de construction et des endroits isolés. Il secourt et transporte rapidement à l’hôpital des alpinistes et des skieurs blessés. C’est pour cette raison qu’il est nommé chef-pilote de la Swiss Life-Saving Society (SLSS), qui devient officiellement, en 1960, la Garde suisse de sauvetage aérien (Swiss Air Rescue Guard [SARG]), plus connue aujourd’hui sous le nom de REGA (en effet, en allemand, ‘SARG’ signifie ‘cercueil’…).

 

GEIGER PÉDAGOGUE

Cependant, Hermann Geiger et Fernand Martignoni sont des instructeurs et des formateurs hors pair. Les futurs pilotes de montagne doivent participer à des périodes d’instruction appelées « écolages » avec, pour objectif, de pouvoir évoluer sur glacier et d’y effectuer des sauvetages.

Les avions utilisés sont des Piper L-18 / L-21 Super Cub de 125 CV et le Pilatus PC-6 Porter à pistons (HB-FAO). Les élèves apprennent ainsi à se déplacer en montagne sans aide à la navigation. Ils effectuent ensuite des posés spectaculaires sur le glacier d’Otemma. Pour passer le brevet de pilote de glacier l’élève doit avoir ses 150 heures de vol, acquérir des connaissances approfondie sur les conditions météos des régions alpines (courants, vents, brouillards), posséder une maîtrise automatique et absolue de l’appareil et s’astreindre à une discipline d’entraînement intense.

Aux connaissances étendues des Alpes, de la nature du sol et de tout ce que sa vie d’alpiniste lui a inculqué, il ajoute naturellement ses forces morales propres, sa volonté, son énergie et le contrôle de soi. Connaissant les deux facettes de la haute montagne, il sera d’un grand secours aux montagnards, qu’ils soient sportifs ou non.

CONVERSION À L’HÉLICOPTÈRE

Malgré le succès de sa méthode, parfaitement illustrée dans le film ‘S.O.S Gletscherpilot’, Hermann Geiger comprend bien que son application n’est pas à la portée du premier pilote venu et que certains cas de figure interdisent l’emploi de l’avion. Il pressent que pour être véritablement efficace en montagne, c’est l’hélicoptère qui s’imposera bientôt, quand les moteurs pourront affronter es hautes altitudes et la raréfaction de l’air.

Au début de l’année 1957, Hermann Geiger suit une formation de pilote d’hélicoptère à Issy-les-Moulineaux, au sud de Paris, au sein de la Fenwick Aviation School. De retour en Suisse entre le dimanche 10 et le mercredi 27 mars, il poursuit son entraînement hélico avec l’instructeur Josef Bauer sur l’aérodrome de Kloten-Dällikon. Ensuite, entre le samedi 1er et le mardi 4 juin, il poursuit son instruction par une formation montagne, certainement la partie la plus facile de son stage puisqu’il fait partie des élèves-pilote alpins les plus expérimentés du moment en Suisse.

 

Le Bell 47J Ranger immatriculé HB-XAU, le premier de ce type en Europe, devient également le premier hélicoptère de Search And Rescue (SAR) en Suisse, les blessés pouvant être installés dans la cabine pour y être soignés par un médecin pendant le vol. Malgré les performances limitées du Bell 47J Ranger, Geiger l’utilise fréquemment pour conduire des opérations de secours ou de transport en haute altitude. Contre toute attente, cet appareil ne connaît aucun accident, ce qui confirme les remarquables compétences du pilote.

En 1965, les Sociétés coopératives suisses (Coop) lèvent environ un demi-million de Francs suisses pour financer l’achat d’un hélicoptère plus performant destiné à la SLSS. Geiger accepte officiellement ce présent onéreux dans le cadre d’une cérémonie organisée à Muttenz, près de Bâle, le jeudi 28 février 1957.

Le dimanche 1er août 1965, jour de la Fête nationale suisse, il fonde, en compagnie de Luis Dallèves et de Bruno Bagnoud, la Compagnie d’aviation Air Glaciers. Quelques jours plus tard, il se rend à Marignane (France) pour percevoir un hélicoptère SE 3160 Alouette III immatriculé HB-XCB flambant neuf afin de remplacer les avions dans les activités de ravitaillement et de sauvetage.

 

UN ACCIDENT STUPIDE, UNE FIN TRAGIQUE

Le vendredi 26 août 1966, alors qu’il est âgé de 52 ans, un stupide accident au décollage de la piste de l’aérodrome de Sion met fin à sa carrière. L’accident se produit à une centaine de mètres de hauteur, alors que Geiger décolle, à 17 h 05, avec un Pilatus Porter depuis l’aérodrome de Sion en compagnie d’une passagère, Mlle Anne-Marie Challand. Un planeur, piloté par M. Charles Gabioud, amorce son atterrissage. Les deux appareils se heurtent, l’avion pique du nez et se plante dans le sol. Hermann Geiger décède à l’hôpital tandis que sa passagère et le pilote du planeur sont gravement blessés, ce dernier décédant quelques jours plus tard.

Les circonstances exactes de l’accident sont encore mal connues et les témoignages restent contradictoires. Selon certains, c’est la passagère du Pilatus-Porter (un appareil à double commande) qui pilotait l’avion. Selon d’autres informations, le soleil déclinant aurait aveuglé Hermann Geiger, qui pilotait, et l’aurait empêché de voir le planeur. Il n’en reste pas moins que la Commission fédérale d’enquête sur les accidents d’aéronefs conclue à la responsabilité d’Hermann Geiger, dont l’avion aurait dû céder la priorité au planeur en phase d’atterrissage.

Trois jours plus tard, une foule immense assiste aux obsèques du pilote. Une année après son décès, une marche anniversaire réunit 1 700 personnes. À cette occasion, une stèle funéraire est inaugurée à l’aérodrome de Sion. La Télévision romande se rend sur place, à Sion, pour ses obsèques. L’équipe de Carrefour émission de la RTS) interviewe des amis du pilote comme Fernand Martignoni et Maurice d’Allève.

UN BILAN EXCEPTIONNEL

Comptant plusieurs milliers d’atterrissages en montagne, Hermann Geiger a plus de 4 000 sauvetages d’alpinistes en détresse à son actif. On se souvient notamment de sa participation aux opérations déclenchées après le glissement de terrain du barrage de Mattmark (Canton du Valais) en août 1965, où une centaine d’ouvriers ont trouvé la mort. Le vendredi 17 avril 1959, Hermann Geiger reçoit notamment la médaille de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, décernée par le Pape Jean XXIII, pour le sauvetage de plus de trois cents touristes italiens dans les Alpes suisses.

En automne 1957, la Télévision suisse romande (TSR) diffuse une série de quatre émissions Pilote des glaciers sur Hermann Geiger. Un documentaire issu des meilleurs moments est remonté en vue de la participation de la TSR au concours de télévision du Prix Italia-1958. Il remporte le Prix de la Ville de Venise. Ce film de Jean-Jacques Lagrange fait l’historique des tentatives d’atterrissage en montagne et montre Hermann Geiger dans ses diverses activités avec son Piper Super Cub et son hélicoptère.

Pendant une carrière d’aviateur de montagne bien remplie, Hermann Geiger a effectué 9 000 heures de vol sur avion et 2 600 heures de vol sur hélicoptère.

UN PIONNIER DE LA COMMUNICATION DE MONTAGNE

Très tôt, Hermann Geiger comprend l’importance de la communication pour le développement de ses différentes activités.

Tout d’abord, Hermann Geiger, c’est un look quasi-immuable, impossible à confondre, comme une marque de fabrique. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, c’est une figure d’acteur américain à l’éternelle veste en tweed, rarement avec cravate…. Un personnage carré, mais à la voix toujours posée, calme, rehaussée d’un léger accent français valaisan de fond de vallée, ou d’un accent alémanique bien marqué.

Il se fait connaître dès octobre 1951, lorsqu’un Piper PA-18 suisse capote sur le dôme du Goûter (du mont Blanc) et qu’il faut intervenir pour le réparer sur place. Il prend la direction d’une colonne de secours, effectue les réparations nécessaires et procède au lancement de l’appareil… le tout sous l’œil de la caméra des actualités cinématographiques suisses.

À partir de 1952, il capitalise sur ses atterrissages sur glacier à travers des reportages photos et des articles (dont ‘Geiger et les Alpes’, un ouvrage de photographies paru en 1959), avant de publier, en 1954, un ouvrage intitulé ‘Gletscherpilot’ (‘Pilote des glaciers’), titre qui lui sera attribué à titre personnel. Plusieurs ouvrages lui sont également consacrés comme, par exemple, ‘Dans les Alpes avec Geiger’ ou ‘Hermann Geiger, 1914-1966’, ainsi que d’innombrables articles de journaux ou de magazines. Les actualités suisses ont également réalisé des documentaires relatant ses exploits.

À la toute fin de l’année 1956, on pense faire appel à ses services pour récupérer les jeune Jean Vincendon et François Henri, réfugiés dans la carcasse de l’hélicoptère Sikorski SH-38 crashé sur le Grand plateau, sous le dôme du Goûter de Chamonix, mais il est trop tard. Le responsable des secours a décidé de mettre fin aux tentatives de récupération, considère que les deux compagnons d’infortune sont morts gelés. Dans le magazine Der Spiegel en date du dimanche 27 janvier 1957, un long article rapporte les propos du célèbre pilote valaisan :

« ALPINISTES/Tous les espoirs sont permis.

Dimanche, 27 janvier 1957.

Entretemps, Hermann Geiger avait décidé de prouver, à l’aide d’un exemple pratique, qu’il aurait eu une chance de sauver les étudiants.

Geiger a décidé d’atterrir avec son avion spécial sur un plateau enneigé des Alpes valaisannes, dans des conditions à peu près identiques à celles qu’il aurait rencontrées lors d’une tentative de sauvetage sur le mont Blanc. Objectif de cet exercice : récupérer un mannequin de paille.

Le service de télévision suisse a promis de filmer le projet du pilote des glaciers avec des téléobjectifs et a inscrit ce sauvetage modèle – en même temps pour la télévision allemande – à son programme du 20 janvier.

Hermann Geiger se reproche amèrement de ne pas avoir tenté, au début du mois de janvier, de libérer les deux étudiants du désert de neige du mont Blanc : « Avec ou sans permission, j’aurais dû essayer de les sauver. » Il est convaincu que les deux étudiants naufragés ont été victimes de la maladresse et de l’incompétence des autorités françaises responsables des tentatives de sauvetage… »

En 1958, Hermann Geiger est le personnage central du film suisse ‘S.O.S Gletscherpilot’ (‘SOS Pilote de glaciers’) mis en scène par Victor Vicas et dans lequel les scènes de secours en montagne avec un Piper PA-18 sont proprement époustouflantes, tout en sonnant le glas de l’avion dans ce type d’activité.

Hermann Geiger apparaît également dans plusieurs reportages télévisés mettant à la fois en valeur des diverses activités et son personnage haut en couleur.

ÉPILOGUE

On ne comprend rien à la personnalité d’Hermann Geiger si l’on ne considère ses différentes actions que comme des exploits sportifs. En effet, toute sa vie durant, ce pilote de montagne n’a qu’une seule et unique obsession : sauver des vies dans un milieu exigeant, changeant et dangereux. J’aurais peu écrire « un maximum de vies », mais cela aurait laissé entendre que « l’Aigle de Sion » aurait cherché à battre des records, ce qui est loin d’être le cas.

En effet, Hermann Geiger ne cherche pas l’exploit sportif en tant que tel. Il suffit de bien observer sa manière de piloter pour comprendre qu’il reste concentré jusqu’au contact avec la neige et qu’il ne laisse rien au hasard. S’il prend des risques, ceux-ci sont savamment calculés, soupesés au gramme près… Tout est rigueur et maîtrise de soi, le pilote fait corps avec l’avion, il est l’avion…

Dans ce contexte, reste à expliquer pourquoi Hermann Geiger devient, très tôt, un communiquant hors pair, surtout pour les canons de l’époque. Homme d’intuition, un peu comme le commandant Cousteau dans un tout autre domaine, que pour progresser (au plan technologique, au plan des techniques, des matériels…), il lui fallait faire connaître ses activités et se faire connaître lui-même, pour se faire accepter et se faire aider. Une notoriété au service d’une cause : le sauvetage en montagne. Défense d’une cause passant également par la création d’une école de pilotage en montagne destinée à disséminer ses savoir-faire dans les pays alentours.

Quand on pende à toutes les œuvres accomplies en moins d’une vingtaine d’années, on comprend mieux l’immense perte que représente la disparition de cet homme proprement exceptionnel qui ne voulait pas être un héros.

Bernard Amrhein

 


SOURCES

https://pilote-de-montagne.com/vincendon-et-henry-geiger-aurait-iul-pu-sauver-les-jeunes-alpinistes/

LITTÉRATURE

  • Geiger et les Alpes.
  • Pilote des glaciers.

FILMOGRAPHIE

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1 Comment

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