1937 – Le pilote d’essai soviétique Mikhaïl Lipkin s’écrase sur le mont Lénine


Dans l’Entre-deux-guerres, les activités sportives deviennent progressivement un outil de propagande, tant des régimes autoritaires que des démocraties occidentales. En Union soviétique, l’alpinisme devient l’un des champs d’action privilégiés du Parti communiste. Afin de soutenir la conquête des sommets les plus emblématiques d’Asie centrale, le pouvoir met à la disposition des responsables des expéditions des avions parmi les plus performants du moment. Malheureusement, cette aviation de montagne naissante connaît, comme partout, des déboires. Aujourd’hui, Pilote de montagne (PDM) présente un épisode assez méconnu de la conquête du mont Lénine…

CONTEXTE

En 1937, l’Union soviétique organise une nouvelle expédition au Pamir. Pour la première fois dans l’histoire de l’alpinisme, le groupe d’alpinistes est assisté par un groupe d’avions. Les pilotes sont placés sous le commandement de Mikhaïl Lipkin et leur mission consiste à transporter le personnel et le matériel d’un camp à l’autre, et aussi à parachuter les denrées et les équipements sur les pentes des sommets.

LE POLIKARPOV R-5

Le Polikarpov R-5 (en russe, « Полика́рпов Р-5 ») est un avion militaire de l’entre-deux-guerres.

Il s’agit à la base d’un avion de reconnaissance armé, mis en service en 1931. L’équipage comprend deux membres. Il est équipé d’un moteur Mikouline M-17 de type V12 refroidi par liquide, et d’une puissance unitaire de 680 ch.

Ses dimensions sont les suivantes : une envergure de 15,50 m, une longueur de 10,55 m, une hauteur de 3,25 m.

Pesant 2 955 kg, il peut atteindre une vitesse de 288 km/h, un plafond théorique de 3 000 m et a un rayon d’action de 800 km.

L’avion qui nous intéresse est certainement une version améliorée, capable de voler en haute montagne.

LE CRASH

Pendant l’un de ces vols, l’avion subit une avarie suite à un puissant flux d’air descendant et Lipkin se voit contraint d’opérer un atterrissage d’urgence sur le terrain du Camp de base n° 2, situé à 5 200 m d’altitude (par la suite, les rochers de la crête Ouest seront nommés « les rochers Lipkin »). Comme par miracle, le pilote survit à l’accident et s’en sort avec plusieurs cicatrices et des contusions. Complètement épuisé, il est sauvé grâce à l’intervention rapide d’une colonne de secours.

L’hélice de l’avion est brisée et le redécollage depuis ce terrain est impossible.

À l’automne 1937, un détachement de sapeurs récupère les parties les plus importantes du moteur ainsi que les appareils de navigation, abandonnant la carlingue sur les pentes du pic Lénine. Pendant des décennies, des pièces de l’avion sont emportées par les touristes comme souvenirs. En effet, l’un des itinéraires les plus populaires pour l’ascension du sommet passe par les fameux « rochers Lipkin ».

SAUVETAGE DE L’ÉPAVE

À une date restant à déterminer, les étudiants de l’Institut de l’aviation civile de Riga (capitale de la Lettonie) entendent parler du vol de Mikhaïl Lipkin. L’histoire leur semble incroyable et ils rassemblent un maximum d’informations en recherchant des témoins oculaires du vol, en interrogeant les amis du pilote (décédé entretemps) et en interviewant son épouse à Douchanbé (capitale du Tadjikistan). Conclusion de tout cela : il faut retrouver la carcasse de l’avion…

Rapidement, des hélicoptères et des avions explorent les pentes du Bouclier de Lénine (à 7 134 m d’altitude). Enfin, les membres de l’expédition découvrent la machine accidentée à 5 200 mètres d’altitude. Photographiée sous tous les angles, elle semble encore en relativement bon état.

Les étudiants passent toutes leurs vacances d’été à sauver l’avion R-5 en compagnie d’alpinistes des professionnels et d’employés de la compagnie aérienne Aeroflot, qui leur a également prêté un hélicoptère de grande capacité pour transporter les restes biplan jusqu’à Riga. Cependant, l’appareil est pris dans le glacier. On attaque donc la gangue de glace aves des produits chimiques, mais le liquide fondu regèle presqu’aussitôt.

On dégage donc soigneusement le R-5 à la main. Tandis qu’un site d’atterrissage pour hélicoptère a été trouvé à 800 mètres de l’épave, les étudiants démantèlent d’abord le compartiment moteur, puis les ailes, qui sont remontés, à la corde, sur une pente raide, jusqu’à la zone d’atterrissage. Suivent le train de roulement et, enfin, le fuselage. Toutes les pièces sont embarquées dans un hélicoptère de manœuvre Mi-8 et transportées vers l’aéroport de Douchanbé, puis acheminées par hélicoptère jusqu’à Riga.

Aujourd’hui, l’avion restauré est exposé au Musée central des Forces aériennes de Monino, à 40 km de Moscou (Russie).

ÉPILOGUE

Un lecteur averti aura bien noté que de nombreux éléments factuels manquent actuellement pour que cet article réponde aux standards que Pilote de montagne (PDM) tente d’établir depuis la création, le mercredi 8 septembre 2020. En particulier, il manque systématiquement les dates exactes du crash, de l’expédition de sauvetage de l’épave et de son transfert vers Riga, puis vers Monino, en Russie.

Cela illustre bien les difficultés pour trouver des informations de source ouverte au sujet d’une aviation de montagne soviétique alors même que la plupart des Républiques fédératives socialistes méridionales étaient bordées de massifs montagneux importants. Il nous faudra immanquablement effectuer des recherches dans la documentation rédigée en langue russe…

Il n’empêche que dans ces régions hostiles, l’emploi de l’aviation a été sérieusement envisagé afin de facilité la réalisation d’exploits sportifs dans le domaine de l’alpinisme.

Éléments recueillis par Bernard Amrhein


SOURCES

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