22 mars 1922 – Il y a cent ans, le Suisse Walter Mittelholzer s’écrasait sur l’Alp Riseten (Canton de Glaris/Suisse)


Dans un article publié le 8 janvier 2022, nous évoquions la figure emblématique de l’aviateur Suisse Walter Mittelhozer, tour à tour observateur militaire, grand maître de la photographie aérienne, dans les Alpes, mais pas seulement, fondateur ou co-fontdateur de compagnies aériennes, aventurier et explorateur, un peu africaniste… Aujourd’hui, nous vous proposons de retrouver ce personnage mythique (malheureusement pas très charismatique) et emblématique de son époque dans un épisode de sa vie de pilote relativement occulté par les médias…

L’ARTICLE DE STEPHANIE ELMER

« L’homme qui tomba du ciel…

Voici presque cent ans, le pionnier de l’aviation et aventurier Walter Mittelholzer s’est écrasé sur l’Alp Riseten. Il aurait revolé dans la région afin de faire le tour du clocher de Matt. Ce samedi [23 novembre 2019], le documentaire relatant la vie de l’aviateur sera projeté à Engi (Canton de Glaris/Suisse) par un cinéma mobile…

J’ai souvent entendu cette histoire. La fierté, avec un soupçon d’aventure, qui résonnait de loin. Ce sont surtout des mosaïques en vrac qui ne se sont réunies que beaucoup plus tard pour former un tableau. Mittelholzer. L’Aviateur. Le brouillard, la neige, la perte d’orientation. Le crash.

Le 22 mars 1922, Walter Mittelholzer, alors âgé de 28 ans, doit effectuer un vol ente Milan à Zurich. Au-dessus des Alpes, il est surpris par un épais brouillard, la visibilité s’estompe dans un grand blanc. Mittelholzer perd son orientation et s’écrase dans un champ de neige sur l’Alp Riseten, au-dessus de Matt. Gravement blessé, il se traîne dans la nuit tombée, dans une grande obscurité, dans la cabane glacée de l’alpage intermédiaire en attendant le lendemain matin. ʺDes étoiles clignotaient, dans ma solitude, à travers les trous dans la couverture du chaletʺ, écrira-t-il plus tard dans son livre ‘La randonnée alpine’.

Aux premières lueurs du jour, il reconnaît, lui, l’alpiniste passionné, les montagnes de Sernftal. Après une longue odyssée, il atteint la vallée et trouve de l’aide. Plus tard, il écrira : ʺComme un fantôme, les deux filles de salle de la petite auberge de la gare me fixaient, alors que j’entrais dans le cercle de lumière de la lampe, à minuit, équipé de pied en cap comme un aviateur, le casque de protection au-dessus du visage ensanglanté.ʺ Ma grand-mère vivait également dans le restaurant de la gare. Les événements de cette nuit ont été constamment remémorés au cours des décennies ultérieures.

UN BONHEUR IRRÉEL

Voler, c’est la passion de Mittelholzer, peut-être même son obsession. ʺLa promesse et même la réalisation de ce bonheur surnaturel n’ont-elles pas pesé sur le sacrifice de la vie ?ʺ Cette phrase a été rédigée par Walter Mittelholzer à la lumière des débuts de sa carrière de pilote – tout en sachant que l’aviation n’était pas une aventure merveilleuse à l’époque, mais plutôt une activité périlleuse.

Walter Mittelholzerl est né à Saint-Gall en 1894. En 1911, alors que son père refuse qu’il entreprenne des études en chimie, il devient photographe. Et c’est la photo qui le pousse à voler. Il a 20 ans lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale et, un an plus tard, il le tout nouveau groupe d’aviateurs. ʺLe monde est en flammes, création d’un service aérien suisse, […] observateurs ont été envoyés avec des appareils photo, [… ] on photographie méticuleusement là-haut. Une nouveauté ; un vrai photographe. Un artiste dans son métierʺ, écrit plus tard le pionnier suisse des ballons, Auguste Piccard.

Mittelholzer lui-même devient prisonnier de cet état, bien au-dessus de la Terre. En 1917, il entre à l’école des pilotes ; un peu plus d’un an plus tard, il obtient le brevet militaire de pilote. Plus tard, il fonde avec son instructeur de vol Alfred Comte l’une des premières compagnies aériennes civiles, la Comte-Mittelholzer-Airlines.

BIEN PLUS QUE LE VISAGE DE L’AVIATION

Ce sont les débuts de l’aviation civile en Suisse et la situation d’après-guerre est bonne : de nombreux avions ne sont plus utilisés militairement et attendent maintenant un autre usage. En 1920, la compagnie aérienne Comte-Mittelholzer fusionne avec Ad Astra Aero. Onze ans plus tard, en 1931, elle fusionne avec la Balair pour former la Swissair — le symbole de l’aviation civile suisse de l’époque. Walter Mittelholzer est le premier capitaine de la Swissair et en est considéré comme la figure de proue.

Cependant, Walter Mittelholzer a toujours été plus qu’une vedette de l’aviation, le capitaine en uniforme chic. Il a toujours été le pilote-photographe, le photographe volant, l’aventurier pour qui ʺla Patrie devenait trop petiteʺ, comme l’a dit Piccard. En 1923, il est le premier à se rendre au Cap Nord et au Spitzberg. En 1927, il part pour Le Cap avec un hydravion qui traverse l’Afrique du nord au sud pour la première fois. Trois ans plus tard, en 1930, il survole la plus haute montagne d’Afrique, le Kilimandjaro. Son compagnon réfugié au fond de la carlingue, il souffre lui-même de maux de tête et de troubles de l’altitude, car les avions ne disposaient pas encore de cabines pressurisées.

RÉJOUISSANCES À SERNFTAL

25 000 photographies aériennes, des livres traduits en onze langues, des enregistrements cinématographiques, célébrés comme événements médiatiques de premier ordre, racontent son œuvre animée. Selon les sondages, Walter Mittelholzer est à l’époque l’homme le plus populaire de Suisse. Au cours des dernières années, ses photographies – en particulier ses images africaines en partie célèbres – sont cependant examinées sous un angle plus critique.

Pourtant, la vue du ciel à l’époque, bien avant l’époque d’Easy Jet et du tourisme de masse, est tout aussi merveilleuse que la fascination pour les pays lointains, qui sont loin d’être accessibles aux personnes disposant de temps libre. Comme la technologie a permis le rêve ancestral de voler. Mittelholzer lui-même aurait volé dans le Sernftal pour faire le tour de l’église de Matt en remerciement. C’est du moins ce qui figure dans un article paru dans l’Emmentaler Blatt environ 50 ans après son accident. ʺQuelle acclamation de la part de notre population montagnarde quand, après des mois d’attente, l’avion de Mittelholzer arriva enfin pour exprimer les remerciements à Kleintal, généralement silencieuse à midiʺ, écrit l’auteur. Et on le croit. »

ÉPILOGUE

Bien entendu, Pilote de montagne (PDM) se doit d’aller plus loin et ne pas s’en remettre à un seul article qui, d’ailleurs, se focalise beaucoup sur les différents aspects de la carrière d’un aviateur tombant, naturellement, un siècle après ses exploits, dans l’oubli. Malheureusement, nous n’avons pas encore pu déterminer ni la marque ni le type de cet appareil, encore moins les causes de cet accident. Cependant, les témoins de cette époque s’accordent à dire que Walter Mittelholzer était bien meilleur photographe que pilote…

Il n’empêche qu’il a tout de même réussi l’exploit de se crasher sur terrain enneigé, forcément en pente puis, malgré de graves blessures (dont nous n’avons pas, non plus, le détail), à rejoindre un chalet d’alpage, puis à se traîner, le lendemain, vers la gare de Matt.

En revanche, nos recherches nous ont mis sur la piste de l’épave. C’est ainsi que nous avons découvert qu’une bande d’amis de la région, Karl Leins, Willy Leins, Xaver Wohnhaas et Hans König se sont mis en quête du Graal le vendredi 19 mai 1922. Sur place, il se sont étonnés que quelqu’un avait pu sortir vivant de tels décombres. Comme le montre la photo prise par Willy Leins (voir encart d’aceuil), chacun d’entre eux a contribué à ériger un monument avec les restes de l’appareil…

Au bilan, un accident miraculeux que les biographies officielles du héros de la Swissair et des raids lointains s’évertuent à gommer, mais qui réapparaît, parfois comme par enchantement. Pour ce qui nous concerne, nous considérons que les grands échecs d’une vie constituent les ingrédients de réussites ultérieures, d’autant plus étincelantes que le gouffre aura été profond. Une grande leçon pour tous les aviateurs de montagne actuels et futurs…

Article traduit de l’allemand et éléments recueillis par Bernard Amrhein


SOURCE

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