23 février 1950 – Freddy Wissel devient le premier aviateur civil à se poser en haute montagne avec un avion équipé de skis


En atterrissant sur le glacier de Corviglia en ce vendredi 23 février 1950, Fredy Wissel, un hôtelier de Saint-Moritz (Canton des Grisons/Suisses) devenait le premier pilote des glaciers civil de l’Histoire de l’aviation de montagne. Jusqu’en 1964, il a sauvé plus de 100 personnes et a été distingué à plusieurs reprises pour ses actions, en particulier par l’attribution, en 1976, du ‘Diplôme Paul Tissandier’, la plus haute des récompenses pour un pilote…

RÉSUMÉ

Frédéric Wissel, dit ʺFredyʺ, naît à Genève (où il passe sa jeunesse) le vendredi 10 mars 1905 et décède le dimanche 20 mars 1994 à l’âge de 89 ans. Il est le fils de Heinrich Wissel, un hôtelier genevois, et de Hedwig, née Kreutzer. Après un apprentissage de cuisinier et de serveur à Genève, il rejoint, dès 1924, l’entreprise familiale, l’Hôtel National, à Saint-Moritz, en Engadine. En 1932, il épouse Ursina Fratschöl.

À partir de 1939, il devient pilote de planeur puis, dès 1942, instructeur de vol à voile. En 1948, il obtient le brevet de pilote d’avion à moteur et, dès 1950, atterrit sur le glacier de la Corviglia avec un Piper L4Grasshoper’ équipé de skis.

 

Après avoir perfectionné sa technique d’atterrissage et de décollage sur neige comme sur glace, il effectue plus de 100 sauvetages et 15 000 atterrissages aux commandes de son avion à quatre places et ailes hautes Maule M-4.

L’INFLUENCE DE L’ACCIDENT SUR LE GAULI

Mené le dimanche 24 novembre 1946, notamment, par deux avions de reconnaissance légers Fieseler Storch Fi-156, le sauvetage des naufragés américains du glacier du Gauli, qui jouit d’un retentissement mondial, n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat de plusieurs essais, du développement d’équipements spécifiques et d’un processus empirique.

En effet, entre 1942 et 1945, deux colonels des Troupes d’aviation suisses, le docteur Othmar Bloetzer et André Bridel, effectuent des centaines de vols et d’atterrissages en montagne avec les Fi-156. Le décollage depuis la plaine s’effectue sur roues… et l’atterrissage sur glacier aussi. Pour redécoller sur neige, l’appareil est équipé de « skis-sabots »… se déchaussant littéralement dès que l’avion quitte le sol.

Dans cette période, les militaires sauvent 45 personnes….

L’écho de ces sauvetages parvient aux oreilles de Fredy Wissel, notre hôtelier de Saint-Moritz, qui n’a obtenu son permis de vol à moteur qu’à l’âge de 43 ans, soit en 1948. Il souhaite, à son tour, s’initier à l’atterrissage et aux décollages en montagne. Une heureuse coïncidence veut que Viktor Hug, l’un des deux pilotes-sauveteurs des rescapés du glacier du Gauli, descende à son hôtel. Bien entendu, Fredy en profite pour le « cuisiner » sur l’atterrissage en montagne.

UN EXPLOIT, SUIVI DE NOMBREUX AUTRES

Le courant passe si bien entre les deux hommes que le capitaine Hug encourage l’hôtelier à tenter lui-même l’expérience.

Six jours plus tard, le vendredi 23 février 1950, après avoir fait fabriquer des skis par un ébéniste local, Wissel effectue son premier atterrissage en montagne sur le glacier de la Corviglia, à une altitude de 2 400 mètres, aux commandes d’un Piper L4 de 65 CV. Deux mois plus tard, il atterrit sur la Diavolezza et, toujours la même année, sur le Corvatsch, à environ 3 000 m d’altitude.

Notons bien que ces différents atterrissages ont lieu plus de deux ans avant ceux d’Hermann Geiger, surnommé plus tard « l’Aigle de Sion » et « le Pilote des glaciers ». Wissel est donc clairement le premier pilote des glaciers suisse, ce que personne ne lui conteste.

WISSEL, CO-CRÉATEUR DE LA REGA

En décembre 1952, Fredy Wissel participe à la fondation de la REGA et de la base de Davos avec Fritz Bühler. Il opère lui aussi un Fiesler Storch Fi 156, largue un premier parachutiste-sauveteur, puis est rejoint par le Valaisan Hermann Geiger, à qui il prodigue des cours…

 

En septembre 1961, il réussit à tracter un planeur en décollant à 3 200 m d’altitude, preuve qu’il cherche en permanence à perfectionner son art.

Au bilan, il aura utilisé une demi-douzaine de monomoteurs dans les montagnes suisses et cessera de voler à 82 ans, après plus de 15 000 décollages, dont 10 000 sur neige et glace, de nombreux vols intervenant dans le cadre d’opérations de sauvetage.

Son deuxième avion, un KZ VII ‘Laerke’ (‘Alouette’) de fabrication suédoise, équipé de skis fixes, doit décoller depuis une piste en neige sur l’aérodrome de Samedan, au nord-est de St-Moritz Dans l’imaginaire populaire, cet étonnant petit avion à décollage court est surnommé, à juste titre, la ‘cigogne danoise’ en raison de la forme de ses ailes.

Bientôt, Wissel acquiert un Piper PA-18 ‘Super Cub’ et, plus tard encore, deux Maule M4, tous deux équipées de skis.

Outre d’innombrables sauvetages, on compte un nombre impressionnant de vols touristiques avec de nombreux hôtes célèbres de la ville de Saint-Moritz, inscrits dans les carnets de vol de Wissel.

Fredy Wissel décède à St-Moritz en 1994, à l’âge de 89 ans.

ÉPILOGUE

Dans l’imaginaire populaire, l’idée que le pilote suisse Hermann Geiger a inventé l’atterrissage et le décollage sur glacier paraît solidement ancrée. N’est-il pas « l’Aigle de Sion », le « Pilote des glaciers » ? Comme nous l’avons vu, Fredy Wissel a été l’un des instructeurs de Geiger et lui a démontré qu’il était possible de se poser en haute montagne pour porter secours à des personnes en danger et d’en redécoller sans encombre. Cependant, utilisant certainement des skis d’avion fixes de fabrication américaine (toujours utilisés en Alaska, par exemple), il ne pouvait décoller que depuis piste enneigée, de préférence damée.

Si Wissel a effectivement pu donner au jeune Geiger le goût de l’aviation en montagne, le chef de la place de Sion met à profit le sauvetage du Piper ‘Super Cub’ du journaliste suisse Georges André Zehr sur le dôme du Goûter le lundi 15 octobre 1951 pour inventer les skis escamotables en vol, permettant de décoller sur piste en dur, atterrir sur skis sur pente enneigée puis redécoller sur skis pour atterrir sur roues en plaine…

Et puis, il faut bien le dire, Fredy Wissel n’est que « l’Hôtelier volant », un entrepreneur civil et amateur du sauvetage en montagne quand Hermann Geiger est un « professionnel » jouant de tous les médias : articles, roman, film d’aventure, reportages télévisés, conférences, etc. Dans toutes les Alpes suisses comme à l’international… Geiger devient une véritable vedette quand Wissel se consacre, modestement, à son œuvre, en Engadine…

Rendons donc hommage à ce maillon essentiel dans l’Histoire de l’Aviation de montagne…

Éléments recueillis par Bernard Amrhein

 


SOURCES

  • Der fliegende Hotelier – Fredy Wissel, Gletscher und Rettungspilot. Haverkamp, Theo.

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