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    7 octobre 1961 – Un Douglas C-47 « Dakota » de « Derby Airways » s’écrase sur les pentes du Canigou 

    Le samedi 7 octobre 1961, un Douglas C-47B-30-DK « Dakota Mk IV«  charter de la compagnie aérienne britannique « Derby Airways«  effectuant la liaison LondresPerpignan s’écrase dans le massif du Canigou (66/Pyrénées-Orientales), probablement en raison d’une puissance insuffisante de lémetteur de Toulouse pour les communications aéronautiques, ayant induit une erreur de navigation. Les 31 passagers et trois membres d’équipage périssent dans l’accident. Soixante-trois ans après le drame, les décombres de l’appareil sont (enfin ?) déblayés…

    LE DRAME

    Produit en 1945 et immatriculé G-AMSW (n° de série 32919/16171), l’avion est équipé de deux moteurs Pratt & Whitney R-1830-90C et compte 13 658 heures de vol.

    Le C-47 décolle de London-Gatwick Airport (LGW/EGKK), au Royaume Uni, à 20:43 UTC le vendredi 6 octobre, pour rejoindre l’aéroport de La Llabanère (Perpignan/PGF/LFMP), dans le sud de la France.

    L’appareil se signale à la verticale de Toulouse à 00:30 UTC, volant vers Perpignan au niveau de vol FL75 (soit 7 500 pieds [ft], 2 500 m d’altitude), et estime son heure d’arrivée à destination à 01:12 le lendemain matin. Dans une zone balayée par une pluie intermittente et de vent variable, l’avion heurte la pente d’une montagne à 2 200 m d’altitude.

    LES ÉQUIPES DE SECOURS

    Quelques minutes après le crash, une équipe de secouristes présente au refuge des Cortalets, non loin du lieu de l’accident, arrive sur place.

    L’un des secouristes témoigne dans le Midi Libre : « Le spectacle était apocalyptique. Des corps calcinés gisaient sur un rayon de 100 mètres autour de l’épave ». Plus de soixante ans plus tard, des morceaux de l’épave de l’avion étaient encore présents sur les flancs du Canigou.

    Le vendredi 22 septembre 2023, Xavier Ponroy publie, sur France Bleu Roussillon, le témoignage de l’un des premiers sauveteurs arrivés sur le crash du Canigou en 1961 :

    « C’était insoutenable…

    Vernet-les-Bains

    De Xavier Ponroy

    Le 7 octobre 1961, un avion s’est écrasé sur les pentes du Canigou, à 2 200 mètres de hauteur. Il devait relier Londres à Perpignan. Les 34 passagers à bord avaient perdu la vie. Jean-Pierre Bobo, 20 ans à l’époque, a été l’un des premiers sauveteurs arrivés sur les lieux.

    Jean-Pierre Bobo, l’un des premiers sauveteurs sur les lieux du drame.

    Alors que se met en place du 22 au 24 septembre une grande opération de dépollution des restes de l’avion DC3 de 1961 écrasé sur le Canigou, voici le témoignage de Jean-Pierre Bobo, l’un des premiers sauveteurs arrivés sur les lieux :

    « Au fur et à mesure qu’on arrive pas très loin des Cortalets, on voyait une volute de fumée qui s’élevait. Et là, nous partons en une vingtaine de minutes. Et lorsque nous arrivons… on voit des arbres qui sont coupés, et… (Il s’arrête, NDLR). Je ne l’oublierai jamais : sur le faîte des arbres, l’hôtesse de l’air et le steward qui étaient coupés en deux par la ceinture de sécurité. La plupart des corps d’ailleurs, étaient coupés en deux, à cause de l’impact. Il y avait une odeur de brûlé et de kérosène. C’était insoutenable » raconte le retraité, ancien professeur d’histoire-géographie.

    Le sauveteur se rappelle également de l’attente car, en l’absence immédiate d’inspecteur de l’aviation civile, il était à l’époque impossible de bouger les corps : « À 6 h du matin, on allait relever les gens qui étaient restés près des corps. C’était à notre tour de veiller les morts. Ça a été dur. Je suis intervenu sur un autre crash deux ans après. Mais celui-là était insoutenable parce que les corps étaient coupés en deux. C’était affreux. C’était il y a 62 ans, mais cela m’a marqué.

    C’étaient des gens qui partent en vacances, il y avait des enfants. Et puis il y en avait quand même 34…

    Quelque temps après le crash, nous avons reçu individuellement une lettre de l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, qui était à l’époque le gendre de Winston Churchill, pour nous remercier. Cela a été apprécié par l’ensemble des secours.

    Le ramassage des débris ce week-end ? « C’est important pour moi. Cet endroit… Qu’on récupère, qu’on enlève tout, qu’on nettoie tout et surtout qu’on mette une plaque dessus. Moi, j’ai jamais compris comment les Anglais, pour leurs compatriotes, n’ont pas mis une plaque. Il a fallu plus de 60 ans maintenant pour faire une cérémonie (prévue au printemps 2024, NDLR) ». »

    LA CAUSE PROBABLE DE L’ACCIDENT

    Pour l’ICAO Digest 13 (Circular 69), « l’accident est imputable à une erreur de navigation, dont l’origine ne peut pas être déterminés par manque que preuves suffisantes ».

    À l’époque, certains évoquent une malédiction, ou plutôt un sortilège. En effet, on émet l’hypothèse selon laquelle un champ magnétique créé par les mines de fer présentes sur le Canigou aurait perturbé les liaisons radio et déréglé les instruments de vol… Finalement, il semblerait que l’émetteur de Toulouse était alors trop faible pour assurer de bonnes communications aéronautiques à cette période.

    Quant aux conditions météorologiques, à savoir une pluie intermittente, elles n’étaient pas spécialement dangereuses cette nuit-là, mais un vent de nord-ouest (Tramontane) non prévu aurait fait dévier l’avion de son plan de vol initial. Selon le rapport définitif, c’est donc à la suite d’une erreur de navigation que le Douglas DC-4 a percuté le Canigou, ce samedi 7 octobre 1961.

    AUTRES CRASHES INTRIGUANTS SUR LE CANIGOU

    Malheureusement, cet accident d’avion ne reste pas isolé. Deux ans plus tard, le mardi 12 septembre 1963, un autre crash se produit non loin de là . Cette nuit-là, un bimoteur moyen-courrier Vikings, en provenance du Royaume-Uni lui aussi, se perd dans la tempête et dans le violent orage qui s’abat sur le Roussillon depuis quelques heures.

    Avec trente-six passagers à bord, l’avion, pourtant piloté par un aviateur chevronné, Max Dunoyer, s’écrase sur les flancs du Canigou, près de la crête des Mattes Rouges, à 1 750 mètres d’altitude et à cinq kilomètres à vol d’oiseau de Vernet-les-Bains.

    Trois minutes avant le crash, le pilote avait informé la tour de contrôle de Perpignan de son atterrissage imminent. Or, ce dernier se trouvait en réalité au-dessus de Prades, et non de Rivesaltes. Naviguant à vue, l’avion aurait dû survoler le département de l’Aude, mais il aurait été, à son insu, déporté vers le sud.

    Puis, en 1967, un autre avion, toujours en provenance d’Angleterre s’est écrasé au-dessus du village de Py, tuant 88 personnes.

    Au total, près de quinze accidents se produisent à cette époque dans le massif du Canigou…

    LE SENTIER DE L’ÉPAVE

    Jusqu’en 2023, les débris du DC-4 restent fichés dans la montagne et font littéralement partie du paysage, posés en vrac, pliés par le choc, sur la face nord du Barbet, un sommet tout proche du Canigou. La carcasse donne même, à la longue, son nom à cette portion du sentier de grande randonnée qui traverse les Pyrénées, le GR10.

    L’épave fait corps avec la montagne

    C’est ainsi que la portion située entre Prats-Cabrera et le refuge des Cortalets devient le « sentier de l’épave », au point que la décision de débarrasser la montagne de ces morceaux de métal pose problème : « C’est une question en effet assez sensible, compte tenu de l’aspect patrimonial et mémoriel de cette épave. Nous avons pris beaucoup de précautions pour préparer cette opération », affirme Florian Chardon, directeur de Canigó grand site»

    Cinq à dix tonnes de métaux

    « Parmi les raisons qui ont poussé à ce nettoyage, il y a le fait que l’épave avait été taguée, qu’elle est aussi sur le terrain des Grands Tétras, des oiseaux protégés dans le massif. » Une quarantaine de personnes se sont donc employées à découper et à ramasser les morceaux de l’épave pour tout rassembler au refuge des Cortalets. « Il y avait entre cinq et 10 tonnes de métaux dispersés sur le chemin. »

    Pour honorer la mémoire des victimes du crash, une plaque sera apposée en 2024 sur le lieu de l’accident débarrassé de l’épave, à l’exception d’un élément du train d’atterrissage. Et certains descendants des victimes, retrouvés et contactés, ont annoncé leur volonté d’être présents.

    En revanche, il ne sera pas touché aux autres carcasses d’avions venus finir leur course sur le massif au long d’une série d’accidents dans les années soixante… On se demande bien pourquoi ?

    LE RAMASSAGE DES DÉBRIS

    Dans un article en date du dimanche 24 septembre 2023 intitulé Pyrénées : Soixante ans après son crash, les débris d’un avion enlevés dans le Canigou, le site Internet de 20 minutes relate les opérations d’enlèvement des débris de l’appareil :

    « Une quarantaine de bénévoles ont mené, samedi 23 et dimanche 24 septembre, une opération de nettoyage pour enlever les débris restants d’un avion qui s’est écrasé il y a plus de soixante ans sur le Canigou, montagne emblématique des Pyrénées-Orientales. L’avion de la compagnie Derby Aviation effectuait un vol entre Londres et Perpignan lorsqu’il s’est écrasé une nuit d’octobre 1961, tuant les 34 passagers et membres d’équipage à bord, en majorité des Britanniques.

    « Une odeur affreuse« 

    « J’ai reçu un message dans ma boîte aux lettres disant qu’on était sans nouvelle d’un avion qui aurait dû atterrir à minuit et qu’il fallait se tenir prêt à partir », témoigne Jean-Pierre Bobo, qui faisait partie de la première équipe de secours sur place alors qu’il était jeune membre du club alpin. « Quand on est arrivés, le temps était gris et brumeux et il y avait une odeur affreuse : un mélange de kérosène et de chair humaine », raconte-t-il.

    Aujourd’hui âgé de 82 ans, ce professeur d’histoire à la retraite est également conseiller scientifique du syndicat mixte du Canigou, à l’initiative de ce nettoyage avec l’association Mountain Wilderness Catalunya et le refuge du Cortalets, situé à quelques dizaines de minutes de marche du lieu du crash. « J’étais ému aujourd’hui : c’est une page de ma vie, on ne peut pas avoir été confronté à ça à 20 ans sans être marqué », confie-t-il.

    La carlingue découpée à la tronçonneuse thermique

    Quelques parties de l’engin avaient été récupérées à l’époque de l’accident pour les besoins de l’enquête, qui a conclu à une erreur de navigation, mais l’essentiel de l’épave était resté sur les flancs du Canigou, à un peu plus de 2 000 mètres d’altitude.

    Tout le week-end, une dizaine de bénévoles ont découpé la carlingue à l’aide de disqueuses et d’une tronçonneuse thermique, tandis que d’autres fouillaient les rochers et les rhododendrons à la recherche de plus petits débris. « Il y en a partout, enfouis ou enterrés, des petits morceaux contondants qui peuvent blesser les animaux… C’est une sorte de déchetterie en montagne », constate Thomas Dulac, gérant du refuge des Cortalets.

    Plaque commémorative

    Le syndicat mixte du Canigou laissera une pièce de l’avion près du chemin de randonnée, le GR 10, pour rappeler l’accident et prévoit d’installer une plaque commémorative.

    Certaines parties de la carcasse doivent être envoyées au musée de l’aviation de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) et Thomas Dulac en gardera quelques-unes dans son refuge. Le reste sera déposé à la déchetterie. »

    CONTROVERSE

    Comme le décrit bien le reportage vidéo ci-dessous, les réactions face à ce nettoyage sont contrastées. Ainsi, certains habitués de cette randonnée regrettent cette opération, les débris faisant partie intégrante du paysage et de l’histoire du site. De leur côté, ses initiateurs et, bien entendu, les bénévoles ayant répondu à leur appel sont intimement persuadés de faire œuvre utile, voire même écologique, en tentant de rendre au site sa virginité originelle.

    Pour légitimer leur opération, les organisateurs de ce nettoyage s’appuient sur l’obligation légale, pour les compagnies aériennes, de remettre en état les sites de catastrophe en ramassant tous les débris, considérés comme de vulgaires déchets, et en dépolluant les zones contaminées par le carburant et les ingrédients (huiles, liquides de freins ou de refroidissement, etc.), et en reboisant les zones dévastées. Si cette obligation peut se comprendre, par exemple, pour le crash de l’Airbus A320 de la Germanwings aux Prads-Haute-Bléone, dans le Massif des Trois Évêchés (04/Alpes-de-Haute-Provence), à 1550 m d’altitude, on peut légitimement se poser la question pour un accident survenu bien avant l’adoption des lois considérées.

    En effet, le crash du « Dakota«  sur le Canigou est intervenu en mars 1961, une époque à laquelle la législation mise en avant n’existait pas encore et à laquelle les préoccupations environnementales n’était pas aussi « évoluées ». Comme le soulignent les personnes perturbées par cette opération de nettoyage, les débris de l’avion faisaient partie intégrante de la montagne et constituaient, même s’il n’existait aucun monument ni aucune plaque informative, un lieu de mémoire que tout un chacun pouvait respecter (ou non) en fonction de son propre niveau de conscience. Or, ce n’est pas l’État qui a mis en demeure une compagnie aérienne (par ailleurs disparue) de procéder à la dépollution du site, cette initiative n’a pas été initié, non plus, par le département des Pyrénées-Orientales, mais par une (ou plusieurs) association privée(s)…

    ÉPILOGUE

    Si l’on suivait la logique des écologistes, ce n’est pas seulement le site du Canigou qu’il faudrait dépolluer, mais tous les sites analogues. Cependant, c’est une chose de nettoyer une zone située près d’un sentier extrêmement fréquenté, c’en est une autre de s’attaquer à des zones de crash situées en haute montagne, qui plus est enneigée, ou sur des glaciers. Tout est une question d’accessibilité, de disponibilité de moyens de levage par les airs et, ensuite, de possibilité de transporter les débris par la route jusqu’à un centre de retraitement des déchets.

    Pour mémoire, la vision américaine des choses est, comme souvent, beaucoup plus pragmatique. En effet, plusieurs bombardiers s’étant écrasés dans des zones extrêmement isolées du territoire, et tout particulièrement dans les montagnes Rocheuses ou en Alaska, il n’était pas question de se lancer dans des opérations de récupération coûteuses en hommes et en moyens, matériels et financiers. Les épaves d’aéronefs et les débris les entourant sont érigées au rang de sanctuaire, de simples panneaux informatifs demandant, parfois, aux touristes, de respecter les lieux et de ne pas s’emparer de reliques comme un trophée.

    C’est sans doute trop en demander à nos écologistes qui, bardés de certitudes, soucieux de faire œuvre utile en rendant à la montagne un semblant de virginité, n’ont qu’un seul objectif en tête : faire disparaître toute trace d’une catastrophe aérienne témoignant des errements d’un autre âge, celui où voyager et voler pouvait encore constituer une marque de progrès et pouvait faire rêver, sinon les foules, du moins les enfants…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

    SOURCES

    VIDÉOS

      • Pyrénées : des bénévoles retirent les débris d’un avion qui s’est crashé il y a 62 ans sur le Canigou

    PHOTOS DU DÉBLAIEMENT

     

    PdM
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    Pilote de montagne (PDM) est une association à but non lucratif accueillant tous les amoureux de l’aviation en général, et du vol en montagne en particulier.

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