Éditorial 4 – Briseuse de rêves…


Sur les réseaux sociaux, la commémoration du Centenaire de la traversée des Andes centrales méridionales le 1er avril 1921 a rapidement cédé la place à la controverse. En effet, tandis que les experts de l’aviation célébraient l’exploit d’une jeune pilote ne connaissant rien à la montagne, suivis en cela par la foule innombrable des fanas de l’aviation qui, sans savoir voler par eux-mêmes, ne rêvent que de cela, tombait une nouvelle assez consternante.

ANALYSE DES FAITS

En effet, la nouvelle municipalité verte de Poitiers, conduite par Madame Léonore Moncond’huy (qui, soit dit en passant, fête son trente et unième anniversaire en ce samedi 3 avril 2021), a décidé de supprimer les subventions destinées aux sports mécaniques. Par conséquent, les aéroclubs locaux en font les frais, tout comme le vol à voile et l’aéromodélisme. Dans le même temps, la maire écologiste remet en question la pertinence de l’aéroport Poitiers-Biard (LFBI).

Pour Aero Buzz, « les présidents des deux aéro-clubs installés sur l’aéroport de Poitiers-Biard (LFBI) ont eu la surprise de recevoir un e-mail le 16 mars 2021 de la part du chargé de la politique sportive de la ville, Maxime Pédeboscq. Le jeune conseiller municipal, qui fait partie de l’équipe de Léonore Monchoud’huy, issue d’Europe Écologie Les Verts et élue en juillet 2020 à la tête de la Mairie de Poitiers, dans un message laconique, précise que la ville de Poitiers ne soutiendra plus les aéro-clubs. »

« Suite à votre demande de subvention à la ville de Poitiers pour cette année 2021, je tiens à vous alerter que la ville de Poitiers ne compte pas soutenir le sport motorisé. »

Plus grave encore, dans une vidéo circulant un peu partout depuis le vendredi 2 avril 2021, Madame la Maire justifie cette décision de la manière suivante (il faut vraiment l’entendre pour y croire) :

 

(Pour suivre l’intégralité des délibérations du Conseil municipal du lundi 29 mars 2020, voir le paragraphe « Sources »).

Nos lecteurs étant assez intelligents pour lire entre les lignes, nous ne reviendrons pas sur l’idéologie (et la démagogie) développée par notre jeune élue, aux dépens de l’aviation civile en général, et de l’aviation sportive et de loisir en l’occurrence.

Ce qui semble grave, cependant, c’est le projet de société pointant sous cette action ponctuelle. En effet, il ne s’agit rien moins que de dénoncer les consommateurs d’aviation et, pire encore, ceux qui (comme nous, d’ailleurs) voient dans cette activité l’éclatante démonstration du génie humain. C’est ce que l’on désigne, dans les pays scandinaves, comme le « Flygskam », littéralement « la honte de voler ».

Pire encore, il s’agit d’éduquer la jeunesse dans la détestation de l’aviation, de la stigmatiser, dans son ensemble et d’empêcher que les enfants rêvent de suivre les traces d’Adrienne Bolland, de Mermoz, de Saint-Exupéry ou d’autres encore. Ces personnages ne seraient pas seulement des acteurs de l’Ancien Monde… mais aussi les initiateurs du réchauffement climatique, des hommes et des femmes détestables en somme !

Toujours pire, Madame la maire veut interdire aux enfants de rêver d’aviation, alors qu’au plus loin qu’on puisse remonter dans l’Histoire (et même avant d’ailleurs), l’Homme ne rêve que de ça, voler : mythe d’Icare dans la Grèce antique, culte de l’Homme Oiseau sur l’Île de Pâques (Tangata manu), géoglyphes de Nasca, au Pérou, Garuda hindouiste, sans compter les innombrables divinités ailées présentes dans tous types de religions, croyances et légendes.

Par conséquent, l’Homme a besoin de sortir de sa condition de Terrien et de s’élever, dans les airs d’abord, dans l’espace ensuite. Qui peut demeurer insensible à l’évocation de Thomas Pesquet, du robot Perséverance ou du programme Space X ? Tous les écologistes du monde auront beau y faire, ils ne pourront jamais enrayer cette aspiration.

LES ÉTAPES SUIVANTES

Ensuite, on peut légitimement se demander où nous mène cette politique. Si l’industrie aéronautique (qui, avec la crise sanitaire actuelle, a déjà un genou à terre) paraît une cible facile, d’autres ennemis seront plus difficiles à abattre.

En effet, s’agira-t-il de s’attaquer aux véritables pollueurs, en l’occurrence les automobilistes de tout poil ? Quand les maires écologistes de Poitiers, Rennes, Bordeaux, Lyon, Grenoble, et d’autres villes se résoudront-ils (enfin) à interdire toute circulation automobile, y compris sur les routes et les autoroutes traversant leur territoire ? Gageons les automobilistes étant trop nombreux et pouvant représenter tour à tour un électorat potentiel ou une opposition virulente, on marche là sur des œufs. Il est tellement plus facile de s’attaquer à plus faible, en suggérant la fermeture de la plateforme aérienne de Poitiers ou en obtenant celle de Sallanches (74/Haute-Savoie), par exemple.

Ce dernier cas est, d’ailleurs, très symptomatique, et il faut absolument y revenir. Comme tout le monde le sait (ou presque), la vallée de l’Arve est très souvent le théâtre d’une très forte pollution de l’air aux particules fines due, entre autres, aux colonnes de camions de transport logistique rejoignant le tunnel du mont Blanc (ou en descendant) et aux automobiles rejoignant Chamonix, ou en redescendant aussi. C’est également faire fi de l’énorme pollution engendrée, principalement par temps froid, par d’innombrables appareils de chauffage individuels (principalement au bois, car nous sommes en Haute-Savoie, rappelons-le). Or, alors que nous (sur)vivons maintenant depuis plus d’un an sous la tyrannie d’une pandémie mondiale, que les avions sont, pour la plupart, cloués au sol, la pollution de « la vallée de l’Arve, le territoire le plus pollué de France » (comme d’ailleurs…) ne diminue pas. A-t-on seulement l’idée de fermer l’autoroute Blanche (A 40) entre Cluses et Passy ou de condamner les locaux à vivre en pull, moufles et bonnet de laine pendant toute la période hivernale ? Tout au plus accepte-t-on de ralentir la circulation ou d’interdire le chauffage au bois pendant lesdits pics de pollution…

Au lieu de cela, la municipalité de Sallanches s’en tient à une mesurette éminemment symbolique en condamnant à mort toute activité aéronautique locale et en privant les aviateurs survolant la région d’une plateforme de secours à la position centrale (entre l’altiport de Megève, et les aérodromes d’Annemasse, de Genève et d’ailleurs…).

Alors, pourquoi ne pas fermer le Futuroscope de Poitiers, puisqu’il n’y plus de futur ?

NIER LA RÉVOLUTION EN MARCHE

Entendons nous bien, il ne s’agit pas de s’attaquer ici, ad feminam, à une personnalité locale répandant et défendant son discours dès que l’occasion lui en est donnée. Celle-ci le proclame haut et fort d’ailleurs, elle et sa coalition ont pris la direction de Poitiers pour appliquer un programme et, au-delà, une idéologie anti-progressiste et mortifère. On s’attaque aux aéroclubs locaux, puis à la plateforme aérienne commerciale ensuite pour, petit à petit, réformer la société dans son ensemble et en revenir, non pas à la bougie (qui produit du dioxyde de carbone), mais à l’éolienne et au solaire (qui enlaidissent nos paysages et parasites nos campagnes), et même pas au cheval… car ce serait de la maltraitance animale… En résumé, on ne sait pas où on va, mais on y va, et à tombeau ouvert…

Or, depuis sa création (très récente), Pilote de Montagne (PDM), et de nombreux réseaux sociaux et sites Internet que nous relayons bien volontiers (ainsi que Catherine Maunoury, la présidente de l’Aéro-Club de France [ACF] en tête), signalent que la crise sanitaire actuelle, loin de représenter un cataclysme définitif, offre l’opportunité de conduire une véritable révolution technologique en accélérant la course à l’avion « Zéro émission de carbone », que l’énergie utilisée soit électrique, issue de l’hydrogène ou hybride. Ainsi, plusieurs sociétés européennes se mettent d’ores et déjà au vert. Ainsi, pas plus tard que cette semaine, on annonçait que l’aérodrome d’Annecy (74/Haute-Savoie) accueillait son premier biplace Velis Elekto (100 % électrique et silencieux) de la marque slovaque Pipistrel Aircraft, en attendant d’en avoir assez pour proposer tout le cursus CPL (Commercial Pilot Licence).

D’autre part, en Finlande, on envisage sérieusement de relancer les liaisons aériennes régionale via l’adoption d’avions électriques ES-19 (19 passagers, d’une autonomie de 400 km) d’Heart Aerospace à horizon de l’été 2026, les premiers vols devant avoir lieu en 2024. Nous pourrions proposer plusieurs exemples de ce type, mais les lecteurs les trouveront bien par eux-mêmes…

Tout cela serait bien triste si, le vendredi 2 avril 2021, le 20 Heures de TF1 n’avait pas diffusé un reportage intitulé Chaque mercredi, ces ados s’envolent avec l’armée de l’Air :

« C’est un rituel. Chaque mercredi, Marine, collégienne, enfile un uniforme de l’armée de l’Air et de l’Espace. Depuis septembre dernier, elle fait partie de l’Escadrille air jeunesse (EAJ). Un programme militaire qui lui ouvre les portes du monde de l’aéronautique. Ce jour-là, c’est son premier vol dans un avion civil à double-commande… »

SYNTHÈSE

Pour nous, il ne s’agit pas de stigmatiser un élu, de quelque bord qu’il puisse être. Bien au contraire, cet épisode pourrait constituer un début de prise de conscience salutaire pour une aéronautique le plus souvent objet, plutôt que sujette, voire même actrice de la société civile. Que des partis défendent leurs idées (même au prix de quelques contrevérités ou d’un mensonge par omission), ça s’appelle de l’influence, ou de la politique. Mais ignorer ces projets ou céder à l’air du temps, constitue une faute. Or, ce qui est choquant dans l’intervention qui nous (pré)occupe, ce n’est pas le fait de supprimer ou non des subventions ou de déplorer que des sommes prétendument surnuméraires ne soient pas redistribuées à des associations plus nécessiteuses, c’est de prétendre vouloir décider ce que des enfants auront le droit (ou non) de penser ou de rêver, le tout sous couvert de lutte contre le réchauffement climatique, bien sûr.

Cela en dit beaucoup sur la réelle démission de nos prétendues élites et d’une grande partie de nos concitoyens, dont l’abstention aura permis à des coalitions improbables de présider aux destinées de certaines de nos grandes (voir très grandes) villes. Il est temps de réagir, d’en revenir à l’Intelligence et à la Raison et de ne plus se laisser conduire par une politique des bons sentiments. Car le clan du Bien n’est pas forcément celui qu’on croit et « qui veut faire l’Ange, fait la Bête ». Sachons nous en souvenir lors des prochaines échéances électorales, le droit de vote (dont la plupart des Terriens sont privés…) étant aussi un devoir pour tout démocrate qui se respecte.

Enfin, il ne faut pas désespérer de notre jeunesse : la plupart du temps, les enfants n’accomplissent pas les rêves de leurs parents… mais les leurs propres. Tout être normalement constitué tournant son regard au passage d’un avion, rien n’est perdu. C’est une question de temps, le temps de repasser aux choses sérieuses et naturelles…

Alors, Madame la Maire de Poitiers, en ce samedi 3 avril 2021, et bien que vous nous ayez bien gâché notre période pascale, nous vous souhaitons très sincèrement un Joyeux Anniversaire et vous remercions de nous avoir remobilisés…

Bernard Amrhein


SOURCES

  • EN DIRECT] Conseil municipal du 29 mars 2021. (Les échanges sur le sujet qui nous concerne commences à 5:24:10… L’intervention Madame la Maire est à visionner à 5:37:35).
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