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    7 octobre 1961 – Un Douglas C-47 « Dakota » de « Derby Airways » s’écrase sur les pentes du Canigou 

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    Le samedi 7 octobre 1961, un Douglas C-47B-30-DK « Dakota Mk IV«  charter de la compagnie aérienne britannique « Derby Airways«  effectuant la liaison LondresPerpignan s’écrase dans le massif du Canigou (66/Pyrénées-Orientales), probablement en raison d’une puissance insuffisante de lémetteur de Toulouse pour les communications aéronautiques, ayant induit une erreur de navigation. Les 31 passagers et trois membres d’équipage périssent dans l’accident. Soixante-trois ans après le drame, les décombres de l’appareil sont (enfin ?) déblayés…

    LE DRAME

    Produit en 1945 et immatriculé G-AMSW (n° de série 32919/16171), l’avion est équipé de deux moteurs Pratt & Whitney R-1830-90C et compte 13 658 heures de vol.

    Le C-47 décolle de London-Gatwick Airport (LGW/EGKK), au Royaume Uni, à 20:43 UTC le vendredi 6 octobre, pour rejoindre l’aéroport de La Llabanère (Perpignan/PGF/LFMP), dans le sud de la France.

    L’appareil se signale à la verticale de Toulouse à 00:30 UTC, volant vers Perpignan au niveau de vol FL75 (soit 7 500 pieds [ft], 2 500 m d’altitude), et estime son heure d’arrivée à destination à 01:12 le lendemain matin. Dans une zone balayée par une pluie intermittente et de vent variable, l’avion heurte la pente d’une montagne à 2 200 m d’altitude.

    LES ÉQUIPES DE SECOURS

    Quelques minutes après le crash, une équipe de secouristes présente au refuge des Cortalets, non loin du lieu de l’accident, arrive sur place.

    L’un des secouristes témoigne dans le Midi Libre : « Le spectacle était apocalyptique. Des corps calcinés gisaient sur un rayon de 100 mètres autour de l’épave ». Plus de soixante ans plus tard, des morceaux de l’épave de l’avion étaient encore présents sur les flancs du Canigou.

    Le vendredi 22 septembre 2023, Xavier Ponroy publie, sur France Bleu Roussillon, le témoignage de l’un des premiers sauveteurs arrivés sur le crash du Canigou en 1961 :

    « C’était insoutenable…

    Vernet-les-Bains

    De Xavier Ponroy

    Le 7 octobre 1961, un avion s’est écrasé sur les pentes du Canigou, à 2 200 mètres de hauteur. Il devait relier Londres à Perpignan. Les 34 passagers à bord avaient perdu la vie. Jean-Pierre Bobo, 20 ans à l’époque, a été l’un des premiers sauveteurs arrivés sur les lieux.

    Jean-Pierre Bobo, l’un des premiers sauveteurs sur les lieux du drame.

    Alors que se met en place du 22 au 24 septembre une grande opération de dépollution des restes de l’avion DC3 de 1961 écrasé sur le Canigou, voici le témoignage de Jean-Pierre Bobo, l’un des premiers sauveteurs arrivés sur les lieux :

    « Au fur et à mesure qu’on arrive pas très loin des Cortalets, on voyait une volute de fumée qui s’élevait. Et là, nous partons en une vingtaine de minutes. Et lorsque nous arrivons… on voit des arbres qui sont coupés, et… (Il s’arrête, NDLR). Je ne l’oublierai jamais : sur le faîte des arbres, l’hôtesse de l’air et le steward qui étaient coupés en deux par la ceinture de sécurité. La plupart des corps d’ailleurs, étaient coupés en deux, à cause de l’impact. Il y avait une odeur de brûlé et de kérosène. C’était insoutenable » raconte le retraité, ancien professeur d’histoire-géographie.

    Le sauveteur se rappelle également de l’attente car, en l’absence immédiate d’inspecteur de l’aviation civile, il était à l’époque impossible de bouger les corps : « À 6 h du matin, on allait relever les gens qui étaient restés près des corps. C’était à notre tour de veiller les morts. Ça a été dur. Je suis intervenu sur un autre crash deux ans après. Mais celui-là était insoutenable parce que les corps étaient coupés en deux. C’était affreux. C’était il y a 62 ans, mais cela m’a marqué.

    C’étaient des gens qui partent en vacances, il y avait des enfants. Et puis il y en avait quand même 34…

    Quelque temps après le crash, nous avons reçu individuellement une lettre de l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, qui était à l’époque le gendre de Winston Churchill, pour nous remercier. Cela a été apprécié par l’ensemble des secours.

    Le ramassage des débris ce week-end ? « C’est important pour moi. Cet endroit… Qu’on récupère, qu’on enlève tout, qu’on nettoie tout et surtout qu’on mette une plaque dessus. Moi, j’ai jamais compris comment les Anglais, pour leurs compatriotes, n’ont pas mis une plaque. Il a fallu plus de 60 ans maintenant pour faire une cérémonie (prévue au printemps 2024, NDLR) ». »

    LA CAUSE PROBABLE DE L’ACCIDENT

    Pour l’ICAO Digest 13 (Circular 69), « l’accident est imputable à une erreur de navigation, dont l’origine ne peut pas être déterminés par manque que preuves suffisantes ».

    À l’époque, certains évoquent une malédiction, ou plutôt un sortilège. En effet, on émet l’hypothèse selon laquelle un champ magnétique créé par les mines de fer présentes sur le Canigou aurait perturbé les liaisons radio et déréglé les instruments de vol… Finalement, il semblerait que l’émetteur de Toulouse était alors trop faible pour assurer de bonnes communications aéronautiques à cette période.

    Quant aux conditions météorologiques, à savoir une pluie intermittente, elles n’étaient pas spécialement dangereuses cette nuit-là, mais un vent de nord-ouest (Tramontane) non prévu aurait fait dévier l’avion de son plan de vol initial. Selon le rapport définitif, c’est donc à la suite d’une erreur de navigation que le Douglas DC-4 a percuté le Canigou, ce samedi 7 octobre 1961.

    AUTRES CRASHES INTRIGUANTS SUR LE CANIGOU

    Malheureusement, cet accident d’avion ne reste pas isolé. Deux ans plus tard, le mardi 12 septembre 1963, un autre crash se produit non loin de là . Cette nuit-là, un bimoteur moyen-courrier Vikings, en provenance du Royaume-Uni lui aussi, se perd dans la tempête et dans le violent orage qui s’abat sur le Roussillon depuis quelques heures.

    Avec trente-six passagers à bord, l’avion, pourtant piloté par un aviateur chevronné, Max Dunoyer, s’écrase sur les flancs du Canigou, près de la crête des Mattes Rouges, à 1 750 mètres d’altitude et à cinq kilomètres à vol d’oiseau de Vernet-les-Bains.

    Trois minutes avant le crash, le pilote avait informé la tour de contrôle de Perpignan de son atterrissage imminent. Or, ce dernier se trouvait en réalité au-dessus de Prades, et non de Rivesaltes. Naviguant à vue, l’avion aurait dû survoler le département de l’Aude, mais il aurait été, à son insu, déporté vers le sud.

    Puis, en 1967, un autre avion, toujours en provenance d’Angleterre s’est écrasé au-dessus du village de Py, tuant 88 personnes.

    Au total, près de quinze accidents se produisent à cette époque dans le massif du Canigou…

    LE SENTIER DE L’ÉPAVE

    Jusqu’en 2023, les débris du DC-4 restent fichés dans la montagne et font littéralement partie du paysage, posés en vrac, pliés par le choc, sur la face nord du Barbet, un sommet tout proche du Canigou. La carcasse donne même, à la longue, son nom à cette portion du sentier de grande randonnée qui traverse les Pyrénées, le GR10.

    L’épave fait corps avec la montagne

    C’est ainsi que la portion située entre Prats-Cabrera et le refuge des Cortalets devient le « sentier de l’épave », au point que la décision de débarrasser la montagne de ces morceaux de métal pose problème : « C’est une question en effet assez sensible, compte tenu de l’aspect patrimonial et mémoriel de cette épave. Nous avons pris beaucoup de précautions pour préparer cette opération », affirme Florian Chardon, directeur de Canigó grand site»

    Cinq à dix tonnes de métaux

    « Parmi les raisons qui ont poussé à ce nettoyage, il y a le fait que l’épave avait été taguée, qu’elle est aussi sur le terrain des Grands Tétras, des oiseaux protégés dans le massif. » Une quarantaine de personnes se sont donc employées à découper et à ramasser les morceaux de l’épave pour tout rassembler au refuge des Cortalets. « Il y avait entre cinq et 10 tonnes de métaux dispersés sur le chemin. »

    Pour honorer la mémoire des victimes du crash, une plaque sera apposée en 2024 sur le lieu de l’accident débarrassé de l’épave, à l’exception d’un élément du train d’atterrissage. Et certains descendants des victimes, retrouvés et contactés, ont annoncé leur volonté d’être présents.

    En revanche, il ne sera pas touché aux autres carcasses d’avions venus finir leur course sur le massif au long d’une série d’accidents dans les années soixante… On se demande bien pourquoi ?

    LE RAMASSAGE DES DÉBRIS

    Dans un article en date du dimanche 24 septembre 2023 intitulé Pyrénées : Soixante ans après son crash, les débris d’un avion enlevés dans le Canigou, le site Internet de 20 minutes relate les opérations d’enlèvement des débris de l’appareil :

    « Une quarantaine de bénévoles ont mené, samedi 23 et dimanche 24 septembre, une opération de nettoyage pour enlever les débris restants d’un avion qui s’est écrasé il y a plus de soixante ans sur le Canigou, montagne emblématique des Pyrénées-Orientales. L’avion de la compagnie Derby Aviation effectuait un vol entre Londres et Perpignan lorsqu’il s’est écrasé une nuit d’octobre 1961, tuant les 34 passagers et membres d’équipage à bord, en majorité des Britanniques.

    « Une odeur affreuse« 

    « J’ai reçu un message dans ma boîte aux lettres disant qu’on était sans nouvelle d’un avion qui aurait dû atterrir à minuit et qu’il fallait se tenir prêt à partir », témoigne Jean-Pierre Bobo, qui faisait partie de la première équipe de secours sur place alors qu’il était jeune membre du club alpin. « Quand on est arrivés, le temps était gris et brumeux et il y avait une odeur affreuse : un mélange de kérosène et de chair humaine », raconte-t-il.

    Aujourd’hui âgé de 82 ans, ce professeur d’histoire à la retraite est également conseiller scientifique du syndicat mixte du Canigou, à l’initiative de ce nettoyage avec l’association Mountain Wilderness Catalunya et le refuge du Cortalets, situé à quelques dizaines de minutes de marche du lieu du crash. « J’étais ému aujourd’hui : c’est une page de ma vie, on ne peut pas avoir été confronté à ça à 20 ans sans être marqué », confie-t-il.

    La carlingue découpée à la tronçonneuse thermique

    Quelques parties de l’engin avaient été récupérées à l’époque de l’accident pour les besoins de l’enquête, qui a conclu à une erreur de navigation, mais l’essentiel de l’épave était resté sur les flancs du Canigou, à un peu plus de 2 000 mètres d’altitude.

    Tout le week-end, une dizaine de bénévoles ont découpé la carlingue à l’aide de disqueuses et d’une tronçonneuse thermique, tandis que d’autres fouillaient les rochers et les rhododendrons à la recherche de plus petits débris. « Il y en a partout, enfouis ou enterrés, des petits morceaux contondants qui peuvent blesser les animaux… C’est une sorte de déchetterie en montagne », constate Thomas Dulac, gérant du refuge des Cortalets.

    Plaque commémorative

    Le syndicat mixte du Canigou laissera une pièce de l’avion près du chemin de randonnée, le GR 10, pour rappeler l’accident et prévoit d’installer une plaque commémorative.

    Certaines parties de la carcasse doivent être envoyées au musée de l’aviation de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) et Thomas Dulac en gardera quelques-unes dans son refuge. Le reste sera déposé à la déchetterie. »

    CONTROVERSE

    Comme le décrit bien le reportage vidéo ci-dessous, les réactions face à ce nettoyage sont contrastées. Ainsi, certains habitués de cette randonnée regrettent cette opération, les débris faisant partie intégrante du paysage et de l’histoire du site. De leur côté, ses initiateurs et, bien entendu, les bénévoles ayant répondu à leur appel sont intimement persuadés de faire œuvre utile, voire même écologique, en tentant de rendre au site sa virginité originelle.

    Pour légitimer leur opération, les organisateurs de ce nettoyage s’appuient sur l’obligation légale, pour les compagnies aériennes, de remettre en état les sites de catastrophe en ramassant tous les débris, considérés comme de vulgaires déchets, et en dépolluant les zones contaminées par le carburant et les ingrédients (huiles, liquides de freins ou de refroidissement, etc.), et en reboisant les zones dévastées. Si cette obligation peut se comprendre, par exemple, pour le crash de l’Airbus A320 de la Germanwings aux Prads-Haute-Bléone, dans le Massif des Trois Évêchés (04/Alpes-de-Haute-Provence), à 1550 m d’altitude, on peut légitimement se poser la question pour un accident survenu bien avant l’adoption des lois considérées.

    En effet, le crash du « Dakota«  sur le Canigou est intervenu en mars 1961, une époque à laquelle la législation mise en avant n’existait pas encore et à laquelle les préoccupations environnementales n’était pas aussi « évoluées ». Comme le soulignent les personnes perturbées par cette opération de nettoyage, les débris de l’avion faisaient partie intégrante de la montagne et constituaient, même s’il n’existait aucun monument ni aucune plaque informative, un lieu de mémoire que tout un chacun pouvait respecter (ou non) en fonction de son propre niveau de conscience. Or, ce n’est pas l’État qui a mis en demeure une compagnie aérienne (par ailleurs disparue) de procéder à la dépollution du site, cette initiative n’a pas été initié, non plus, par le département des Pyrénées-Orientales, mais par une (ou plusieurs) association privée(s)…

    ÉPILOGUE

    Si l’on suivait la logique des écologistes, ce n’est pas seulement le site du Canigou qu’il faudrait dépolluer, mais tous les sites analogues. Cependant, c’est une chose de nettoyer une zone située près d’un sentier extrêmement fréquenté, c’en est une autre de s’attaquer à des zones de crash situées en haute montagne, qui plus est enneigée, ou sur des glaciers. Tout est une question d’accessibilité, de disponibilité de moyens de levage par les airs et, ensuite, de possibilité de transporter les débris par la route jusqu’à un centre de retraitement des déchets.

    Pour mémoire, la vision américaine des choses est, comme souvent, beaucoup plus pragmatique. En effet, plusieurs bombardiers s’étant écrasés dans des zones extrêmement isolées du territoire, et tout particulièrement dans les montagnes Rocheuses ou en Alaska, il n’était pas question de se lancer dans des opérations de récupération coûteuses en hommes et en moyens, matériels et financiers. Les épaves d’aéronefs et les débris les entourant sont érigées au rang de sanctuaire, de simples panneaux informatifs demandant, parfois, aux touristes, de respecter les lieux et de ne pas s’emparer de reliques comme un trophée.

    C’est sans doute trop en demander à nos écologistes qui, bardés de certitudes, soucieux de faire œuvre utile en rendant à la montagne un semblant de virginité, n’ont qu’un seul objectif en tête : faire disparaître toute trace d’une catastrophe aérienne témoignant des errements d’un autre âge, celui où voyager et voler pouvait encore constituer une marque de progrès et pouvait faire rêver, sinon les foules, du moins les enfants…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

    SOURCES

    VIDÉOS

      • Pyrénées : des bénévoles retirent les débris d’un avion qui s’est crashé il y a 62 ans sur le Canigou

    PHOTOS DU DÉBLAIEMENT

     

    13 SEPTEMBRE 1913 – L’AVIATEUR ROUMAIN AUREL VLAICU PERD LA VIE À BĂNEŞTI EN TENTANT DE FRANCHIR LES ALPES DE TRANSYLVANIE

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    Lorsqu’on pense aux pionniers de l’aviation de montagne, viennent immédiatement à l’esprit les figures d’aviateurs sud-américains (comme Jorge Chávez Dartnell), suisses (comme René Grandjean ou Hermann Geiger), des Français, peut-être… Il ne faut cependant pas oublier qu’à l’ère des pionniers de l’aviation, de nombreux pays s’intéressent au développement de nouveaux appareils. C’est le cas du royaume de Roumanie où, outre l’aviateur Traian Vuia, l’inventeur Transylvanien (donc Austro-Hongrois) Aurel Vlaicu est en passe de convaincre le gouvernement et, singulièrement, le ministère de la Guerre roumain, d’investir dans un moyen de déplacement, de reconnaissance et d’observation très prometteur…

    PRIME JEUNESSE

    Aurel Vlaicu naît à Binținți, en Transylvanie, un village alors situé en Autriche-Hongrie (de nos jours Geoagiu, en Roumanie), le dimanche 19 novembre 1882. Son père, Dumitru Vlaicu est le fils de Luca Vlaicu, originaire de Pishchinti, et de Ioana, originaire de Binținți, et il a un seul frère nommé Nicolae.

    Dumitru Vlaicu épouse Ana, qui lui donne neuf enfants, dont l’aîné est Aurelius (Aurel). Malheureusement, la famille est endeuillée par le décès prématuré de cinq enfants en bas âge.

    Pour mémoire, la famille Vlaicu est devenue l’une des plus respectées du village en raison de son engagement politique et de son esprit de sacrifice dans la lutte pour les droits des Roumains au sein de la Double Monarchie et pour la réalisation de la Grande Union, qui sera enfin décrétée le dimanche 1er décembre 1918.

    Le village de Binținți est mentionné pour la première fois dans des documents médiévaux datant du XIIIe siècle, lorsqu’il appartenait à la famille noble des Sicules. Au cours des siècles, ses habitants successifs sont les témoins des événements historiques les plus importants pour les Roumains :

    « Dès son plus jeune âge, Aurel était différent des autres enfants, il était plus vif, plus impétueux, étonnant toute la maisonnée par sa malice », note la principale monographie sur Vlaicu.

    ÉTUDES PRIMAIRES ET SECONDAIRES

    Aurel Vlaicu fréquente tout d’abord l’école primaire de son village natal, sous la direction des enseignants Dionisiu Lancrzan et Vasile Basaraba.

    À la fin de l’école primaire, Vasile Basaraba conseille à Dumitru Vlaicu d’autoriser son fils à poursuivre des études supérieures. C’est ainsi qu’Aurel rejoint le Collège réformé d’Orặştie à l’automne 1890, un établissement qu’il fréquentera six ans durant. Au début, il a bien du mal à s’adapter, car la langue utilisée dans l’enseignement est le hongrois…

    Il connaît également quelques ennuis à cause de ses inventions. Ainsi, lorsqu’il introduit la lumière électrique dans son dortoir en se procurant une ampoule et en connectant un fil à un transformateur situé dans la rue, il est repéré par l’inspecteur pédagogique et présenté à la police.

    Son camarade de lycée, Petru Groza rapporte, dans une monographie dédiée à Aurel Vlaicu, que ce dernier avait du mal à payer les frais de scolarité. Il décrit également les moments de détente sur la rivière Sibişel, quand Aurel expérimentait des bateaux à moteur mus par un élastique, suscitant l’admiration de ses camarades de deuxième année du collège.

    Son ancien camarade, le prêtre Adam Lula, raconte avec une grande passion la vie d’Aurel Vlaicu. À la fin de la cinquième année, ils organisent tous deux un voyage aux mines d’or de Scarâmb, mais reportent le départ de quelques heures, jusqu’à ce que le battage du blé dans la maison du prêtre soit terminé. En parallèle, Aurel expérimente sur la cuisinière une petite machine à vapeur fonctionnant parfaitement, sous les yeux de toutes les personnes présentes, qui sont les témoins des premiers éclairs du génie créatif du jeune homme.

    Après avoir obtenu son diplôme de sixième année au Collège réformé d’Orặştie, Aurel poursuit des études supérieures au lycée d’État de Sibiu, où il prépare son baccalauréat.

    Une fois sur place, Aurel continue d’inventer, suscitant l’admiration des enseignants.

    Ainsi, Octavian Goga écrit que son camarade construit une turbine stupéfiant le professeur de physique, qui la propose à une usine avoisinante.

    Enfin, pendant les vacances des dernières années du lycée, Aurel Vlaicu construit un modèle d’avion, dont l’hélice est activée par plusieurs élastiques en caoutchouc.

    LES ÉTUDES SUPÉRIEURES

    Après avoir obtenu le baccalauréat, Aurel s’inscrit à l’Université de technologie et d’économie de Budapest et fréquente la faculté de mécanique.

    L’Université de Budapest

    À l’automne 1901, entamant ses études supérieures à Budapest, Vlaicu se convainc d’avoir résolu le problème du vol. Le soir de la cérémonie de présentation des nouveaux étudiants, il rencontre Constantin Nedelcu, originaire de Banat Cacova, étudiant en lettres et philosophie. Celui-ci lui apprend que Traian Vuia est à Paris pour achever la construction d’un engin volant. Aurel répond à voix basse : « Je me suis pris la tête avec ça, mais je ne veux pas que les autres le sachent, car ils ne me comprendraient pas et se moqueraient de moi »

    Un autre étudiant de Negrut apprécie ses recherches concernant la fabrication d’une machine volante. Aurel lui montre son avion miniature, sur lequel le moteur a été remplacé par des élastiques, qui vole avec une grande facilité chaque fois qu’il le lâche, ainsi que des plans du moteur à poudre de sa conception, qu’il présente également au professeur de mécanique Jonas Odon. Ce dernier l’écoute, mais lui conseille de reporter la présentation officielle de son projet à la fin de ses études car, selon lui, l’aviation n’a pas d’application immédiate et les matériaux nécessaires pour résister aux contraintes thermiques causées par la combustion de la poudre à canon n’existent pas encore. Cependant, Aurel continue de se documenter, fréquentant les bibliothèques de Budapest en dévorant journaux, études et magazines traitant de la question du vol aérien.

    Études universitaires à Munich (Bavière)

    Voyant qu’à Budapest il ne pouvait pas trouver assez de documentation, Aurel décide de se rendre en Allemagne , car il a entendu parler d’Otto Lilienthal, un inventeur ayant réussi à exécuter des vols à l’aide d’ailes attachées à son corps, et alors considéré comme le père du vol sans moteur.

    À l’automne 1903, il s’inscrit à l’Université technique de Munich, en Bavière, et continue d’expérimenter différents modèles d’engins volants, parmi lesquels celui comportant des ailes pivotantes. Le professeur Ebert apprécie beaucoup ses réalisations, mais l’étudiant réalise rapidement que l’avenir immédiat est aux machines volantes à voilure fixe.

    Il poursuit alors ses recherches à travers les bibliothèques munichoises, visite le Musée technique de la ville, mais ne découvre que très peu d’éléments nouveaux. Il est à la mode, à l’époque, de tout miser sur les ballons dirigeables, jugés plus efficaces et plus sûrs.

    UN SERVICE MILITAIRE BIEN REMPLI

    En 1907, pensant que les moteurs des navires l’inspireront beaucoup plus pour la réalisation de moteurs d’avions performants, Aurel quitte Munich pour le port de Pula, en Croatie, afin d’y accomplir son service militaire au sein de la marine austro-hongroise.

    Une période qu’il met à profit pour poursuivre ses expérimentations. Ainsi, il construit un cerf-volant sur lequel il monte un appareil photographique avec lequel il prend des clichés des positions adverses au cours de manœuvres militaires. Il construit, et brevette également, une membrane de gramophone équipant un nouveau type d’appareil.

    Extrêmement prolifique, il conçoit enfin un projet de sous-marin, qu’il présente à son commandant, mais que ce dernier juge impossible à réaliser.

    LA PÉRIODE « OPEL »

    Toujours à cette époque, il rencontre Oskar Ursinus, diplômé de l’Université technique de Munich, un petit-fils du propriétaire des usines Opel de Russelsheim-am-Main. Le jeune homme est impressionné par l’ingéniosité de Vlaicu, qui se fait embaucher le mardi 1er septembre 1908 en espérant y fabriquer sa fameuse machine volante.

    Aurel tente de construire secrètement un moteur de sa propre conception et, lorsqu’il pense avoir trouvé une solution viable, rencontre le propriétaire de l’usine et lui expose tous les projets d’aéronefs qui pourraient y être construits. Le propriétaire l’écoute avec intérêt et, après avoir examiné la maquette et les procédés de fabrication, accepte de lui fournir le matériel nécessaire pour fabriquer son avion, à la condition qu’il n’y ait pas de demande supplémentaire et que l’avion reste la propriété de l’entreprise.

    Le dimanche 18 octobre 1908, se sentant piégé, Aurel écrit à son ami de Lugoj, le professeur et peintre Virgil Simionescu, une lettre lui demandant de rechercher un sponsor susceptible de superviser la fabrication et le dépôt d’un brevet de l’avion sur le sol du royaume de Roumanie. Il lui demande également de rechercher Traian Vuia à Paris afin de le contacter pour partager ses expériences sur la fabrication des avions français.

    Lors d’une compétition automobile internationale organisée au pays de Bade, Aurel expérimente secrètement un carburateur monté sur le moteur équipant une voiture de compétition appartenant à Opel. La voiture remporte la course, le propriétaire le félicite et lui promet une brillante carrière au sein de l’entreprise. Cependant, Aurel est désormais déterminé à réaliser sa machine volante pour son pays et pour son peuple, ce qui l’incite à rentrer en Transylvanie.

    RETOUR AU PAYS / ESSAIS DE PLANEURS

    Aurel quitte Opel en mars 1909 et s’en retourne à Binţinţi où, avec son frère Ion, il construit un planeur l’été suivant. En octobre, sur les conseils d’Octavian Goga, il rejoint le royaume de Roumanie où, avec l’aide d’expatriés Transylvaniens, il obtient une subvention pour construire son premier avion motorisé, le A. Vlaicu Nr. I, après plusieurs vols de démonstration avec des appareils mus par élastique, devant des officiels du gouvernement roumain et des journalistes.

    L’un de ses collègues de lycée, le Dr Romulus Boca, collecte des fonds par le biais de souscriptions publiques, tandis que son père, Dumitru Vlaicu, avance une partie du montant nécessaire en contractant un prêt auprès d’une banque de Sibiu en hypothéquant ses terres.

    Avec l’argent récolté, Aurel achète les matériaux nécessaires à la construction de sa machine.

    Jusqu’au printemps 1909, il fabrique un planeur qu’il expérimente à Binținți, sur la colline de Pemi, près d’Orặştie.

    Le planeur est construit autour d’une barre de bois centrale, à laquelle sont attachées, à l’avant, deux parties planes, verticales et mobiles, ainsi qu’une pièce mobile plate horizontale. À l’extrémité arrière, deux pièces croisées, fixes, sont reliées à la barre centrale. Sur la partie centrale de la barre sont fixées, à l’aide de fils, les ailes en tissu, avec des systèmes de serrage et de réglage. Sous les ailes est fixé un cadre prismatique comportant un siège pompeusement appelé « cockpit ». Enfin, à la base, est monté un train d’atterrissage tricycle comportant deux roues à l’avant et une à l’arrière.

    C’est sous cette forme que le prototype de l’avion, en taille réelle, est prêt à entamer les premiers essais en vol.

    Aidé par un groupe d’amis du village, Aurel met l’appareil en mouvement. Deux opérateurs tiennent des cordes attachées aux extrémités des ailes, un troisième retenant la corde attachée à la queue du planeur tandis que huit autres opérateurs tirent deux cordes attachées au nez de l’appareil. Dans les champs près d’Orặştie, les gars courent sur 30 à 40 mètres, après quoi, à l’endroit fixé par Aurel, le planeur est enfin libéré et monte à 10 ou 15 mètres de haut, puis plonge vers le sol pour atterrir.

    Après quelques essais en vol et après s’être entraîné pour synchroniser les mouvements des opérateurs, Aurel place sa plus jeune sœur, Valeria, dans le cockpit, un moment qui la marquera à jamais…

    Encouragé et impressionné par les succès d’Aurel, son bon ami, le Dr Romulus Boca , lui offre 1 000 couronnes austro-hongroises pour l’amélioration de l’appareil. Aurel achète alors de nouveaux matériaux, plus légers et applique de nouvelles solutions techniques pour la courbure des ailes, du gouvernail et du train d’atterrissage.

    À la mi-juillet 1909, après ces modifications techniques, l’appareil est attelé à deux chevaux, assez rapides pour que l’appareil puisse atteindre les performances souhaitées.

    Pendant cette période d’essais, son frère Ioan, doué d’une intelligence brillante, s’occupe de la traction équestre et s’assure du positionnement correct du planeur au moment du décollage.

    Malheureusement, les cris des opérateurs et le bruissement des ailes effraient les chevaux, mais Ioan réussit à détacher le planeur à temps, celui-ci montant à une hauteur deux fois plus élevée que lors des premiers essais, pour atterrir brusquement, et brutalement, ce qui endommage une roue en bois du train d’atterrissage et blesse le pilote à la cheville.

    Ce vol reste à jamais gravé dans la mémoire d’Aurel, qui déclare à ses amis : « Depuis lors, dès que je monte dans la machine, le ronronnement du moteur me rappelle mon avion sans moteur et, devant mes yeux, fasciné par l’immensité de l’air, les trois gars surgissent dans mon esprit ».

    Au début de juillet 1909, les frères Vlaicu se rendent à Orặştie avec l’appareil et, les samedis 10 et 17 juillet, y effectuent des vols sur la colline de Pemi, sous les applaudissements et l’admiration des spectateurs, des amis et des membres du club d’aviation de cette ville.

    Ensuite, l’appareil est démonté et transporté vers Binținți.

    LE PASSAGE À L’AVIATION MOTORISÉE

    Le succès des vols de Binținți et d’Orặştie amènent Aurel à imaginer l’avenir de l’avion. Au lieu du planeur en bois et en toile, il conçoit un avion comportant un tube central en aluminium avec des ailes en tissu plus légères, retenues par des câbles, des commandes à base de corde de piano ou de câbles en acier, des roues en caoutchouc et un moteur entraînant deux hélices contrarotatives.

    Le succès des vols effectués par Aurel à Orặştie est largement commenté dans la presse roumaine de Transylvanie. La revue Tribuna de Sibiu écrit, le jeudi 26 août et le mercredi 8 septembre 1909, sous le titre Aviation roumaine : « J’ai vu un jeune ingénieur roumain, provenant de l’usine Opel de Rüsselsheim, près de Francfort-sur-le-Main qui, après un énorme travail, a réussi à inventer un avion qui constituera l’état de l’art roumain ».

    Tribuna poursuit : « Nous espérons de tout cœur que l’inventeur passionné trouvera des soutiens, ce qui l’aidera à finaliser son invention, et constituera un point de référence dans notre histoire culturelle ».

    À son tour, Gazeta de Transilvania rapporte que le nouvel avion surclasse tous ses concurrents.

    Après une tentative infructueuse à Braşov (en allemand, Kronstadt, la « ville de la couronne ») pour convaincre de nouveaux mécènes de financer ses projets, il décide de se rendre Bucarest, la capitale du royaume de Roumanie.

    La démonstration de Vlaicu à Braşov est rapportée par le professeur Aurel Ciortea, dans le numéro du mardi 26 octobre 1909 de Gazeta de Transilvania, décrivant le modèle d’avion comme élégant au décollage et à l’atterrissage, et d’une tenue de vol stable.

    Au retour de Braşov, à Binținți, Vlaicu réceptionne une lettre de son ami Romulus Boca, annonçant que deux de ses admirateurs, Goga et Botescu, sont prêts à l’aider. Il est chez lui et l’appelle à venir rapidement, à Bucarest. Toujours dans la lettre, il écrit que, le même jour, le Club d’aviation d’Orặştie organisera une réunion, en son honneur, avant le départ.

    Le lendemain, sur la route de Bucarest, Aurel s’arrête à Sibiu pour assister aux célébrations organisées à l’occasion du centenaire de la naissance du métropolite Andrei Şaguna, le premier président de l’ASTRA, une association crée dans le but de promouvoir la culture et la littérature roumanophone en Transylvanie. Il y rencontre de nombreux membres du Comité ASTRA, des poètes et des écrivains souhaitant l’accompagner dans la réalisation de ses projets.

    Arrivé à Bucarest, Aurel est présenté par Octavian Goga à un cercle d’amis (dont Dimitrie D. Patrascanu, député du gouvernement, un groupe d’écrivains et de poètes, dont Alexandru Vlahuță, Emil Gârleanu, Ion Minulescu, etc.), qui l’encouragent et lui promettent leur soutien.

    Le dimanche 17 octobre 1909, Aurel effectue une démonstration dans le parc de Filaret et réussit à convaincre les personnes présentes qu’elles font face à une invention sérieuse et, à l’insistance de Goga, reçoit une invitation à rencontrer des membres du gouvernement.

    Goga informe le premier ministre Ion I. C. Brătianu, Spiru Haret (ministre de l’Instruction publique) et V. Dead de l’invention de Vlaicu. Le gouvernement accepte alors de former une commission composée d’Alexandru Cotescu, Directeur général des chemins de fer, et du colonel Dimitrie Iliescu, de l’Inspection générale de l’armée, pour témoigner des expériences d’Aurel Vlaicu, dans le parc des expositions de Filaret et, ensuite, rendre compte au gouvernement des résultats, afin de décider de l’allocation des fonds pour la réalisation de l’avion aux frais de l’État.

    Les résultats sont supérieurs aux attentes et le rapport indique que l’avion volerait avec certitude. L’ancien ministre des Affaires étrangères, Alexandru Djuvara, s’exclame : « Soyons fiers que le temps soit venu de dépenser l’argent de l’État aussi pour des inventions roumaines, destinées à nous apporter les félicitations et l’estime du monde ».

    Le samedi 6 novembre 1909, Aurel est employé par l’Arsenal de l’armée de Terre à Bucarest et se voit affecter une équipe de six artisans pour réaliser l’avion A. Vlaicu I. Aurel prévoit de fabriquer deux avions en deux mois, pour voler au printemps suivant, grâce à un financement du ministère roumain de la Guerre et une allocation de 300 lei mensuels attribués par le ministère de l’Éducation publique. Cependant, par prudence, il ne présente pas tous les détails techniques à la direction de l’Arsenal, ce qui entraîne certaines restrictions dans la conduite de la fabrication.

    1910

    Le mardi 11 janvier 1910, lorsque la plupart des pièces sont prêtes, il se rend à Paris pour y réceptionner un moteur de 50 CV de la marque Gnome. Dans la capitale française, Aurel rencontre Traian Vuia, qui lui fournit tous les documents nécessaires pour continuer à fabriquer l’avion. Il suit également une formation pour piloter l’avion, constatant que certaines caractéristiques techniques des modèles français sont inférieures à ceux qu’il a lui-même conçus.

    Sur le chemin du retour, il s’arrête en Allemagne pour commander du tissu caoutchouté, un tube en aluminium et d’autres matériaux spéciaux.

    De retour à Bucarest, il est fermement déterminé à rapidement démontrer que son avion est supérieur à celui piloté par Louis Blériot.

    Le dimanche 29 mai 1910, le moteur Gnome arrive de France et, après un passage au banc d’essais, Aurel le monte sur l’avion et débute les essais au sol sur l’aérodrome de l’école de pilotage de Cotroceni, un quartier occidental de Bucarest.

    Le dimanche 17 juin 1910, Aurel effectue le premier vol d’un avion motorisé en Roumanie, en s’élevant à quatre mètres au-dessus du sol et en parcourant une distance de 50 mètres. Même si la performance du pionnier roumain peut sembler modeste, cela suffit à considérer le 17 juin comme la date anniversaire de l’aviation roumaine.

    Au cours des mois de juin, juillet et août 1910, Aurel effectue plusieurs vols pour apprendre à piloter son appareil. Une fois habitué aux commandes de l’avion, il s’élève de plus en plus haut et parcourt des distances de plus en plus longues.

    À l’initiative de l’aviateur français Michel Molla, instructeur de vol à l’école de pilotage de Chitila, Aurel assiste à un rallye aéronautique sur l’aérodrome de Cotroceni, auquel le pilote George Valentin Bibescu se joint.

    L’avion piloté par Vlaicu s’y impose par sa maniabilité et sa vitesse, remportant toutes les compétitions.

    Invité aux manœuvres royales d’automne, Vlaicu effectue, le mercredi 28 septembre 1910, un vol de 35 minutes  à une hauteur de 200 mètres entre Slatina et Piatra Olt. Le pilote emportant un message, il s’agit-là d’un exemple précoce d’avion utilisé à des fins militaires.

    À l’arrivé, Vlaicu est accueilli par le prince Ferdinand, par le prince Carol, par d’autres membres de la famille royale, par le général Constantin Crăiniceanu, ministre de la Guerre, par de nombreux officiers généraux et des détachements militaires. Vlaicu est récompensé et invité à assister au rassemblement à l’Hipodrome le lundi 17 octobre 1910. Suite aux succès obtenus, les autorités sont convaincues d’accorder à Vlaicu le brevet d’inventeur, par décret royal n° 3076 de 1910.

    Dans un état d’usure avancé, l’avion d’Aurel est remisé dans le hangar de Cotroceni et placé sous la responsabilité du ministère de la Guerre.

    Au cours des vols précédents, Vlaicu a recueilli une série d’observations permettant d’introduire des améliorations dans la construction du A. Vlaicu II. Ce dernier est mis en chantier à l’École supérieure des arts et métiers de Bucarest, dont un bon ami est le directeur très apprécié du ministre de l’Éducation Spiru Haret.

    Le jeudi 1er décembre 1910, Panaitescu reçoit l’accord de Spiru Haret et un budget de 16 000 lei pour le lancement du A. Vlaicu II. Immédiatement Aurel se rend à Paris pour acheter un nouveau moteur. En chemin, il s’arrête à Munich pour plus de documentation sur les vols motorisés allemands, puis se rend à Francfort-sur-le-Main, où il rencontre son camarade, l’ingénieur Oscar Ursinus, avec qui il acquiert certains des matériaux nécessaires à la construction de l’avion.

    À Paris, il réceptionne le moteur et rencontre une nouvelle fois Traian Vuia pour échanger sur la construction des avions.

    Le A. Vlaicu II est fabriqué en moins de quatre mois, mais les essais, entamés en avril 1911, sont interrompus en raison de la maladie d’Aurel. Il est en traitement à Călimănești, où Octavian Goga passe ses vacances. Ensemble, ils établissent le calendrier des vols à exécuter en Transylvanie, après s’être rendus aux célébrations de l’ASTRA, à Blaj, en Transylvanie.

    À Blaj, la démonstration en vol est organisée le mardi 29 août 1911, en présence d’une foule d’environ 30 000 personnes et des dirigeants de la vie culturelle locale, dont Ion Luca Caragiale, Joseph, Octavian Goga, Ion Scurtu, etc.

    Après Blaj, Aurel effectue des vols à l’automne 1911 à Sibiu, Brașov et Iași. C’est dans cette dernière qu’il est décoré de l’Ordre de la Couronne de Roumanie.

    Au début de 1912, Aurel reçoit une lettre de l’ancien camarade de collège Oscar Ursinus, évoquant la ‘Semaine internationale de vol d’Aspern, à Vienne (‘Die internationale Flugwoche’, Wien), à laquelle il est lui-même invité à assister. Octavian Goga l’exhorte à poursuivre les vols en Transylvanie pour la collecte de fonds afin d’entamer la construction de l’avion A. Vlaicu III après cette compétition.

    Comme en atteste le document ci-dessous, Aurel Vlaicu n’obtient le brevet N° 52 de pilote austro-hongrois que le samedi 22 juin 1912, juste à temps pour pouvoir participer à la compétition organisée du dimanche 23 au dimanche 30 juin :

    Sur les 43 pilotes de huit pays inscrits à la compétition, Aurel Vlaicu remporte les premier et deuxième prix de plusieurs compétitions, le pilote français Roland Garros terminant deuxième. Il empoche 7 500 couronnes austro-hongroises pour l’atterrissage de précision, le lancer de projectiles et le vol serré autour d’un poteau… ce qui lui permettra de concrétiser ses projets..

    Fort de ces succès, Aurel, accompagné de son frère Ioan, se rend à Arad, où il effectue un vol de démonstration, devant 25 000 spectateurs.

    À Arad, un comité comprenant Vasile Goldis, Stefan Cicio Pop et Sava Raicu, Président et Directeur de Banca Victoria, a été créé pour collecter des fonds pour la construction de l’avion A. Vlaicu III.

    En août 1911, des vols de démonstration s’enchaînent successivement à Lugoj, Hateg, Orặştie. La première liaison aérienne entre deux localités transylvaniennes est établie entre Hateg et Orăștie, soit une distance de 46 km parcourue en 20 minutes.

    La Gazeta de Transilvania en date du dimanche 6 août 1911 enregistre que la démonstration d’Orăștie constitue le plus splendide et le plus réussi de tous les vols de Vlaicu jusqu’à présent. Ils reçoit les remerciements et les félicitations d’Octavian Goga et Ștefan Octavian Iosif, spécialement venus de Bucarest pour assister à ce vol.

    Le vendredi 11 août, Vlaicu poursuit son vol de démonstration vers Varshets, de sorte que, le vendredi 18 août, il vole triomphalement au-dessus de la citadelle d’Alba Iulia, soutenu par Romulus Boca.

    Aurel et Ioan Vlaicu partent ensuite pour Vienne, afin d’acheter une voiture Laurin & Klement et un fusil de chasse pour son frère Ioan.

    Le vendredi 1er septembre, il évolue avec l’avion au-dessus de Sibiu et de Târgu Mureș et, le lundi 11 septembre à Dumbrăveni.

    Là, il interrompt la série de vols à travers la Transylvanie et revient à Bucarest, étant invité à assister à des vols de démonstration à Cotroceni d’un avion amené d’Angleterre, de type Bristol-Coanda. Présent lors des démonstrations, Vlaicu insiste pour piloter son appareil afin de pouvoir comparer les performances respectives des deux avions. Après le vol, il est chaleureusement félicité par le général Alexandru Averescu, alors Chef d’état-major général, et les autres officiels.

    En entendant parler des performances de l’avion A. Vlaicu II et du talent de l’inventeur, Guglielmo Marconi, alors en Angleterre, entame des discussions avec Aurel Vlaicu pour fabriquer son avion dans ce pays. Cependant, Vlaicu refuse de déplacer l’appareil en Angleterre, mais accepte d’y faire réaliser quelques pièces pour deux avions, l’assemblage devant s’effectuer en Roumanie. Cependant, il accepte de se rendre en Angleterre pour s’informer sur place, puis retourne à Bucarest et poursuit ses vols avec le A. Vlaicu II.

    En juillet 1913, les pièces nécessaires au montage du modèle A. Vlaicu III arrivent enfin.

    Avec le A. Vlaivu II déjà très fatigué, Aurel Vlaicu effectue également des vols de reconnaissance au-dessus de la Bulgarie dans le cadre de la Deuxième guerre balkanique.

    Le samedi 2 août 1913, il réceptionne une lettre de son ami Romulus Boca, par laquelle celui-ci l’informe que, le dimanche 14 septembre suivant, aura lieu, à Orặştie, la prochaine conférence ASTRA ainsi que les festivités qui l’accompagnent. C’est pourquoi il est invité à venir de Bucarest, même avec l’avion A. Vlaicu II. Aurel est alors tiraillé entre sa volonté de rester à la capitale pour terminer son A. Vlaicu III et le désir de se rendre à Orặştie en A. Vlaicu II.

    Entretemps, le délégué de Marconi arrive à Bucarest et informe Vlaicu que la société commanderait 100 avions si les essais en vol réussissaient avec le premier exemplaire du A. Vlaicu III

    Mais, c’est plus fort que lui, Vlaicu interrompt son travail et décide de préparer le franchissement des Carpathes.

    Le samedi 13 septembre 1913, à 14 h 30, il décolle de Cotroceni pour apporter en Transylvanie un espoir d’unité nationale, de liberté et d’indépendance des millions de Roumains alors sous domination austro-hongroise et pour participer à la célébration d’ASTRA à Orặştie.

    Après un ravitaillement près de Ploiești, Vlaicu décolle pour Câmpina, mais doit atterrir d’urgence car l’avion rencontre des problèmes techniques. C’est au cours de cette manœuvres, non loin de Bănești, au nord-ouest de Ploiești, que l’appareil s’écrase juste à côté de la route et que Vlaicu perd la vie.

    La dépouille de Vlaicu et l’épave de l’avion sont transportées à Bucarest.

    Les causes du crash de Vlaicu sont toujours non élucidées. Les amis du pilote, Giovanni Magnani et Constantin Silisteanu écartent l’hypothèse d’un sabotage, car ils suivent l’appareil en voiture et arrivent les premiers sur le lieu du sinistre pour inspecter l’épave. La cause la plus plausible du décès de Vlaicu est que l’avion s’est mis à cabré pendant une tentative d’atterrissage moteur coupé. Cette procédure est commune à l’époque, ce qui rend une remise de gaz impossible en cas d’impossibilité de se poser.

    Le gouvernement décide d’organiser des funérailles nationales le mercredi 17 septembre et Aurel est inhumé au cimetière Bellu. Il est décoré à titre posthume par le roi de Roumanie de la Médaille de la Bravoure Militaire.

    Depuis les airs, les pilotes Gheorghe Negrescu et Andrei Popovici, avec leurs avions, lui adressent un dernier salut.

    Le dimanche 14 septembre 1913, le lendemain du crash, un télégramme arrive à Orặştie, où il est lu, les larmes aux yeux, par le président, à l’ouverture de l’Assemblée ASTRA.

    POSTÉRITÉ

    Comme un trésor, les Roumains gardent à l’esprit et commémorent la mémoire de leur grand héros national. On baptise des rues de son nom, on érige des monuments à sa gloire, on dévoile des plaques commémoratives pour préserver son souvenir…

    En 1925, après l’annexion de la Transylvanie par la Roumanie, le village natal du pilote est renommé Aurel Vlaicu, tout en étant rattaché à Geoagiu. Le collège calviniste d’Orăștie qu’il a fréquenté est renommé ‘Collège Aurel Vlaicu’ en son honneur dès 1919.

    Enfin, Aurel Vlaicu est élu à l’Académie roumaine, à titre posthume, en 1948.

    PRIX ET MÉDAILLES

      • Prix George Lazar de l’Académie roumaine (1910).
      • Ordre de l’Étoile de Roumanie (1911).
      • Médaille de la Valeur (1913).

    REPRÉSENTATIONS

    Très populaire et très consensuelle en Roumanie, la figure d’Aurel Vlacu est mise à l’honneur sur divers supports.

    Monnaie nationale

    Le billet de banque de 50 lei présente au recto le portrait de Vlaicu et, au verso, un croquis de l’un de ses avions ainsi qu’une vue en coupe du moteur de l’appareil agrémentés d’une tête d’aigle.

    En 2010, une pièce commémorative de 50 bani (équivalente à 0,10 €) est frappée par la Banque nationale de Roumaine.

    Hommages divers

    Le 17 juin, jour anniversaire du premier vol motorisé d’Aurel Vlaicu, est célébré comme la Journée nationale de l’aviation roumaine.

    Le nom du pilote figure en second sur la liste du Mémorial des héros de l’aviation roumaine de Bucarest, à la suite de celui de Gheorghe Caranda et avant de celui de son camarade pilote Gheorghe Negel, qui décède dans un accident aérien survenu un mois après celui de Vlaicu, le samedi 11 octobre 1913.

    Un musée est inauguré dans son village natal, et il porte de nos jours le nom d’Aurel Vlaicu, tandis qu’un monument a été érigé près de Bănești, où l’avion s’est écrasé.

    Le deuxième plus grand aéroport de Roumanie, un Airbus A318-111 de la Transporturile Aeriene ROMâne (TAROM) et l’Université Aurel Vlaicu, une université publique fondée en 1991 à Arad, portent son nom en son souvenir.

    Le métro de Bucarest comporte une station Aurel Vlaicu, inaugurée le vendredi 25 octobre 1987.

    Œuvres biographiques

    Le récit de la vie de notre héros constitue le sujet principal de la nouvelle intitulée ‘Maistorasul Aurel, ucenicul lui Dumnezeu: Cronica vremii si vietii lui Vlaicu’, de Victor Ion Popa (publiée en 1939) et de Flăcăul din Binţinţi, de Constantin Ghiban (publiée en 1953).

    En 1978, le film de Mircea Drăgan, intitulé Aurel Vlaicu’ et s’appuyant sur l’œuvre d’Eugenia Bosânceanu publiée par la Maison d’édition militaire en 1969, sort en salle en 1978.

    Erreur sur un mug commémoratif

    En 2010, un Musée de Deva (Transylvanie) commande plusieurs centaines de mugs pour commémorer le 100e Anniversaire du premier vol motorisé Vlaicu. Malheureusement, les concepteurs de l’objet en question utilisent une image téléchargée sur Wikipedia représentant un autre pionnier roumain de l’aviation, Traian Vuia. Cette erreur d’image est récurrente sur Internet depuis mai 2018. Comme quoi il est important de vérifier et de recouper ses sources sur Internet…

    CONCEPTION DES AVIONS A. VLAICU

    Au cours de sa courte carrière, Aurel Vlaicu conçoit et réalise un planeur et trois avions.

    Un planeur

    Il perfectionne son design sur des modèles à bande élastique qu’il commence à expérimenter alors qu’il est étudiant à Munich.

    Trois avions motorisés

    Les trois avions motorisés de Vlaicu comportent un tube central en aluminium, les commandes de vol à l’avant, deux hélices contrarotatives, l’une montée en avant de la nacelle, et l’autre à l’arrière de l’aile supérieure, contrebalançant partiellement le couple de l’autre. Les appareils sont équipés de trains d’atterrissage tricycles à suspension indépendante, des freins sur la roue arrière et des moteurs rotatifs Gnome.

    Cependant, dépourvus d’ailerons, ses avions ne peuvent manœuvrer que grâce à la gouverne de direction et aux gouvernes de profondeur, via un volant monté sur une barre. Le volant commande les gouvernes de profondeur, tandis que le mouvement latéral de la barre commande la gouverne de direction. Le volant peut être temporairement verrouillé à l’aide de deux chevilles. Le centre de gravité bas généré par l’aile du parasol assure la stabilité latérale requise par ce type de système de contrôle.

    Le ‘A. Vlaicu III est un monoplan deux places équipé d’un moteur Gnome Gamma de 80 CV (60 kW) entièrement caréné. Construit sous contrat pour la société Marconi en vue de tester les communications via des radios embarquées, il n’est que partiellement terminé au moment de la mort de Vlaicu.

    Y_Le ‘A. VLAICU III’ vu de l’avant-gauche…

    L’appareil est finalisé par ses amis et plusieurs vols d’essai courts sont effectués, en 1914, par le pilote militaire Petre Macavei. D’autres essais sont entravés par des contrôles inhabituels.

    En 1916, pendant l’occupation allemande de Bucarest, l’avion est saisi et expédié en Allemagne, et il est vu pour la dernière fois par des officiers militaires roumains, en 1942, à l’occasion d’une exposition d’aviation organisée à Berlin, bien qu’il n’en soit pas fait mention dans les références de l’événement.

    ÉPILOGUE

    Comme beaucoup de pionniers, Aurel Vlaicu n’aura pas vu ses rêves se matérialiser… En particulier, il n’aura pas vécu l’instauration d’une Grande Roumanie regroupant tous ses congénères et, malheureusement, aussi de nombreuses minorités de l’Empire d’Autriche-Hongrie, à leur tour frustrées de leurs droits à disposer d’elles-mêmes.

    Aurel n’aura pas vu, non plus, voler le ‘A. Vlaicu III’, aux commandes duquel il aurait brillé dans maintes compétitions… du moins en était-il convaincu. Nul doute qu’avec le concours de Traian Vuia et, peut-être, d’Henri Coandă, pionnier de l’aviation mondiale et du moteur à réaction, l’aviation roumaine aurait pu devenir l’une des premières du monde… Cependant, c’était sans compter avec le déchaînement de deux Guerres mondiales successives qui auront réduit à néant bien des prétentions.

    En ce 13 septembre 1913, Aurl Vlaicu n’imagine rien de tout cela car son but ultime, c’est-à-dire l’unification des peuples roumanophones, importe plus que tout. Cependant, pour rejoindre Orặştie, il lui faut franchir un col entouré de sommets culminant à plus de 2 500 m d’altitude dans les Alpes de Transylvanie… qu’il n’atteindra jamais. Ainsi s’évanouit aussi le rêve de relier entre eux tous les Roumains en s’affranchissant des massifs montagneux qui les séparent encore…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein


    SOURCES

    • Aurel Vlaicu  – Un Icar pe cerul românesc

    https://www.dacoromania-alba.ro/nr82/aurel_vlaicu.htm 

    • 17 June 1910 – first flight of powered aircraft built by Aurel Vlaicu, Romanian aviation pioneer

    https://afterburner.com.pl/17-june-1910-first-flight-of-powered-aircraft-built-by-aurel-vlaicu-romanian-aviation-pioneer/ 

    VIDÉOTHÈQUE

    QUELQUES PHOTOS 

    2 juillet 1960 – Les cendres de ‘Jimmie’ Angel sont répandues au-dessus de l’Auyan Tepuy

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    L’aviateur américain James (‘Jimmie’) Angel Crawford est connu pour la découverte, le jeudi 16 novembre 1933, de la plus haute chute d’eau du monde, la Kerepakupai-Vená, baptisée de son nom par son ami, le géologue vénézuélien Gustavo Heny, en 1937. C’est aussi là que son avion, le Metal Aircraft Co G-2-W ‘Flamingo’ dénommé El Rio Caroní, capote, le samedi 9 octobre 1937, lorsqu’il tente de s’y poser en quête de la fameuse rivière d’or où J.R. McKraken, un prospecteur américain, lui avait fait découvrir en 1923. C’est là, au-dessus de l’Auyan Tepuy, qu’il souhaite que ses cendres soient répandues après son décès…

    Le mardi 17 avril 1956, la cargaison de son appareil étant disposée en vrac dans la carlingue, Angel est blessé à la tête lors de son atterrissage à David, dans la province du Chiriquí, au nord-ouest du Panama. Peu de temps après, le pilote est victime d’une crise cardiaque et souffre de diverses maladies pendant huit mois, jusqu’à ce qu’il contracte une pneumonie et soit transporté à l’hôpital militaire américain William C. Gorgas de Panama City, où il décède, à l’âge de 57 ans, le samedi 8 décembre 1956, des suites d’une hémorragie cérébrale.

    Sa dépouille est incinérée et ses cendres sont enterrées au Portal of the Folded Wings Shrine to Aviation (Portail du sanctuaire des ailes repliées vers l’aviation), situé au Valhalla Memorial Park Cemetery de Burbank, près de Los Angeles, en Californie.

    RESPECT DES DERNIÈRES VOLONTÉS

    Le samedi 2 juillet 1960, conformément à ses dernières volontés, son épouse Marie, ses deux fils Jimmy Jr. et Rolan, ainsi que ses amis Gustavo Heny et Patricia Grant, dispersent ses cendres au-dessus du Salto Ángel. L’expédition s’effectue avec deux avions, le premier transportant la mère et les deux enfants, le deuxième servant à répandre les cendres. Une opération extrêmement bien documentée au plan photographique… comme une sorte de reportage…

    LE TÉMOIGNAGE DE PAT GRANT

    Pat Grant, l’amie de ‘Jimmie’, relate l’événement dans une lettre à Karen Angel (superviseure du Jimmie Angel Historical Project JAHP) envoyée d’Ocala (Floride) le jeudi 23 mai 1996 :

    « Le chapitre final débute à Canaima (‘le Diable’), un endroit aussi haut en couleur que la carrière de ‘Jimmie’, un lieu d’une grande beauté dans la Gran Sabana du Venezuela. Une haute cascade aux eaux tumultueuses se verse dans un lagon tropical.

    Au cours de ce dernier vol, les amis de Marie, ses deux fils, Gustavo Heny, Maria Ayala, Emma Peterson, des photographes et des journalistes des actualités locales [soixante-dix invités et neuf journalistes et cameramen].

    C’est certainement le membre de la ‘Jungle Pilots Association’ [Association des pilotes de jungle] Marvin Grisby qui a organisé l’événement et réservé les avions, mais le Venezuela est alors en pleine révolution et il y a des chances pour que tout cela vire au chaos. Seules les compagnies pétrolières volaient. J’ai appelé Steve (mon ex-mari) à propos de l’avion ‘Creole’ et ils mirent leur ‘Executive DC-3 à notre disposition. J’ai plaidé, avec le concours de Jeff Crickmay, un responsable de l’Atlantic Oil et il mit à notre disposition leur bimoteur Beechcraft et leur pilote, Jesse Reese. Tout le monde a commencé à regarder vers moi et bientôt j’étais à mes oreilles dans les plans et les arrangements, ceci, juste deux semaines après avoir rompu avec mon appendice !

    J’ai terminé dans le siège du copilote du Beechcraft, aidant Jesse dans sa navigation vers Canaima et le canyon du Salto Ángel.

    Le matin de la dernière journée se levait, frais, brumeux et humide, avec des plafonds bas obscurcissant les montagnes. Bientôt, de petites éclaircies révélèrent un ciel bleu au-dessus des nuages et notre ‘armada’ a pris son envol sur la piste boueuse. À bord du Beechcraft se trouvaient Jesse Reese (pilote), Pat Grant (copilote), Marvin Grisby, sa fille et l’urne contenant les cendres de ‘Jimmie’.

    Nous avons fait voler ‘Jimmie’ tout autour du canyon, au-dessus de son avion, et survolâmes ses chères chutes d’eau, son dernier vol terrestre en quelque sorte, et j’ai ressenti qu’il en appréciait chaque minute. Quelles plaques d’écume et de brume qui s’étaient accrochées aux crevasses se sont soudainement dissipées, révélant le Salto Ángel dans toute sa magnificence (la chance de l’Ange).

    Les deux avions ont glissé ensemble juste avant que nous arrivions près des chutes.

    Marvin Grigsby a alors entamé la prière : « Père tout-puissant, en ce jour nous te supplions humblement de recevoir notre frère défunt dans les plis du ciel. Amen ».

    Puis, le poème figurant sur une plaque de bronze :

    « Pour toujours avec le vent

    L’esprit de l’ange vole,

    La terre qu’il aimait – la cascade,

    Sa mémoire jamais ne mourra. »

    Pendant que nous survolions les chutes, les cendres flottaient vers le bas, fouettées par le vent et mélangées à des embruns et, ainsi, notre bien-aimé ‘Jimmie’ retourna à sa cascade.

    La cérémonie, dans sa simplicité, a représenté l’un des plus grands frissons émotionnels de ma vie. Je sens qu’il est vraiment heureux, enfin. Maintenant, son esprit peut parcourir les chutes de son grand canyon pour l’éternité. J’avais le sentiment d’avoir eu le privilège de connaître ce grand homme et d’avoir été son amie. »

    ÉPILOGUE

    Tout sauf improvisée, cette cérémonie funèbre aérienne (qui sera beaucoup copiée par la suite) ne marque pas la fin de la riche histoire de ‘Jimmie’ Angel. En effet, en 1965, Rolan, l’un de ses deux fils, visite le site où se trouve l’avion avec son cousin Allen Weller dans le but de placer une plaque sur l’avion. Tous deux sont accompagnés du photographe du magazine ‘Life’, Carl Mydans.

    En janvier 1970, à l’occasion du Jubilée (50e anniversaire) de la Fuerza Aérea Venezolana (FAV), selon le décret présidentiel n° 213 et dans le cadre de la programmation pour cette année, on décide que la Force Aérienne Vénézuélienne sauvera le ‘El Rio Caroní. Commandée par le colonel de l’aviation Edgar Suarez Mier et Terán dans le cadre d’une mission appelée ‘Opération Auyan Tepuy’, la mission de sauvetage débute au mois de février 1970, avec l’appui du Groupe de transport aérien n° 6 et du Groupe d’opérations spéciales n° 10 de la FAV. Mais ceci est une autre histoire, que nous reprenons dans le détail dans notre article intitulé « L’incroyable destin du ‘El Rio Caroní, l’emblématique avion de ‘Jimmie’ Angel« .

    En résumé, ayant bien compris l’impact de la communication sur la notoriété de ses membres, la famille Angel saisit chaque occasion pour associer des journalistes à leurs différences actions. En ce sens, l’exemple de ‘Jimmie’ Angel est d’une modernité qui ne se dément pas, ce qu’a bien compris sa nièce Karen, auteure de l’ouvrage de référence Angel’s Flight. The life of Jimmie Angel, American Aviator-Explorer, Discoverer of Angel Falls’ (voir sources)…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

    SOURCES

    • Jimmy Angel Wikipedia

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jimmy_Angel

    • Jimmie Angel: sus cenizas quedaron sobre el salto que lleva su nombre

    Curadas

    https://curadas.com/2021/10/10/jimmie-angel/

    • L’histoire de Jimmy Angel

    https://www.jimmieangel.org/History.html

    • El Rio Caroni – Débarquement de 1937 à Auyantepui

    https://www.jimmieangel.org/Rio.html

    • Karen Angel,‘Angel’s Flight. The life of Jimmie Angel, American Aviator-Explorer, Discoverer of Angel Falls’, Lulu Publishing Services rev. Date: 03/22/2019

    17 juillet 1928 – Joseph Thoret repère deux alpinistes en détresse sur le mont Blanc et déclenche une opération de secours

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    Depuis sa création, le mercredi 8 septembre 2020, Pilote de montagne (PDM) a consacré plusieurs tweets ainsi qu’un article très détaillé à la figure emblématique de Joseph Thoret, le virtuose du vol hélice calée aussi dénommé « Thoret Tempête » ou « Thoret mont Blanc ». Aujourd’hui, ce court billet s’attache à décrire les qualités humaines de courage et de dévouement dont ce pilote de montagne hors normes a su faire tout au long de sa vie…

    LE SAUVETEUR EN MONTAGNE

    Établi sur l’aérodrome du Fayet, au tout début de la basse vallée de l’Arve, l’aviateur parcourt incessamment le Massif du Mont Blanc pour y expérimenter ses techniques de vol à faible vitesse ou moteur calé, c’est-à-dire, concrètement, moteur coupé. Ce serait donc bien le diable s’il n’avait pas croisé la route de quelques cordées se dirigeant vers les sommets et, bien entendu, vers le plus mythique d’entre eux, le mont Blanc.

    Une anecdote dont nous n’avons pas encore réussi à découvrir l’origine veut qu’en survolant cette montagne, le 17 juillet 1928, Joseph Thoret aperçoive ce qu’il interprète comme des signaux de détresse d’alpinistes en difficulté. Mais que faire depuis le ciel, à une époque où le Genevois François Durafour s’est posé, sur roues, sur le dôme du Goûter. Se poserait-il à proximité des alpinistes en difficulté qu’il ne pourrait pas embarquer de passagers ni, bien entendu, redécoller avec son frêle appareil.

    La seule solution serait de prévenir, à Chamonix-Mont-Blanc, la gendarmerie et, surtout, la Compagnie des Guides, seule organisation alors capable d’organiser une colonne de secours. Malheureusement, les avions sont encore loin d’être équipés de radios permettant de rendre compte, à une station au sol capable de transmettre l’alerte, de la situation en altitude. Joseph Thoret se résout donc à redescendre au Fayet pour s’y poser et téléphoner aux guides… Les secours une fois alertés, il redécolle pour survoler à nouveau les alpinistes afin de faire comprendre qu’ils ont été vus et qu’ils vont être bientôt secourus…

    UN SAUVETAGE AU SOL

    Nos recherches nous ont également permis de découvrir un article paru dans Le Petit Journal Illustré n° 1985 publié le 19 août 1928. Mise à la vente en ligne sur le site La Bibliothèque du Souvenir, la gravure un peu naïve ci-dessous présente Joseph Thoret sous un jour peu connu :

    « Récemment, à Saint-Gervais-les-Bains, Joseph Thoret se préparait à prendre l’air pour voler au-dessus du mont Blanc quand on vint lui dire que deux hommes et un cheval venaient d’être entrainés dans l’Arve. N’écoutant que son courage, il prit une corde et sauta dans le torrent… »

    ÉPILOGUE

    Que tirer comme leçons de ces deux courtes anecdotes sinon que Joseph Thoret n’écoutait que son courage pour porter secours aux personnes en perdition ?

    Malheureusement, à son époque, les techniques de l’atterrissage en terrain accidenté et les liaisons radio restent encore à inventer et le sauvetage aérien en haute montagne relève de la science-fiction.

    Il faudra attendre 18 ans pour que ce savoir-faire se diffuse largement grâce au sauvetage du glacier du Gauli, en Suisse, fin novembre 1946.

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

     

    SOURCES

    • Le Petit Journal Illustré n° 1965 (1928).

    http://www.labibliothequedusouvenir.com/1928/le-petit-journal-illustre-1928-n-1965-l-aviateur-joseph-thoret/produit-332-13216.html

    6 avril 2002 – Le Piper PA-18 ‘Super Cub’ F-BLEY s’écrase dur l’altisurface d’Uls (31/Haute-Garonne)

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    Déjà impliqué dans une collision avec le Piper PA-18 ‘Super Cruise’ F-BKBE sur l’altisurface LF3129 de Pêne-de-Soulit (31/Haute-Garonne) le dimanche 14 février 1999, le Piper PA-18 ‘Super Cruise’ F-BLEY joue de malchance en s’écrasant sur l’altisurface d’Uls (31/Haute-Garonne) le samedi 6 avril 2002. Un accident dont le rapport du Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) repris ci-dessous dépeint des causes édifiantes…

    LES CONCLUSIONS DU BEA

    « …

    Événement

    • Panne d’essence, atterrissage forcé en montagne.

    Cause identifiée

    • Informations préalables concernant la gestion carburant inconnues du pilote en entraînement.

    Conséquences et dommages

    • Pilote et instructeur blessés, aéronef fortement endommagé.

    Aéronef

    Date et heure

    • Samedi 6 avril 2002 à 11 h 00.

    Exploitant

    • /

    Lieu

    • Altisurface d’Uls (31), altitude :2 000 m.

    Nature du vol

    • Entraînement vol montagne.

    Personnes à bord

    • Instructeur + pilote.

    Titres et expérience

    • Instructeur, 67 ans, PPL de 1959, FI de 1962, 7850 heures de vol dont 1 210 sur type et 23 heures dans les trois mois précédents.
    • Pilote, 56 ans, CPL de 1972, 1 835 heures de vol, dont 92 sur type et 16 dans les trois mois précédents, aucune sur ce modèle dans les trois mois précédents.

    Conditions météorologiques

    • Évaluées sur le site de l’accident : vent 210° à 240° / 15 à 20 kt, visibilité supérieure à 10 km, SCT à3200 pieds, QNH 998 hPa, turbulence modérée.

    Circonstances

    Les pilotes décollent de l’aérodrome de Luchon aux alentours de dix heures du matin. Ils effectuent un posé-décollé sur une altisurface, puis une reconnaissance sur une autre. Après environ cinquante minutes de vol, ils réalisent une reconnaissance de l’altisurface d’Uls. Le pilote en place avant s’éloigne à contre QFU, puis effectue une ouverture par la gauche, vire par droite et se positionne en finale face à l’ouest. L’instructeur explique que, pendant cette finale, ils rencontrent un courant descendant et qu’ils se retrouvent alors sous le plan de descente. Il demande au pilote en place avant de dégager par la gauche, puis reprend les commandes pour effectuer cette manœuvre. Au cours de ce virage en descente, accompli face à la pente enneigée, les pilotes ne peuvent plus évaluer leur position par rapport aux repères extérieurs. L’instructeur se souvient que les commandes lui paraissent « molles ». Disposant de peu de hauteur pour manœuvrer, il pose durement l’avion sur une pente. Les deux pilotes sont blessés, l’avion est fortement endommagé.

    Les pilotes émettent plusieurs messages sur la fréquence de détresse 121,5 Mhz. Ces messages sont relayés par l’équipage d’un avion de ligne. Les secours parviennent à les localiser, puis à les évacuer par hélicoptère environ trois heures plus tard.

    L’examen de l’hélice sur l’épave montre que le moteur ne délivrait pas de puissance à l’impact. Le réservoir ainsi que la nourrice gauche sont vides. La cuve du carburateur est sèche. Le réservoir de l’aile droite et la nourrice associée contiennent environ cinquante litres d’essence.

    Le pilote en entraînement avait pris connaissance des informations météorologiques le matin sur une chaîne de télévision par câble, ainsi que sur le Minitel (serveur METAR).

    Lors du roulage à Luchon, l’instructeur a demandé au pilote de sélectionner le réservoir droit. Le pilote a effectivement changé de réservoir sans regarder le sélecteur et l’a positionné sur le réservoir gauche, qui contenait vingt-cinq à trente litres de carburant. La consommation horaire est de trente litres à 2 300 tours par minute. Lors de la dernière approche, lorsque les pilotes ont décidé de dégager, le circuit carburant gauche s’est désamorcé et le moteur n’a plus répondu aux sollicitations.

    Le jour du vol était le dernier de la période durant laquelle l’avion était basé en montagne. Le pilote en entraînement souligne la forte motivation qui l’animait pour voler ce jour. Il ajoute qu’il n’a pas effectué au cours du vol de guide ou de check-list « point tournant » ou « approche » qui lui auraient permis de déceler un problème de gestion de carburant.

    L’avion était basé à Luchon en période hivernale. Il servait exclusivement à des vols en montagne. Lors de ces vols, l’instructeur utilisait uniquement le carburant du réservoir droit. Il conservait le contenu du réservoir gauche en secours. Le pilote en place avant ne connaissait pas cette procédure.

    L’absence de harnais et l’utilisation d’une simple ceinture ventrale ont vraisemblablement contribué à la gravité des blessures. »

    ÉPILOGUE

    Les conclusions du BEA sont édifiantes : l’avion s’est écrasé sur l’altisurface d’Uls à cause d’une panne de carburant. L’instructeur a demandé à son pilote-élève de passer sur le réservoir droit, mais ne semble pas avoir vérifié, de visu, que l’opération avait bien été effectuée correctement…

    En outre, l’instructeur avait pour habitude de voler sur réservoir droit, et de maintenir le réservoir gauche en mode secours. L’histoire ne dit pas si l’instructeur avait effectivement briefé son élève sur ce qui semblait considéré comme une procédure.

    Enfin, le rapport du BEA insiste, en filigrane, sur la nécessité d’équiper les appareils de harnais, ce qui peut effectivement sauver des vies, surtout en terrain accidenté.

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

    SOURCE

    • Rapport relatif à l’accident survenu le 6 avril 2002sur l’altisurface d’Uls (31) au Piper PA 18 ‘Super Cub’immatriculé F-BLEY

    https://bea.aero/docspa/2002/f-ey020406/htm/f-ey020406.html

    chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://bea.aero/docspa/2002/f-ey020406/pdf/f-ey020406.pdf

    31 mai 1934 – Le destin solitaire de Maurice Wilson sur le toit du monde

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    Concentrant la plupart des sommets culminant à plus de 8 000 mètres d’altitude, le massif de l’Himalaya ne cesse de fasciner les alpinistes comme le grand public. Comme nous l’avons déjà relaté, la conquête du plus haut de ses sommets, l’Everest, n’a certainement été rendue possible que par l’exploitation, vingt ans plus tard, des photographies très précises et très nettes collectées par l’Expédition aérienne Houston-Everest lors des vols de reconnaissance effectués les samedi 3 et vendredi 9 avril 1933. Il n’en faut pas plus pour exciter l’imagination d’un pilote amateur concevant ce qui aurait pu devenir la première ascension combinée avion/alpinisme de l’histoire…

    UN JEUNE HOMME MARQUÉ PAR LA GUERRE

    Maurice Wilson naît le jeudi 21 avril 1898 à Bradford (West Yorkshire, Angleterre). Fils du propriétaire d’une petite filature, il n’a comme perspective que de travailler dans l’entreprise familiale, avec ses frères.

    Cependant, comme la plupart de des camarades, la Première Guerre mondiale chamboule tout. En effet, il est incorporé dès l’âge de 18 ans (en 1916, donc), le lendemain de son anniversaire, au sein du West Yorkshire Regiment comme officier pour être engagé, en 1917, dans le nord de la France, où il participe à des combats particulièrement violents, dont la terrible bataille de Passchendaele.

    Comme le décrit la citation ci-dessous (pour laquelle il se voit attribuer la Military Cross (MC) en avril 1918, en s’illustrant comme Second Lieutenant (sous-lieutenant) près de Wytschaete, en tenant une position en avant du front britannique et en résistant sous le feu de l’Artillerie et des mitrailleuses ennemies après que les mitrailleuses couvant ses flancs eurent été repliées :

    Plus tard, Wilson est blessé par des tirs de mitrailleuses et ressent une gêne dans un bras tout le reste de sa vie. Il est également le témoin des souffrances de l’un de ses frères, blessé et profondément traumatisé par un impact d’obus. Il demande une indemnisation pour son frère et lui-même, mais ses requêtes sont toujours rejetées, ce qui lui inspire un profond dégoût pour l’autorité et la bureaucratie.

    Pour mémoire, dans certains des textes en langue anglaise, on accole au nom de Maurice Wilson le grade de Captain (capitaine), ce qui reste à vérifier, mais serait logique au regard des états de service de l’intéressé…

    DIFFICILE RETOUR À LA VIE CIVILE

    Dans ces conditions, comment revenir à une vie normale à la fin des hostilités. Décédant en 1921, son père lui lègue une somme évaluée à un peu moins d’un million de livres sterling actuelles.

    Bien que souffrant d’une très grave dépression, Wison se marie en 1922, mais devient très instable et aspire à l’aventure, ce qui conduit le couple à mener des vies parallèles. Il parcourt donc le monde sans s’intéresser aux emplois qu’il occupe et qu’il quitte sur des coups de tête. Son épouse étant encore en vie en 1926 et malgré l’absence de preuves d’un divorce, il se marie en secondes noces pendant son séjour en Nouvelle Zélande. Cette nouvelle union échouant comme la première, Wilson repart en voyage.

    De passage à Londres, il encontre, à Mayfair, un homme s’étant guéri lui-même, ainsi qu’une centaine de personnes souffrant de maladies incurables, en associant les effets bénéfiques du jeûne de longue durée (son jeûne initiatique dure 35 jours…) à ceux d’intenses séances de prière. Cependant, Wilson n’a jamais nommé cet homme et on se demande s’il a réellement existé ou si le traitement provenait de son propre mélange de christianisme et de mysticisme oriental. Indépendamment de sa source, la croyance de Wilson dans le pouvoir de la prière et du jeûne devient absolue et la diffusion de sa méthode devient son obsession. Mais comment faire des émules lorsqu’on est un parfait inconnu ?

    UNE RÉVÉLATION

    En 1932, souffrant de tuberculose et suivant une cure en Allemagne, il se retrouve attablé dans un café de Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne, où il lit un article de magazine traitant l’expédition britannique vers l’Everest de 1924, au cours de laquelle George Mallory et Andrew Irvine ont disparu. Il y a encore un débat, à ce jour, quant à savoir si les deux hommes sont tombés sur le chemin du retour, après avoir atteint le sommet, ou s’ils escaladaient encore la montagne au moment de leur disparition. Il s’agit-là d’un exemple classique d’héroïsme britannique, comme celui des explorateurs Robert Falcon Scott et Ernest Shackleton tentant de surmonter des obstacles incroyables, tout en s’efforçant d’atteindre un objectif impossible. L’exemple de ces pionniers reflète la grandeur de l’Empire britannique et impressionne Wilson au point de le convaincre qu’il allait devenir le premier homme à gravir l’Everest, malgré son manque d’expérience.

    Battus dans la course aux pôles, Nord et Sud, les explorateurs britanniques sont, à l’époque, déterminés à devenir les premiers à atteindre le sommet du monde et à conquérir l’Everest, alors vu comme le troisième Pôle. Les anciens grimpeurs expérimentés avaient été grandement aidés par les guides locaux qui non seulement connaissaient la région, mais aussi transportaient leurs énormes fardeaux et les équipements mais, malgré ce soutien, personne n’avait jamais atteint le sommet. Certains avaient trouvé la mort dans les conditions météorologiques épouvantables régnant à très haute altitude, où les blizzards et les avalanches sont fréquents, mais Wilson n’est pas découragé et pense encore qu’il peut conquérir le sommet en solo.

    UNE IDÉE GÉNIALE…

    Soucieux de faire connaître le remède miracle qui l’a guéri de la dépression, Maurice Wilson comprend qu’il doit réaliser un exploit susceptible de convaincre un large public de lui emboîter le pas en jeûnant et en priant. Il se convainc donc de conquérir le ‘Toit du monde’, seul.

    Son concept est le suivant : survoler le Tibet aux commandes d’un petit avion, s’écraser sur les pentes supérieures de l’Everest, puis progresser à pied jusqu’au sommet. Ce plan est on ne peut plus audacieux car un vol solo jusqu’à l’autre bout du monde aurait déjà représenté un exploit en soi aux yeux des meilleurs aviateurs de l’époque, alors qu’a contrario aucun alpiniste de l’époque n’aurait envisagé une ascension solo de l’Everest, un exploit qui ne devait être réalisé qu’en 1980. Seuls petits problèmes pratiques, Wilson n’y connaît rien en aéronautique et en alpinisme et doit donc entreprendre des formations accélérées.

    Il a souvent été souligné que la naïveté de Wilson peut avoir été en partie due au style des rapports sur les premières expéditions britanniques à l’Everest. Avec une retenue victorienne légendaire, la littérature d’alpinisme de l’époque a souvent minimisé les risques et les difficultés rencontrés par les premiers alpinistes, qualifiant les pentes à avalanches, les parois de glace abruptes et les falaises rocheuses verticales de « dérangements », et mettant peu l’accent sur les effets physiologiques de la haute altitude, qui étaient encore mal compris. Cependant, il est toujours surprenant que Wilson n’ait pas tenté d’apprendre à grimper sur neige, alors qu’un simple regard sur une photographie de la montagne en question lui aurait dit que cela serait nécessaire.

    LES CRITIQUES FUSENT

    Maurice Wilson déclarant qu’il allait escalader le mont Everest et planter l’Union Jack sur son sommet, il est vivement critiqué et parfois raillé par la presse et, surtout, par l’establishment de l’alpinisme.

    En effet, créé à Londres en 1857, l’Alpine Club est, tout comme la Royal Geographical Society (RGS), très lié à des militaires à la retraite et des membres du personnel gouvernemental, deux castes souhaitant que la première personne a conquérir l’Everest le fasse pour la gloire de la Nation, et non pas pour sa gloire personnelle. Surtout, cette personne devrait être un membre actif d’un club alpin d’élite. C’est pourquoi ces deux sociétés accueillent l’initiative de Wilson avec mépris et ne veulent ni l’approuver, ni l’encourager.

    En outre, le seul entraînement de Wilson consistant à effectuer des randonnées dans le Lake District et dans le Snowdonia, les vrais alpinistes considèrent qu’il les traite avec mépris. Cependant, grâce à ces polémiques, Wilson acquiert une certaine notoriété dans la presse, conquiert la sympathie du grand public, mais est littéralement insulté par les experts du domaine montagnard.

    PRÉPARATION PHYSIQUE

    Malheureusement, ses expériences montagnardes se limitent à cinq semaines de randonnées dans le Lake District, où sur le Scaffel Pike, point culminant de l’Angleterre, à 978 mètres d’altitude et sa connaissance de l’Himalaya qu’à la lecture des livres traitant de l’Everest empruntés à la bibliothèque.

    Pour pallier ses lacunes physiques et son manque flagrant d’expérience des déplacements à très haute altitude, il n’envisage rien moins que de se rapprocher le plus possible du sommet de l’Everest… en avion, de s’écraser sur les pentes enneigées et de finir l’ascension à pied.

    Se sentant prêt au plan physique, Wilson se sent capable de déplacer des montagnes. « Tout ce qu’il faut pour gravir une montagne, dit-il à ses amis de Londres, c’est une tente, un sac de couchage, des vêtements chauds, de la nourriture et de la foi », ils lui rient au nez. Notons au passage qu’il fait une totale impasse sur les équipements spécialisés (piolet et crampons)…

    PRÉPARATION AÉRONAUTIQUE

    Pour préparer sa mission, Wilson devient membre du London Aeroplane Club basé sur l’aérodrome de Stag Lane, à Edgware, banlieue de Londres. Très mauvais élève-pilote, il met deux fois plus de temps que la moyenne pour obtenir sa licence de pilote et, poussé au désespoir parce que son élève vole « comme un boucher qui coupe la gorge », son instructeur lui prédit qu’il n’atteindra jamais l’Inde.

    Le 22mercredi février 1933, il acquiert un biplan De Haviland DH.60 ‘Gipsy Moth’, un appareil biplace composé d’un fuselage en bois encadré, recouvert de contreplaqué et de tissu. C’est exactement la même marque et le même modèle d’avion dans lequel Amy Johnson avait effectué le premier vol entre l’Angleterre et l’Australie en 1930. Immatriculé G-ABJC (‘G’ pour Great Britain), l’appareil a été construit par la société De Havilland Aircraft Company, également basé sur l’aérodrome de Stag Lane. Enregistré le 4 mars 1931, l’avion a d’abord appartenu au célèbre Flying Circus de Sir Alan Cobham, qui a fait le tour du pays à cette époque avec son équipe de voltige audacieuse. Wilson paye ses leçons de vol et, en moins de deux mois, réussit à décoller dans son propre avion, qu’il baptisé ‘Ever Wrest’.

    Dans le Yorkshire Post’ daté du jeudi 20 avril 1933 (voir ci-dessous), il est rapporté que Wilson a volé de l’aérodrome de Stag Lane (Edgware, Londres), qui appartenait à la de Havilland Aircraft Company à Bridlington, dans l’East Yorkshire. Il a posé son avion sur le terrain de rugby local avant de marcher moins d’un mille jusqu’à l’avenue Marshall, pour dire au revoir à sa mère invalide qui vivait là.

    Le ‘Halifax Courier’ daté du lundi 24 avril 1933 signale que Wilson avait prévu de quitter l’aérodrome de Stag Lane le jour même, à destination du mont Everest, mais qu’il a été contraint d’effectuer un atterrissage forcé dans un pré près de Cleckheaton la veille, pendant son dernier vol d’essai entre Londres et Bradford : l’avion heurte une haie, se retourne, pique du nez sur un chemin de terre…

    Le rapport de police détaille les circonstances de l’accident et indique que Wilson, bien que secoué, s’en sort indemne. Bien endommagée, la machine est ramenée à Londres par voie routière, opération réalisable parce que les ailes des biplans se replient contre le fuselage afin de stocker les avions dans des espaces restreints. Bien entendu, cet accident retarde le vol vers l’Himalaya car les réparations sont lourdes.

    UN VOYAGE MOUVEMENTÉ

    Bien qu’équipé d’un réservoir de carburant surdimensionné, le ‘Gipsy Moth’ ne dispose que d’une autonomie limitée à environ 620 milles (soit 998 km), ce qui implique une élaboration minutieuse du plan de vol. Il vole donc de l’aérodrome de Stag Lane jusqu’à Fribourg-en-Brisgau, à l’endroit même où il a eu la révélation. De là, il s’envole vers Passau (Bavière), à la frontière autrichienne, mais doit abandonner son projet de traverser les Alpes en raison du mauvais temps. Il retourne donc à Fribourg-en-Brisgau, puis traverse les Alpes occidentales en poursuivant jusqu’à Rome, où il est accueilli par une foule nombreuse et enthousiaste.

    Après quelques jours de repos, Wilson traverse la Méditerranée en direction de la Tunisie, mais il rencontre une énorme masse nuageuse au-dessus de la mer. Chose incroyable, c’est la première fois qu’il vole dans les nuages, mais il parvient néanmoins à destination. Malheureusement, il n’est pas le bienvenu en dans le protectorat français. En effet, lorsqu’il atterrit à Bizerte pour y faire le plein, des policiers le forcent à redécoller sous la menace d’armes à feu. À Tunis, il fait secrètement le plein à partir de tonneaux rouillés qu’il croit contenir du kérosène. Près de la frontière libyenne, il est en passe de s’écraser à cause de l’eau contenue dans le réservoir…

    Moins d’une semaine après son départ de Londres, Wilson atteint Le Caire mais, sur la pression du consulat britannique, n’est pas autorisé à survoler l’Égypte. Il fait la manchette non seulement des tabloïds, mais aussi du prestigieux ‘Times’, qui rend compte, à intervalles réguliers, de l’avancée de son entreprise.

    Le survol du Moyen-Orient est également compromis. En effet, Wilson a prévu de survoler la Perse, puis le Népal ou le Tibet, mais des permis sont requis pour survoler ces pays. Les expéditions précédentes s’étaient appuyées sur des diplomates du gouvernement britannique pour valider les documents requis mais, comme Wilson n’a pas l’appui du dudit gouvernement, il ne peut s’attendre à aucune aide ou faveur de sa part. Pendant son séjour à Bagdad, Wilson doit changer de plan une fois de plus, mais il ne dispose pas de cartes couvrant sa nouvelle route. Il recourt donc à l’atlas d’un enfant pour planifier sa prochaine étape avant de décoller pour Bahreïn, à 620 milles (998 km) de là. Il fait extrêmement chaud au milieu de l’été et Wilson a la chance d’atteindre sa destination avant de manquer de carburant.

    Pendant ce séjour à Bahreïn, Wilson est une nouvelle fois confronté à des tracasseries de la part du gouvernement britannique qui enjoint au gouvernement bahreïni de ne pas le laisser se ravitailler. Il reçoit donc l’ordre de se rendre à un poste de police local où on lui dit qu’il ne peut plus voyager, car les seuls endroits où il pourrait avitailler en carburant se trouvent en Perse, un pays où qu’il est interdit de voler.

    Sensible aux « complications politiques » que les activités telles que celles de Wilson pourraient causer et soucieux de maintenir l’illusion de l’indépendance des États arabes du Golfe, le résident politique a été chargé d’obtenir des lettres des dirigeants arabes du Koweït, de Bahreïn, des États de la Trêve (les ‘Trucial States’, qui deviendront plus tard les Émirats arabes unis [EAU]et d’Oman stipulant explicitement qu’ils interdisaient tout voyage privé et civil sur ou dans leurs territoires. Ces instructions ont ensuite été incorporées au Règlement sur la navigation aérienne de chacun de ces pays et des avis d’interdiction ont été affichés sur les terrains d’aviation en Irak et en Inde.

    Le mercredi 31 mai 1933, le ‘Gipsy Moth’ de Wilson atterrit sur l’aérodrome d’Imperial Airways à Muharraq, à Bahreïn pour faire le plein avant de poursuivre vers l’Inde, via Charjah, dans les Trucial States. Les autorités britanniques et bahreïnies ont pris vent de l’arrivée de l’aviateur et ont donné des instructions strictes à Imperial Airways afin qu’il ne puisse ni faire le plein, ni quitter le pays.

    Wilson est interrogé par le personnel de la compagnie et par l’agent diplomatique à Bahreïn, le Lieutenant-colonel Gordon Loch. Le pilote déclare qu’il a l’intention de faire voler son avion à 10 000 pieds (soit 3 048 mètres d’altitude)près de l’Everest, de s’y écraser puis de marcher environ 19 002 pieds soit 5 792 mètres), jusqu’au sommet…

    Loch se montre, à juste titre, sceptique : « Il n’a jamais vu l’Himalaya et n’est jamais monté à plus de 18 000 pieds [soit 5 486 mètres d’altitude]. » Tout ce qu’il avait pour l’aider, c’était « un appareil à oxygène pesant 18 livres [soit 8,165 kg]qui devait fournir de l’oxygène pendant sept heures et demie ». Ce que Loch ne sait pas, c’est que l’entraînement de Wilson se limite à des randonnées sur les collines du Snowdonia et du Lake District, des montagnettes atteignant à peine un dixième de la hauteur de l’Everest. Les préparatifs de Wilson pour le vol ne sont pas bien meilleurs, puisqu’il a obtenu sa licence de pilote en deux fois la durée moyenne.

    Wilson accepte de retourner à Bagdad s’il est autorisé à refaire le plein d’essence. Cependant, alors qu’il se trouve au bureau de police et quand personne ne l’observe, il réussit à gribouiller quelques notes rapides sur le dos d’une carte prise sur le mur. Le lendemain, il quitte Bahreïn mais, au lieu de faire route vers Bagdad, il se dirige vers l’est, au-dessus du golfe Persique, vers Gwadar, en Inde britannique (maintenant au Pakistan). Wilson se met en grand danger car le voyage fait 745 milles (1 200 km), bien au-delà de la portée de son avion, mais réussit à atteindre sa destination après neuf heures de vol en continu. Il arrive juste au moment où le soleil se couche et avec sa jauge de carburant à ‘zéro’. Rappelons qu’il ne vole qu’avec une boussole et, si possible, en se repérant au sol.

    Après un peu de repos à Gwadar, Wilson s’envole vers Karachi où il arrive le 2 juin, douze jours après avoir quitté Londres. Le 5 juin, le ‘Daily Mirror’ rapporte qu’il rencontre des problèmes pour atteindre sa destination parce que le gouvernement népalais ne lui permet pas de voler dans son espace aérien. C’est alors que Wilson annonce à l’agence de presse Reuters que, s’il y était forcé, il abandonnerait son avion à la frontière et marcherait vers l’Everest.

    INQUIÉTUDES EN MÉTROPOLE

    Le 10 juin, toujours sans nouvelles du Népal, le ‘Yorkshire Post’ rapporte que Wilson prévoirait maintenant de se rendre à Katmandou (Népal), d’où il effectuerait le reste de son voyage à pied. Bien que les autorités indiennes aient techniquement mis la main sur son ‘Gipsy Moth’, il est toujours autorisé à survoler l’Inde et semble l’avoir fait sur une base régulière, tout en essayant d’obtenir l’autorisation de survoler le Népal.

    Malgré de nombreux efforts pour obtenir cette autorisation, Wilson mène une bataille perdue d’avance, d’autant plus qu’il n’a pas le soutien du gouvernement britannique et qu’il est à nouveau forcé de revoir ses plans. Alors qu’il a pris l’avion pour Purnia, le ‘Halifax Evening Courier’ en date du mardi 4 juillet 1933 rapporte :

    « Maurice Wilson, l’aviateur qui est venu faire une tentative sur le mont Everest, a quitté Purnia aujourd’hui, après avoir tenté en vain de persuader le Maharajah du Népal de voler dans la région de la montagne. On croit qu’il prévoit de poser son avion à Hathwah, Népal, et d’escalader l’Everest à pied. Les Népalais ont répondu en refusant non seulement à Wilson la permission de voler jusqu’au mont Everest, mais il est interdit de vol dans tout le pays. Pire encore, une autre communication l’a informé qu’en plus de l’interdiction de vol, il n’était même pas autorisé à marcher à travers le Népal jusqu’à l’Everest ou à gravir la montagne du côté népalais ».

    Les journaux distillent alors en Angleterre des rumeurs selon lesquelles Maurice Wilson aurait disparu. En effet, lors de ses vols dans le nord de l’Inde, Wilson disparaît mystérieusement en volant en direction de Lucknow le jeudi 6 juillet 1933. S’il avait ignoré les interdictions des Népalais et pris l’avion pour l’Everest, se serait-il écrasé dans une région reculée ? On n’entend plus entendu parler de lui pendant plus d’une semaine et les gens commencent à s’inquiéter de son sort. Il réapparaît soudain le 14 juillet, explique qu’il a été contraint à un atterrissage d’urgence en raison du mauvais temps et qu’il a été l’invité d’un fonctionnaire britannique pendant une semaine dans la province du Bihar

    LA TRAVERSÉE DES INDES VERS LE TIBET

    Le samedi 23 décembre 1933, persuadé de devoir poursuivre sa quête à pied, Wilson vend son avion à M. R. H. Cassell pour subvenir à ses besoins. Il passe ensuite l’hiver à Darjeeling, à jeûner et à planifier un voyage clandestin vers la base de l’Everest. Par hasard, il rencontre trois sherpas, Tewang, Rinzing et Ang Tshering qui, incidemment, avaient tous travaillé comme porteurs lors de l’expédition Everest de 1933 dirigée par Hugh Ruttledge, un officier de l’Indian Civil Service (ICS) et qui sont prêts à l’accompagner.

    Le mercredi 21 mars 1934, au petit jour, Wilson et ses trois compagnons, accompagnés d’un mulet, quittent Darjeeling pour le Tibet déguisés en moines bouddhistes. Afin d’éviter les soupçons, Wilson, vêtu d’un manteau de laine et d’un pantalon large, marche avec les genoux pliés pour cacher sa taille, des lunettes de soleil cachant ses yeux bleus et prétend être sourd-muet et en mauvaise santé. Les compères n’ouvrent leurs tentes qu’au crépuscule, cachés dans les fourrés. Une fois, Wilson tombe dans un fossé rempli d’orties. Le vent glacial leur fouette souvent le visage, parfois ils avancent aveuglément. Même le poney, couvert de provisions, perd ses forces et s’échappe. Paniqués, les hommes lui courent après et le rattrapent au bout d’un mile.

    Lorsqu’ils franchissent finalement la frontière enneigée du Tibet près de Congra, à 4 500 mètres d’altitude, les épreuves sont oubliées. « J’ai envie d’envoyer un télégramme au gouvernement : « Je vous l’ai dit ! » », écrit Wilson.

    Après une randonnée de 24 jours, le trio atteint enfin le monastère de Rongbuk, face à l’Everest, le 14 avril. Situé à 5 009 m au-dessus du niveau de la mer, il s’agit du plus haut monastère du monde et d’un point de passage régulier pour les expéditions pendant les années 1920 et 1930. Wilson y reçoit l’équipement laissé par l’équipe dirigée par Hugh Ruttledge en 1933. Cette équipe a dû renoncer au sommet à 900 pieds (300 m) près.

    LES TENTATIVES D’ASCENSION

    La majeure partie de ce que l’on sait des activités de Wilson sur la montagne elle-même provient de son journal, qui est récupéré l’année suivante et est, depuis lors, conservé dans les archives du Club alpin.

    Première tentative

    Après deux jours passés au monastère, Wilson décide de partir seul pour l’Everest. Dès le premier jour, il évolue parmi les pics glacés. Il dispose bien un piolet, mais ne sait pas comment l’utiliser. Lorsqu’il atteint l’ancien Camp II, il y trouve deux crampons, mais les jette, ce qu’il regrettera plus tard. Pendant des jours, une tempête de neige le retient jusqu’à ce qu’il note : « Le plus sage cède ».

    Après cinq jours de marche et par mauvais temps, Wilson se trouve encore à deux milles du Camp III de Ruttledge, sous le col Nord. Il écrit dans son journal : « C’est la météorologie qui m’a vaincu – quelle maudite malchance », et il débute un repli épuisant de quatre jours sur le glacier. Il revient au monastère, épuisé…

    Vidéo : https://www.spiegel.de/video/virtueller-hoehenrausch-mount-everest-in-3d-video-1127237.html

    Au bout de neuf jours, de retour au monastère, il tient à peine debout et dort pendant 38 heures d’affilée. Il souffre également d’une foulure de la cheville, d’une photokéralite et de sa blessure de guerre au bras. Fort de cette expérience, Wilson demande à Rinzing et à Tewang de l’accompagner avec des fournitures jusqu’au Camp III, situé à 6 400 mètres d’altitude. Au-delà, il poursuivrait sa course, seul…

    Deuxième tentative

    Il repart le samedi 12 mai 1934, cette fois accompagné des deux sherpas. Connaissant le glacier, ces derniers progressent rapidement et, en trois jours, arrivent au Camp III, près de la base des pentes située sous le col Nord. Confinés au camp pendant plusieurs jours à cause du mauvais temps, Wilson envisage les voies possibles pour gravir les pentes glacées au-dessus, et fait un commentaire révélateur dans son journal :

    « Ne pas prendre un raccourci au Camp V comme prévu au début car je devrais avoir à couper ma propre route sur la glace et ce n’est pas bon quand il y a déjà une corde à main et des marches (si toujours là) au Camp IV. »

    L’allusion de Wilson à des marches taillées dans la glace l’année précédente pourraient encore être présentes est citée comme une preuve particulièrement probante de son ignorance de l’environnement de montagne et de son incapacité permanente à comprendre la tâche qui l’attendait. Lorsque, le lundi 21 mai, il effectue finalement une tentative avortée de monter au col nord, il est extrêmement déçu de ne trouver aucune trace de la corde, ni des marches.

    Troisième tentative

    Le lendemain, Wilson entreprend une nouvelle tentative pour atteindre le col. Après quatre jours de lente progression et de camping sur des rebords exposés, il est bloqué par mur de glace de 40 pieds (soit plus de 12 mètres) de haut à environ 22 700 pieds (6 919 mètres d’altitude) qui avait poussé Frank Smythe à sa limite en 1933.

    À son retour, le vendredi 25 mai, les sherpas l’implorent de retourner avec eux au monastère, mais il refuse. Il lui reste à grimper 2 500 mètres de dénivelé jusqu’au sommet… avec, pour seul bagage, des provisions pour sept jours ainsi qu’un petit Union Jack comportant les signatures de ses amis et qu’il veut déployer au sommet. Il prévoit cinq jours pour l’ascension et pense que la descente sera plus rapide grâce à l’ivresse du bonheur. Il note : « Ce sera la dernière tentative, et je sens qu’elle va réussir ! »

    Par la suite, la question de savoir s’il croyait encore qu’il pouvait gravir la montagne, ou s’il continuait simplement parce qu’il était maintenant résigné à son sort et préférait la mort à l’humiliation d’un retour infructueux en Grande-Bretagne, a été longuement débattue.

    Ultime tentative

    Il part une dernière fois le mardi 29 mai 1934, seul. Trop faible pour tenter le col ce jour-là, il bivouaque à sa base, à quelques centaines de mètres de l’endroit où les sherpas stationnent. Le lendemain, il reste couché. Ses dernières lignes sont datées du jeudi 31 mai et il écrit simplement : « Encore une fois, magnifique journée ! »

    Lorsque Wilson ne revient pas de cette ultime tentative, Tewand et Rinzing quittent la montagne et atteignent Kalimpong fin juillet, annonçant au monde la ‘disparition’ de Wilson.

    FOCUS SUR LE SHERPA TENZING NORGAY

    En 1935, Eric Shipton, qui avait fait partie de l’expédition infructueuse de Hugh Ruttledge en 1933, est de retour sur la montagne à la tête d’une expédition de reconnaissance pour sa propre tentative au sommet l’année suivante.

    Il recrute des sherpas à Darjeeling, un peu comme l’avait fait Maurice Wilson. L’un de ses choix se porte sur un homme appelé Namgyal Wangdi, volontaire pour devenir porteur pour la toute première fois.

    Plus tard, cet homme se fait appeler Tenzing Norgay ou ‘Sherpa Tenzing’ qui, bien sûr, trouve la gloire en accompagnant Edmund Hillary au sommet de l’Everest le vendredi 29 mai 1953. Ils deviennent les premiers conquérants du toit du monde…

    LA DÉCOUVERTE DU CORPS

    Ce n’est que le mardi 9 juillet 1935, lorsqu’Eric Shipton traverse le glacier du Rongbuk oriental avec son expédition, qu’il aperçoit au loin un faisceau vert et le prend d’abord pour une tente.

    En passe d’atteindre la zone située sous le col Nord, l’explorateur découvre le corps momifié de Maurice Wilson, couché sur le côté, au pied de la pente de glace : « En m’approchant du tas, j’ai eu peur quand j’ai vu que c’était le corps d’un homme, recroquevillé dans la neige ».

    À côté du cadavre se trouvent les restes de sa tente ainsi qu’un sac à dos contenant des affaires personnelles, y compris l’appareil photographique de Wilson, son journal intime ainsi que l’Union Jack qu’il souhaitait ardemment planter sur le sommet de la montagne.

    Une chose est sûre, Wilson a dépassé de 100 mètres le Camp III et il a atteint la limite des 7 000 mètres d’altitude, un record pour l’époque. On suppose qu’il est mort de faim ou d’épuisement. La dépouille est alors ensevelie dans une crevasse se trouvant à proximité et Shipton érige un cairn de pierres pour marquer l’emplacement de la tombe improvisée. Cependant, comme il fallait s’y attendre, la dépouille de Wilson refait surface pas moins de cinq fois, en 1959, 1975, 1985, 1989 et 1999…

    Par la suite, le journal de Wilson est offert à l’Alpine Club, mais son contenu y suscite de nombreux commentaires. Ainsi, dans l’Alpine Club Journal de 1965, Thomas Sidney Blakeney, bibliothécaire adjoint, écrit :

    « Il ne semble pas s’être vraiment intéressé à la montagne ou à l’alpinisme ; l’ascension de l’Everest ne représentait qu’une tâche à accomplir et à offrir au monde comme preuve de sa foi. Il n’y a aucune raison apparente pour laquelle il n’aurait pas dû choisir un autre test physique difficile, comme traverser la Manche par exemple. Un défi ne se justifie qu’à travers le succès, et la tentative de Wilson sur l’Everest demeure un défi. »

    OPPORTUNISME

    Ironiquement, deux jours seulement après que Maurice Wilson ait perdu la vie sur l’Everest et alors que son corps gelé gisait dans la neige sous le col Nord, le Flying Circus de Sir Alan Cobham, auquel Wilson avait acheté son avion ‘Gipsy Moth’, donne un spectacle aérien dans le pré de Clifton où Wilson s’était écrasé l’année précédente. Cette manifestation a lieu le week-end des 2 et 3 juin 1934. Le ‘Halifax Courier’ rapporte que le maire de Brighouse, le conseiller Arthur Reeve, élabore un plan un pour construire l’aéroport de West Riding à cet endroit.

    Dans son rapport, l’intéressé déclare :

    « J’ai discuté de la question avec M. Eskell, le directeur général de l’exposition aérienne, et nous sommes convaincus que Clifton constituerait un endroit idéal pour un aérodrome pour les grandes villes de la circonscription ouest. Je propose que Halifax, Huddersfield, Bradford, Dewsbury et Brighouse partagent les frais d’un sondage d’experts en vue d’établir un aérodrome dans cette vaste zone industrielle. Si le site était approuvé, et je suis convaincu que Clifton serait un endroit admirable, nous pourrions l’appeler ‘Heavy Woollen Aerodrome’. Il pourrait servir de centre pour toute la zone industrielle de West Riding. »

    Il ajoute qu’il va présenter sa suggestion au conseil municipal de Brighouse dès que possible :

    « Je suis convaincu que nous, les personnes âgées, ne prenons pas la mesure du nombre de vols que la jeune génération effectuera. Le commerce a toujours suivi le développement des voies navigables et des chemins de fer et je crois qu’il suivra les voies aériennes. Par exemple, les acheteurs continentaux pourront venir directement dans la circonscription de l’Ouest en quatre ou cinq heures par avion ».

    Bien sûr, cet aéroport ne voit jamais le jour.

    Le compte rendu sur la prestation du Flying Circus indique que le temps a été excellent, avec une bonne visibilité, que 50 000 personnes avaient assisté aux démonstrations et que 3 000 personnes avaient bénéficié d’un baptême de l’air.

    Le Flight-Lieutenant Geoffrey Tyson a effectué quelques cascades étonnantes pour les foules enthousiastes qui se sont répandues sur les champs adjacents partout à Clifton.

    « Mademoiselle Joan Meakin a montré son planeur qui a été remorqué à une grande hauteur par un avion tandis que l’un des exploits les plus sensationnels a été la descente en parachute par Monsieur Ivor Pace depuis l’aile d’un grand avion de ligne Handley Page ».

    MISE EN PERSPECTIVE

    On peut légitimement se poser des questions sur les entraves successives déployées par les autorités britanniques et les administrations locales pour empêcher Maurice Wilson d’atteindre les Indes et le Népal. S’agirait-il de mesures de type humanitaire cherchant à contrarier une entreprise vouée d’avance à l’échec et à sauver un pauvre fou de ses propres délires, ou cela cacherait-il autre chose ?

    N’oublions pas que nous sommes encore à l’heure des découvreurs et qu’il reste bon nombre de zones blanches sur les cartes du village-monde. L’Empire britannique entendant maintenant s’imposer dans les airs comme sur mer, c’est les lundi 3 et dimanche 9 avril 1933, c’est-à-dire un mois avant le décollage de Wilson depuis l’Angleterre, que la Houston Everest Expedition survole le troisième pôle, c’est-à-dire le plus haut sommet du monde, les membres d’équipage disposant, sur leurs Houston-Wallace, d’un cockpit et d’une cabine fermés et pressurisées, ainsi que d’appareils respiratoires permettant de survivre à des altitudes record. Des savoir-faire qui s’avéreront particulièrement utiles dans le cadre des bombardements opérés pendant la Seconde Guerre mondiale

    Lire l’article : https://pilote-de-montagne.com/3-et-9-avril-1933-premiers-survols-de-leverest-par-lexpedition-houston/ 

    L’objectif de cette expédition aérienne est essentiellement de prendre des clichés de l’Everest afin de permettre à des alpinistes, bien entendu britanniques, de trouver le chemin le plus facile vers le sommet de cette montagne symbolique et de le conquérir par la voie terrestre, pour la plus grande gloire de l’Empire. On peut donc légitimement imaginer que les alpinistes britanniques aient pesé de tout leur poids sur un gouvernement par ailleurs facile à convaincre de ne pas céder la primauté à un hurluberlu, fût-il un sujet de Sa Majesté lui-même…

    UNE CONTROVERSE AU SOMMET

    En 2003, un certain Thomas Noy suggère que Wilson aurait pu atteindre le sommet de l’Everest et qu’il serait décédé pendant la descente. Le principal indice à l’appui de cette thèse provient de l’interview du grimpeur tibétain Nawang Gombu Sherpa, qui aurait atteint le sommet avec l’expédition chinoise de 1960. Gombu se rappelle avoir trouvé les restes d’une vieille tente à 8 500 mètres d’altitude.

    Si c’était vrai, ce serait plus élevé que n’importe lequel des camps établis par les expéditions britanniques précédentes et Noy suppose que la tente aurait pu être plantée là par Wilson, ce qui voudrait dire qu’il aurait atteint un point beaucoup plus élevé que l’endroit où on a retrouvé son corps. Bien que séduisante, la nouvelle théorie de Noy ne trouve pas de soutien dans la communauté des alpinistes…

    En effet, les spécialistes se montrent très sceptiques quant au fait qu’un amateur inexpérimenté comme Wilson ait pu escalader la montagne sans aide, et Chris Bonington, un alpiniste renommé, déclare : « Je pense que vous pouvez dire avec une certitude absolue qu’il n’aurait eu aucune chance ».

    De leur côté, l’historien de l’escalade Jochen Hemmleb et le biographe de Wilson, Peter Meier-Hüsing, suggèrent tous deux que Gombu se serait trompé sur l’altitude de la tente et soulignent que son récit n’a pas été confirmé par d’autres membres de l’expédition de 1960. Il a également été suggéré que si la tente à 8 500 m existait bel et bien, il pouvait s’agir d’une relique de l’expédition soviétique de 1952.

    Cependant, la réalité de l’expédition soviétique elle-même est incertaine…

    Enfin, soyons logiques. Shipton a retrouvé dans les affaires de Wilson l’Union Jack destiné à prouver sa conquête du Toit du monde. Ce serait donc bien la preuve qu’il n’a pas atteint le sommet… Rajoutons que si Wilson disposait d’un appareil photo, il n’aurait pas résisté à faire un selfie au sommet…

    ÉPILOGUE

    Il est difficile d’évoquer le cas Wilson sans se montrer un brin sarcastique. En effet, la foi permet peut-être de déplacer les montagnes mais elle n’a jamais permis de les gravir sans entraînement. L’Everest en solitaire et sans expérience… en 1933… soyons sérieux…

    À bien y regarder pourtant, n’y a-t-il pas, dans cette tentative à la hussarde perdue au beau milieu des pic enneigés une authenticité, une audace et un courage tout à fait respectables ? L’affaire était certes un peu ambitieuse, mais il vaut avouer qu’elle ne manquait pas de panache. Il paraît même que Messner en a pris de la graine…

    Cependant, et comme nous l’avons laissé entendre, l’enjeu de la conquête de l’Everest par des alpinistes britanniques constituant un enjeu géopolitique majeur (question de prestige…), on peut comprendre que le gouvernement britannique ait tout fait pour empêcher Maurice Wilson de parvenir à ses fins. En lui confisquant son avion et en tablant sur le découragement de son pilote, les politiciens britanniques ont, sans le savoir et sans le vouloir, poussé notre héros à une sorte de suicide dans les atroces souffrances d’un désert glacé…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

     

    SOURCES

    • Maurice Wilson, Wikipedia

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Wilson 

    • Maurice Wilson, Wikiwand

    https://www.wikiwand.com/en/Maurice_Wilson 

    • Maurice Wilson / Solo mystique à l’Everest

    Thomas Vennin, 28 mai 2018

    https://alpinemag.fr/maurice-wilson-solo-mystique-a-leverest/ 

    • Maurice Wilson – Everest’s Most Peculiar Casualty

    https://www.ukclimbing.com/articles/features/maurice_wilson__everests_most_peculiar_casualty-10573#&gid=1&pid=1 

    • From Clifton to Mt. Everest

    https://myrastrick.com/clifton-to-mount-everest/ 

    • What drove Maurice Wilson to Everest?

    https://manchestermill.co.uk/p/what-drove-maurice-wilson 

    • Mit Doppeldecker zum Everest/Mount Möchtegern

    Von Danny Kringiel

    https://www.spiegel.de/geschichte/maurice-wilson-ahnungsloser-mount-everest-bergsteiger-a-1191992.html#OyEIa 

    • Maurice Wilson/His odyssey and final ascent on Mt. Everest

    http://www.navrangindia.in/2016/11/maurice-wilson-his-odyssey-and-final.html 

    • Perils on Mount Everest: expedition leader’s story – archive, 1935

    https://www.theguardian.com/world/2020/dec/03/perils-mount-everest-maurice-wilson-eric-shipton-1935 

    25 mai 1992 – Décès de Léon Elissalde, pionnier de l’aviation de montagne pyrénéenne

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    Dans le cadre des partenariats noués avec le Peyragudes Air Club (PAC) et l’Association des pilotes pyrénéens de montagne (APPM), nous nous intéressons à la figure du pionnier de l’aviation de montagne dans les Pyrénées, Léon Elissalde, fondateur de l’Aéroclub de Luchon, l’ACL (31/Haute-Garonne) et défricheur (entre autres) de l’altisurface de ‘Peyresourde’ (65/Hautes-Pyrénées), devenue en 1991 le mythique Altiport 007 de Peyresourde-Balestas, et d’un musée aéronautique portant son nom…

    UN HOMME DISCRET

    Malheureusement, de l’aviateur Leon Elissalde on ne sait officiellement pas grand-chose, sauf qu’il naît le jeudi 20 juillet 1916 à Lahonce (64/Pyrénées-Atlantiques) et décède le lundi 25 mai 1992 à Bagnères-de-Luchon (31/Haute-Garonne).

    LA RÉSISTANCE

    Des recherches plus approfondies permettent d’établir que Léon Elissalde joue un rôle éminent dans la libération du département de la Gironde. En effet, alors qu’il est mécanicien navigant pour les essais en vol chez Latécoère, il rejoint la Résistance de ce département et devient chef du bataillon des Forces françaises de l’intérieur (FFI) du Blayais le dimanche 1er octobre 1944, sous le surnom de Léon du Blayais’.

    L’AVIATEUR PYRÉNÉEN

    Capitaine de réserve de l’armée de l’Air et membre de la Royal Air Force (RAF), ce dernier point restant à détailler, Léon Elissalde fonde, en 1958, l’Aéroclub de Luchon (31/Haute-Garonne). Le lundi 15 décembre 1969, il inaugure une altisurface au lieu-dit ‘Peyresourde’, non loin du col du même nom. Le site se prête merveilleusement au développement de l’activité montagne, car il se situe en plein cœur des Pyrénées centrales.

    Léon Elisssalde entreprend ensuite la construction d’une structure prenant officiellement, en 1971, la dénomination ‘altiport’ (en référence aux installations créés au début et au milieu des années 1960 dans les Alpes françaises). Il est le seul altiport des Pyrénées, l’un des douze altiports français, avec :

    et l’Altiport Tengzing-Hillary de Lukla (LUA), au Népal, qui dessert principalement le camp de base du mont Everest.

    Prévu à l’origine pour la desserte aérienne de la station, il est utilisé dans un premier temps par l’aviation générale et sert essentiellement de plateforme principale pour l’entraînement des pilotes de montagne.

    Plus à l’Ouest, le Docteur Sauton, de l’Aéro-Club de Tarbes (aujourd’hui Aéroclub de Bigorre), suit une voie parallèle en créant des altisurfaces dans les vallées d’Aure, de Campan et d’Argelès.

    En janvier 1997, l’altiport accueille le tournage de la première scène du dix-huitième James Bond’, un opus intitulé Demain ne meurt jamais’, dans lequel l’acteur Pierce Brosnan tient la vedette. Pour l’occasion, l’aérodrome devient un important marché d’armes entre terroristes… La suite, tout le monde, ou presque, la connaît :

    Pour l’occasion, Peyragudes se transforme en base aérienne afghane. 250 techniciens, 50 comédiens et cascadeurs, 50 tonnes de matériel, 20 véhicules de guerre et deux Aero L-39 ‘Albatros’, des avions d’entraînement tchèques des années 1980, s’installent au pied des pistes. Pour la jeune station de Peyragudes, le coup de projecteur est monumental. Aujourd’hui encore, le passage du célèbre agent secret continue d’attirer de nombreux visiteurs dans la Vallée.

    Vidéo :   http://www.peyragudes-air-club.fr/videos/divers/altiport-007-souvenirs-de-tournage-peyresourde-balestas-drone-65.html

    UNE RENOMMÉE BIEN MÉRITÉE

    Le jeudi 13 juillet 2017, l’Altiport de Peyresourde-Balestas fraîchement rénové accueille la 12e étape du Tour de France PauPeyragudes, avec un final de folie remporté par le français Romain Bardet qui reste dans les mémoires.

    L’inauguration officielle de l’Altiport 007

    La rénovation de l’altiport, avec l’allongement de la piste d’atterrissage de 130 mètres et la construction d’un bâtiment pour l’aéroclub, offrent de nouvelles perspectives. Rebaptisé pour l’occasion Altiport 007 Peyresourde-Balestas’, il autorise désormais l’atterrissage d’avions bimoteurs pouvant accueillir jusqu’à huit passagers, à l’instar des altiports de Méribel, de Courchevel ou de Megève. Il permet également l’instauration de stages de pilotage, de qualification montagne ou des baptêmes de l’air.

    Afin de fêter cet événement, un ‘Fly’in’ est organisé le samedi 12 août à 10 h 30. Le passage de la Patrouille acrobatique de France (PAF) au-dessus de l’altiport a lieu à 10 h 45, suivi par l’inauguration officielle.

    Des animations sont organisées tout au long de la journée avec, notamment, une exposition au sol de différents types d’avions en provenance des aéroclubs voisins et des constructeurs régionaux, un simulateur de vol, une démonstration de voitures électriques pour les plus petits. Une buvette et un service restauration sont également ouverts.

    Les discours

    Le ruban d’inauguration est coupé par Béatrice Lagarde, préfète des Hautes-Pyrénées et Michel Pélieu, sénateur et président des Hautes-Pyrénées, conseiller départemental du canton Aure-Louron et de Maryse Beyrié, de Daniel Frossard, président du Syndicat départemental d’énergie (SDE), d’élus du secteur, de Jean-Pierre Charron, président de la Fédération française aéronautique (FFA).

    Dans son discours, Michel Pélieu rappelle comment, 20 ans auparavant, en 1997, le tournage du film Demain ne meurt jamais avait véritablement lancé la station grâce à l’apparition fracassante de son altiport à l’écran.

    Brillante et originale, l’intervention de Jean-Pierre Charron (voir document audio ci-dessous) est très applaudie :

    Audio : https://www.tarbes-infos.com/IMG/mp3/01inaug007.mp3 

    Daniel Frossard enchaîne :

    « C’est toujours une satisfaction que d’assister à une inauguration qui consacre, en général, l’aboutissement d’un projet. C’est en tout cas le sentiment que j’éprouve aujourd’hui en participant à l’inauguration du nouvel altiport de Peyragudes. Je remercie le président Pélieu de m’avoir associé à cet événement en ma qualité de nouveau Président du SDE. Ce nouvel hangar à avions a été construit cette année par le SIVAL (Syndicat Intercommunal de la Vallée du Louron) et sa toiture photovoltaïque, réalisée par le SDE (Syndicat Départemental de l’Énergie). Cet ouvrage symbolise la mobilisation des territoires des Hautes-Pyrénées pour la transition énergétique.

    Les travaux réalisés au cours de ce début d’année ont permis l’édification d’un bâtiment déjà emblématique qui a accueilli le Tour-de-France dès cette année.

    La toiture d’une superficie d’environ 230 m², orientée plein sud, accueille 132 panneaux photovoltaïques. La puissance nominale de l’installation est d’environ 35 kW. La production annuelle d’électricité assurée par cette nouvelle installation correspondra à l’équivalent d’un quart des besoins en électricité pour l’éclairage public d’une commune comme Arreau (44 kWh/an).

    C’est le premier équipement de production EnR engagé par le SDE depuis 2014, année de changement des statuts du syndicat prévoyant une extension de compétence qui s’inscrit à la fois dans une stratégie nationale de déclinaison de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, dans la stratégie régionale engagée fin 2016 par la Région qui vise à transformer l’Occitanie en Région à Énergie Positive et dans la stratégie départementale engagée par le Président Pélieu, avec le SDE, pour développer les EnR dans les Hautes-Pyrénées.

    D’autres unités de production sont à l’étude dans le domaine des EnR qui concernent, outre l’énergie solaire, les réseaux de chaleur bois-énergie et l’énergie hydroélectrique.

    Le projet inauguré aujourd’hui est certes modeste mais il constitue bel et bien un symbole fort de notre volonté d’œuvrer au développement des EnR. »

    C’est enfin à Béatrice Lagarde, Préfète des Hautes-Pyrénées, de conclure :

    « C’est un grand honneur pour la représentante de l’État que je suis de prendre la parole devant vous dans ce cadre magnifique, car inaugurer un altiport reste malgré tout, pour un préfet, du domaine de l’exceptionnel.

    La montagne… cet espace de contraintes et de dangers, ce merveilleux « horizon d’un quelque chose qui recule sans cesse »… Terrifiante pour certains, envoûtante pour d’autres, la montagne fut longtemps, et demeure toujours à bien des égards, un défi pour les hommes.

    Elle est aujourd’hui un défi d’une autre nature qui trouve indiscutablement toute sa place parmi les grands défis du XXIe siècle, un défi adressé à notre inventivité, à notre sens des responsabilités et à notre capacité à construire ensemble.

    Construire ensemble… deux mots indissociables en l’espèce des mots écoute, dialogue et partage.

    C’est bien dans cet esprit que s’est inscrite la récente loi Montagne du 28 décembre 2016, qui s’est efforcée de traiter de la modernisation, du développement et de la protection des territoires de montagne, au terme d’un processus initié début 2015 par la mission parlementaire « Acte II loi montagne ».

    C’est toujours dans cet esprit que s’est tenu à Tarbes, du 5 au 8 juillet dernier, le 1er Salon international sur l’économie de la montagne, qui a rassemblé tous les acteurs publics et privés contribuant au développement, à l’aménagement et à la protection de la montagne.

    Avec 285 délégations venant de 25 pays, parmi lesquels le Japon et la Chine, les objectifs ambitieux de « faire du massif pyrénéen une plateforme internationale d’échanges professionnels et de développement de nouveaux projets » ainsi que de « promouvoir les entreprises à identité pyrénéenne sur les marchés extérieurs » ont été pleinement atteints.

    Ce salon, qui a bénéficié d’un formidable relais médiatique dans le monde des professionnels de la montagne mais également auprès du grand public, a ainsi installé durablement le département des Hautes-Pyrénées comme acteur de premier plan.

    Ces quelques exemples illustrent avec force qu’ici, la montagne se décline à tous les échelons, qu’ils soient appréhendés au niveau international, national ou bien départemental.

    Aujourd’hui, c’est encore à un échelon plus fin du territoire que nous nous retrouvons avec plaisir, dans cette merveilleuse vallée du Louron, vitrine incomparable de la beauté de nos Pyrénées que vous avez su façonner avec talent et cœur M. le Président.

    Je ne reviendrais pas sur les propos qui viennent d’être tenus par les orateurs qui viennent de me précéder. J’y souscris sans réserve.

    Oui, cet altiport est bien plus qu’une simple infrastructure : c’est un visage nouveau, moderne dans la vallée, un outil unique qui contribuera au développement touristique que vous avez engagé depuis de nombreuses années.

    Car au-delà de l’activité pilotage en elle-même, véritable trait d’union avec la tradition aéronautique de notre département et son principal fleuron Daher-Socata, vous vous offrez -vous nous offrez la possibilité d’accueillir un nouveau type de clientèle nationale et internationale.

    Le Louron devient à présent une terre d’escale nouvelle, une porte d’entrée dynamique vers des prestations haut de gamme, dont la qualité reconnue rejaillira sur l’ensemble de l’offre proposée dans les Hautes-Pyrénées, ses grands sites classés, avec des conséquences économiques positives évidentes.

    Face à ce constat, l’État ne pouvait qu’être présent à vos côtés.

    C’est donc une enveloppe de 200 000 € sur la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) au titre de la programmation 2017, qui a été allouée pour accompagner ce projet remarquable.

    Merci infiniment à tous les acteurs qui ont permis sa réalisation. Quel que soit le niveau d’implication de chacun d’entre vous, il démontre encore une fois qu’ensemble nous sommes plus forts, qu’ensemble nous pouvons porter des projets ambitieux, bien plus loin que nos frontières habituelles.

    Bravo M. le président pour avoir imaginé et concrétisé ce pari fou du 13 juillet, avec une étape d’anthologie du Tour de France qui restera à jamais dans l’histoire de la plus grande course cycliste au monde.

    Car au-delà de l’exploit sportif en lui -même, votre initiative a fait découvrir en un instant Peyragudes, la vallée du Louron et les Hautes-Pyrénées au monde entier. Le coup est parfait, quand on sait que 2 000 journalistes et 190 pays couvraient cet événement en temps réel…

    Personne ne pouvait rêver plus grand, même pas James Bond qui s’était pourtant déplacé en personne ici même… c’est dire la hauteur de l’exploit accompli !

    Le plus bel hommage de cette réussite, de cette reconnaissance de tous, s’est ce matin matérialisé par le ruban tricolore laissé dans le ciel de nos Pyrénées par la Patrouille de France, symbole de l’excellence française dans le monde entier et fierté de notre Pays et de nos Armées, Armées à qui je souhaite adresser tout mon soutien en cette période difficile.

    M. le président, Mesdames et Messieurs, à l’heure de conclure, permettez-moi d’avoir une pensée émue pour notre regretté sénateur François Fortassin, dont l’engagement et l’amour indéfectible pour le Tour de France et ses chères montagnes étaient légendaires.

    Lui, l’ardent défenseur du pic du Midi de Bigorre, ce « Vaisseau des étoiles » à nul autre pareil, aurait, j’en suis convaincue, vécu cet instant comme un véritable passage de témoin.

    Car nul doute qu’il n’aurait pu s’empêcher de rajouter, avec la malice qui le caractérisait tant, que si une de ces étoiles s’en venait à être fatiguée, elle saurait désormais où pouvoir se poser… »

    L’APPM

    Pour réunir amicalement tous les pratiquants du vol en montagne pyrénéen, coordonner leurs efforts et faire progresser l’activité, Léon Elissalde crée, le dimanche 15 juin 1980, l’Association des pilotes pyrénéens de montagne (APPM).

    Loin d’avoir pour origine une scission d’avec l’Association française des pilotes de montagne (AFPM), l’APPM en représente plutôt la section pyrénéenne (avec toutefois un nombre d’adhérents supérieur).

    LE MUSÉE DE AÉRONAUTIQUE LÉON ELISSALDE

    Parallèlement à ses activités aériennes, Léon Elissalde entreprend la mise en valeur de sa collection privée de matériels aéronautiques historiques. Inauguré en 1991, un peu avant son décès, son musée (situé juste à côté de l’aéroclub) recueille des documents et des pièces d’avions, français et étrangers, accidentés dans les Pyrénées centrales au cours de la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu’un simulateur de vol.

    Ce musée municipal aborde l’histoire de l’aéronautique de 1934 à l’avènement du ‘Concorde’. Des passionnés sont à l’origine de la création de cet espace muséal unique en Comminges. On peut y découvrir les quatre moteurs Bristol ‘Hercules’ qui équipaient un Handley Page Halifax III tombé en juillet 1945, les vilebrequins, magnétos et moyeux d’hélice, des moteurs Rolls-Royce ‘Merlin’ montés sur un Handley Page Halifax II tombé au Pic du Douly le 13 juillet 1944, dans la Barousse, ou encore des moteurs BMW VI en ligne équipant l’avion allemand Dornier Do 17 , surnommé ‘le crayon volant’ (‘Fliegender Bleistift’).

    Une partie du musée est réservée à l’aéronautique d’après-guerre, comme un réacteur Rolls-Royce, une série de turbomoteurs montés sur hélicoptères ou encore des entraîneurs de vols. La collection est complétée par des maquettes d’avions, des parachutes et des tenues d’aviateurs. De quoi passer un bon moment en s’instruisant…

    Informations pratiques

    Adresse : Rue Albert Camus

    31110 Bagnères-de-Luchon

    Contact : musee-luchon@orange.fr

    Email / Site web : http://www.luchon.com/

    Téléphone : 05 61 79 29 87

    Horaires d’ouverture : d’avril à octobre, les mardi, jeudi et samedi, de 15h à 18h,

    sauf les jours fériés.

    Tarifs : Plein tarif : 2,50 €

    Enfants et groupes : 1,25 €

    Durée de la visite : 60 minutes

    ÉPILOGUE

    À la lecture de cette tentative de biographie, on ne peut que regretter de n’avoir pas avoir eu l’occasion de connaître un personnage à la fois aussi haut en couleur que discret au plan de la communication. Pour m’y connaître un peu, je décèle en lui un caractère de véritable chef, doué d’une autorité naturelle et n’éprouvant pas le besoin d’attirer toute la lumière sur sa propre personne. Il faut bien avoir toutes ces qualités pour réunir autour de soit des jeunes volontaires pour les mener au combat contre l’occupant, ou rassembler dans des associations des pilotes privés et, plus difficile encore, des pilotes de montagne…

    Soulignons également les qualités d’entrepreneur de l’homme qui a créé l’ACL, l’altisurface de Peyresourde et, plus tard, un altiport de renommée internationale, sans compter un musée privé qui gagnerait à être mieux connu. Il faudra bien, l’un de ces jours, consacrer un article particulier à cette institution locale…

    En attendant, l’article consacré à Léon Elissalde a aussi pour objet de mettre en relief le rôle majeur de l’APPM ainsi que des aérodromes et des aéroclubs régionaux dans la constitution d’une aviation pyrénéenne de montagne n’ayant rien à envier à sa consœur alpine…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

     

    SOURCES

    • Chroniques de souffrance et de lumière. L’Occupation et la Libération de la Haute-Gironde.

    Pierre Boyries, Éditions Burgus

    https://books.google.fr/books?id=mSOgEAAAQBAJ&pg=PT453&lpg=PT453&dq=L%C3%A9on+ELISSALDE&source=bl&ots=0XWQJZ_fbm&sig=ACfU3U3PDbNpglBddN3eSEWeN5K59i8sQQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiJsuKvmIP-AhXrTqQEHSNBAHQ4ZBDoAXoECBYQAw#v=onepage&q=L%C3%A9on%20ELISSALDE&f=false 

    • La Gironde sous l’occupation. La poche du Médoc

    https://www.ffi33.org/groupes/blayais/blayais.htm

    • Des cimes et des ailes

    Christian Exiga © 2020, Éditions ‘Books on Demand’

    https://books.google.fr/books?id=e2wLEAAAQBAJ&pg=PA291&lpg=PA291&dq=L%C3%A9on+ELISSALDE&source=bl&ots=yHHz9Nt68q&sig=ACfU3U3Fbswe2XbmrVc5ler44DaBb6xcrg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiJsuKvmIP-AhXrTqQEHSNBAHQ4ZBDoAXoECBkQAw#v=onepage&q=L%C3%A9on%20ELISSALDE&f=false

    • Musée de l’Aéronautique Leon Elissalde

    Familiscope/Notre temps

    https://www.familiscope.fr/sorties-famille/sorties-culturelles/musee-aeronautique-leon-elissalde-14387 

    • Musée de l’Aéronautique Leon Elissalde

    Un article de ‘La Dépêche du Midi’ en date du 19 juin 2012

    https://www.ladepeche.fr/tourisme/musees/musee-de-l-aeronautique-leon-elissalde.html 

    • Septembre 2020 : Serge au musée de Leon Elissalde à Bagnères De Luchon

    http://aero2000leverger.free.fr/Photos/Musee/Musee.htm 

    • Union aéronautique des Pyrénées

    https://aeronautisme.wordpress.com/tag/aeroclub/ 

    • Statuts de l’Association des pilotes pyrénéens de montagne (APPM), en date du 15 juin 1980

    chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/http://www.appm.fr/medias/files/appm-statuts.pdf

    • Reportage sur le tournage de ‘Demain ne meurt jamais’, Pyrénées, janvier 1997 (TF1)

    https://www.google.com/search?q=tournage+de+Demain+ne+meurt+jamais&rlz=1C1GCEA_enFR1022FR1022&source=lnms&tbm=vid&sa=X&ved=2ahUKEwjny6OxisX-AhXxVaQEHWLPAFoQ_AUoAnoECAIQBA&biw=1536&bih=746&dpr=1.25#fpstate=ive&vld=cid:8da93b9f,vid:jbxx2LPv_og 

    • Samedi 12 août 2017 inauguration de l’Altiport 007 à Peyragudes

    https://www.tarbes-infos.com/spip.php?article19798 

    • Samedi 12 août, brillante inauguration de l’altiport 007 de PeyresourdeBalestas

    https://www.tarbes-infos.com/spip.php?article19835 

    • L’altiport 007 de Peyresourde-Balestas inauguré

    https://www.ladepeche.fr/article/2017/08/23/2632017-l-altiport-007-de-peyresourde-balestas-inaugure.html 

    VIDÉOTHÈQUE

    • Peyragudes Air Club

    Une vidéo de Drone Airtech dans laquelle apparaît Léon Elissalde :

    7 mars 1911 – Eugène Renaux devient le premier pilote de montagne

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    Au début du XXe siècle, l’aviation naissante doit essentiellement son essor aux initiatives de riches sponsors, comme des marques de Champagne par exemple. En effet, la création de prix prestigieux, car dotés de sommes mirobolantes pour l’époque, encourage des pilotes téméraires à tenter l’aventure, leur permettant d’acquérir  une renommée attirant de nouveaux soutiens, financiers et/ou politiques. A contrario, les mécènes se font une publicité à bon compte, celle-ci renforçant la réputation des entreprises lançant des défis, semblant parfois irréalisables. Une recette qui fera ses preuves jusqu’à nos jours. Concourant pour le Prix Michelin d’aviation, le pilote français Eugène Renaux accomplit, le samedi 7 mars 1911, un exploit incroyable en se posant près du sommet du puy de Dôme, à 1 465 mètres d’altitude…

    MICHELIN ET L’AÉRONAUTIQUE

    Au début du XXe siècle, la firme Michelin et Cie est dirigée par les frères André (1853-1931) et Édouard Michelin (1859-1940). La principale activité de la société consiste à équiper les cycles et les automobiles de pneumatiques solides et résistants. Cependant, la passion d’André pour l’aviation remonte au 5 juillet 1896, après que Georges Besançon lui ait offert son baptême de l’air à bord du ballon sphérique ‘Le Touring-club’. En 1898, il rejoint l’Aéro-Club de France (AéCF) où, de simple membre titulaire, il devient rapidement membre du Comité de direction, puis président d’honneur de la Commission d’aviation (‘sous-commission d’expériences d’aviation’) en 1903. Pour lui, l’aviation est « une industrie pleine d’avenir, aussi bien au point de vue de la vie civile qu’au point de vue de la guerre ».

    Les frères Michelin entrevoient donc très tôt le potentiel industriel et publicitaire d’une activité qui relève encore, pour beaucoup, de l’aventure et de l’expérimentation. Bien plus, ils envisagent déjà son exploitation en situation de guerre, au contraire des militaires qui ne reconnaîtront que trop tard les possibilités offertes par la future « cinquième arme ».

    L’engagement des frères Michelin dans l’aéronautique se traduit tout d’abord par la création de plusieurs prix sportifs. Si les récompenses encourageant les aviateurs à repousser leurs limites et celles de leurs appareils témoignent du réel intérêt d’André et d’Édouard Michelin pour l’aviation, elles constituent également un support publicitaire de premier choix pour l’entreprise, soucieuse d’associer son image à celle du progrès technique et de l’innovation. C’est ainsi que naît, le vendredi 6 mars 1908, un Prix Michelin d’aviation doté de 100 000 francs (soit 44 770 465,14 euros de 2023).

    CONCEPT DU PRIX MICHELIN D’AVIATION

    Bien entendu, pour remporter cette somme, le pilote devra remplir un certain nombre de conditions, dûment vérifiées par une commission d’homologation parfaitement impartiale. Ainsi, le règlement stipule :

    « Ce prix sera attribué au pilote du premier appareil à deux places occupées qui établira, avant le 1er janvier 1918, le record suivant, régulièrement homologué : s’envoler d’un point quelconque des départements de la Seine ou de Seine-et-Oise, passer au-dessus du parc de l’Aéro-Club de France, voler jusqu’à Clermont-Ferrand, virer autour de la cathédrale en la laissant à droite et à une distance d’environ 1 300 mètres, puis venir se poser au sommet du puy-de-Dôme, dans la zone délimitée par la dernière branche du chemin de fer. Le parcours devra être effectué dans un délai moindre de six heures, temps chronométré du passage au-dessus de l’Aéro-Club de France à l’atterrissage au sommet du puy-de-Dôme. »

    Au vendredi 6 mars 1908, au moment de la création de prix, le record de durée de vol établi par Henry Farman n’est que de 1 min 28 s, ce qui explique l’accueil railleur de la presse à l’annonce de la création du prix Michelin d’aviation, L’Aurore titrant par exemple : « Paris-Clermont en avion, la bonne blague ! »

    Cumulant des contraintes de lieux, de distance (366 km) et de temps (moins de six heures de vol), le Prix Michelin d’aviation en rajoute une dernière, à savoir l’obligation d’atterrir sur un sommet perché à 1 465 mètres d’altitude… Or, en 1908, aucun pilote ne s’est encore aventuré en montagne et personne ne sait comment atterrir sur terrain accidenté.

    De suite, la difficulté de ce challenge suscite des controverses et on reproche aux frères Michelin d’avoir lancé un défi impossible à réaliser pour s’offrir une publicité gratuite. La cause est entendu, personne ne décrochera les 100 000 francs promis…

    DES TENTATIVES AVORTÉES

    C’est cependant sans compter sur la volonté de pilotes téméraires, prompts à relever un défi pour remporter une récompense permettant d’entreprendre de nouveaux projets.

    Première tentative

    Le mercredi 7 septembre 1910, Charles Terres Weymann et Manuel Fay effectuent la première tentative à bord d’un biplan Farman. Après avoir décollé de Buc, au sud de Versailles, à 11h 47, ils sont gênés par la brume à partir de Nevers et s’égarent.

    Lorsqu’ils retrouvent leur chemin près de Volvic (63/Puy-de-Dôme), à seulement 15 km du but, le délai de six heures fixé par le règlement est dépassé. Ils sont obligés d’atterrir dans le hameau d’Égaules.

    Malgré tout, cette expédition aérienne constitue à elle seule un exploit, présenté comme tel par la presse spécialisée et mentionné dans la presse quotidienne.

    La tentative des frères Morane

    Fin septembre 1910, Robert Morane se rend dans la région de Clermont-Ferrand pour reconnaître le « minuscule terrain d’atterrissage ».

    Le mercredi 5 octobre 1910, Robert et Léon Morane effectuent la deuxième tentative au départ d’Issy-les-Moulineaux, au sud de Paris. Après avoir longuement fait chauffer le moteur quatre cylindres et 100 CV de leur monoplan Blériot, ils décollent et passent à la verticale du parc de l’Aéro-club de France à 9 h 48 min 33 s, ce qui lance le chronométrage officiel.

    Malheureusement, l’avion s’écrase près de Boissy-Saint-Léger, blessant grièvement ses occupants. Léon a une jambe cassée et Robert souffre de contusions internes.

    Le lundi 6 février 1911, afin de contraindre les concurrents à atterrir en douceur, André Michelin rajoute aux conditions d’obtention du prix que l’aéronef ne doit pas être brisé à l’arrivée…

    LA TENTATIVE RÉUSSIE

    Un peu plus tard dans l’année, un jeune aviateur du nom d’Eugène Renaux relève le défi en compagnie de son mécanicien, Albert Senouque.

    Né à Paris (20e Arrondissement) le samedi 27 janvier 1877 et d’un tempérament sportif, Eugène Renaux s’illustre aux commandes de nombreux moyens de locomotion de son époque, qu’il s’agisse du bicycle, de la motocyclette, de l’automobile, de l’avion ou du ballon…

    Deux roues

    Dès 1886, il participe à des courses de bicycles.

    À partir de 1896, en collaboration avec son père, il s’adonne à la motocyclette, discipline dans laquelle il remporte la course Paris/Saint-Malo en 1899.

    Course automobile

    En août 1906, il remporte sur Mercedes la Coupe du Matin, une course automobile par étape de 6 000 km à travers la France.

    Le mardi 6 août 1907, il gagne sur Peugeot la Coupe de la Presse, épreuve de vitesse réservée au voiture de tourisme, sur le circuit de Lisieux (14/Calvados).

    Renaux et l’aviation

    Après la vente de son agence d’automobile en 1910, Eugène Renaux se retrouve rentier. En février 1910, il rencontre Maurice Farman, qui lui suggère de se lancer dans l’aviation, une activité encore balbutiante, mais pleine d’avenir. Après lui avoir offert un baptême de l’air, Maurice Farman lui vend un biplan Farman III muni d’un moteur Renault de 50/60 CV (8 cylindres ‘en V’ de 90 mm d’alésage et de 120 mm de coure…), qui sert à son apprentissage.

    En juillet 1910, après six vols d’un quart d’heure derrière Farman (soit une heure et demie en l’air…), Eugène Renaux est lâché et effectue seul, trois fois, le tour d’un pommier situé à cinq kilomètres de là, obtenant ainsi son brevet de pilote d’aéronef, le numéro 139. Salut l’artiste…

    Moins de 20 jours après l’obtention de son brevet de pilote, Eugène Renaux participe déjà au meeting de Caen. Du dimanche 14 au dimanche 21 août, il participe à celui de Nantes, avant d’aller à ceux de Dijon, Liège et La Rochelle cette même année.

    Participation au challenge Michelin d’aviation

    Au début de l’année 1911, Eugène Renaux et Maurice Farman décident de concourir pour le Prix Michelin d’aviation. Aidé de Farman, Eugène Renaux se prépare pour un vol biplace avec Albert Ulysse Senouque, son mécanicien, comme passager.

    Préparation du vol

    À partir du moment où Eugène Renaux s’engage sur cette épreuve, il se rend tous les matins avec Albert Senouque, Maurice Farman, le chronométreur officiel et le commissaire au Palais de l’automobile, un garage de Paris appartenant à Farman, pour faire le point sur la météo sur le parcours.

    Au matin du cinquième jour, le mardi 7 mars 1911, la météo est favorable et plus rien ne s’oppose plus au départ. Le règlement imposant de démarrer le chronomètre en vol à la verticale du parc de l’Aéro-Club de France, près de Saint-Cloud, Renaux se rend ensuite à l’aérodrome Maurice Farman, à Buc, où son aéronef, un biplan Farman muni d’un moteur Renault, l’attend.

    C’est parti…

    À 9 h 12, Renaux et Senouque, survolent le parc : le chronomètre est déclenché. Pour remporter le Prix, ils devront se poser au sommet du Puy de Dôme avant 15 h 12.

    À 10 h 18, ils passent au-dessus de Montargis (45/Loiret).

    À 11 h 53, Renaux et Senouque se posent sur l’aérodrome du Peuplier seul, près de Nevers (58/Nièvre), créé en 1910 par Jean Daillens, un autre pionnier de l’aviation (et qui deviendra l’aérodrome de Cheutinville en 1913) pour ravitailler, ravitaillement indispensable étant donné les contraintes imposées par le parcours. Sur place Renaux est attendu par son mécanicien Georges Brou (qui, pendant la Première Guerre mondiale, sera le mécanicien de Georges Guynemer) et par une foule nombreuse et enthousiaste. Malheureusement, le temps est compté, après 14 minutes et un ravitaillement en huile (chaude) et en essence (filtrée), le biplan reprend les airs en direction de Moulins (Allier) à 12 h 07…

    À 13 h 20, le binôme survole Moulins où la foule s’est amassée sur les quais de l’Allier pour les voir passer.

    Puis, à partir de Gannat, l’appareil prend de l’altitude, Clermont-Ferrand s’offre enfin aux yeux des aviateurs vers 14 h 10, la cathédrale est contournée comme il se doit, alors que dans l’air résonnent les sirènes des usines Michelin. Le sommet du puy de Dôme est là, à une portée d’aile…

    Reste à entamer la manœuvre la plus délicate, c’est-à-dire se poser sur un emplacement (marqué par un mât surmonté d’un drapeau rouge prolongé au sol d’une bande de même couleur), que Renaux qualifie lui-même de « périmètre restreint, biscornu, entouré d’obstacles, mesurant dans ses plus grandes dimensions 65 pas sur 35… » (soit environ 50 mètres sur 27…). La technique d’atterrissage retenue par le pilote (et relatée ici) est « simple » : descendre en spirale autour du puy de Dôme pour arriver bien en dessous du niveau du terrain, virer brusquement pour être face à la paroi, cabrer brutalement l’appareil en mettant tous les gaz pour se mettre en perte de vitesse absolue juste au-dessus du point repéré sur le terrain et se poser (simple appréciation des relations entre la vitesse, la distance et l’altitude !).

    Opération réussie. Il est alors 14 heures 23 et l’avion s’arrête à cheval sur la bande rouge. Le terrain est si exigu qu’il ne peut même pas être roulé et il faut carrément le porter pour le mettre à l’abri du vent. Les 366 kilomètres ont été parcourus en 4 heures 56 de vol effectif, pour une durée totale de 5 heures 10 minutes 46 secondes. Le Grand Prix d’aviation Michelin est enfin remporté.

    Toutes les exigences étant remplies, ils remportent le Prix Michelin d’aviation et les 100 000 francs promis aux vainqueurs. De quoi voir venir… Pour la petite histoire, André Michelin libelle le chèque à l’odre d’Eugène Renaux et le date au vendredi 7 avril et le remet officiellement au pilote, à Paris, dans les locaux de la Sorbonne le mardi 11 avril 1911…

    HOMMAGES

    Le lendemain de l’exploit, le journal ‘l’Auto’ s’exclame :

    « Il est venu là sans une hésitation, sans une embardée,il est descendu du ciel comme la colombre évangélique  ! »

    Le même jours, lors du banquet organisé par la municipalité de Clermont-Ferrand en l’honneur des aviateurs et des donateurs du Prix, Eugène Renaux déclare, en guise de remerciements :

    « (…) Je commence par mon ami Senouque, mon bon et courageux collègue qui a bien voulu m’accompagner. Je dois ajouter que j’ai trouvé auprès de Monsieur Mathias, directeur de l’Observatoire et auprès de ses collaborateurs, un concours précieux. J’ai pu, grâce à eux, être tenu au courant de la température et de l’état atmosphérique, ils ont été pour moi, tout à fait aimables et charmants. Enfin, je remercie beaucoup Monsieur Michelin et sa belle initiative lorsqu’il a créé le prix de 100 000 francs. J’avais bien compris son idée d’encourager la construction d’un appareil qui pourrait se poser au sommet du Puy de Dôme, c’est-à-dire dans des conditions excessivement difficiles, sans secousses, sans heurts, sans « casser du bois » comme nous disons. Cette initiative a amené la création de l’appareil répondant à ce but. Cet appareil a été réalisé par Maurice Farman, mais c’est Monsieur Michelin qui a posé le problème car c’était là qu’était la vérité (…)»

    En 1923, un buste du pilote, œuvre du sculpteur auvergnat Raoul Mabru, est érigé sur le site, tandis ne plaque scellée au sol mentionnant « ici a atterrit Renaux » est apposée à l’endroit précis de l’atterrissage.

    Le dimanche 8 juillet, le Président de la République, Alexandre Millerand, se rend sur les lieux pour inaugurer le monument en présence des deux héros.

    La plaque a depuis été remplacée et se trouve regroupée avec le buste.

    Il faut attendre le dimanche 27 novembre 1932, pour voir une nouvelle fois un aéronef se poser au sommet du puy de Dôme. Parti de l’aérodrome d’Aulnat (63/ Puy-de-Dôme) à 10 heures 45 sur un Caudron C.270 Luciole à moteur Salmson 95 CV équipé d’un train d’atterrissage et de freins Messier d’un nouveau type, Henri Valot se pose au sommet du Puy de Dôme à 11h 15, malgré une approche rendue difficile par de violents remous et un vent d’ouest assez fort.

    UNE VIE DISCRÈTE

    Après son succès au puy de Dôme, Eugène Renaux mène une vie relativement discrète. Les seuls éléments que nous avons pu réunir jusqu’à présent sont les suivants.

    En 1913, l’aviateur crée le premier des hydroaéroplanes Maurice Farman, équipés de flotteurs, ainsi qu’un avion à fuselage surélevé pour avoir de plus grandes hélices et pouvant être modifié en hydravion.

    Sur certaines archives photos, on voit l’aviateur, aux commandes d’un hydravion, en compagnie du prince Albert Ier de Monaco, puis l’un de ces appareils survolant le port de la principauté.

    Dès le début de la Première Guerre mondiale, Eugène Renaux est affecté aux usines Farman, totalise 3 500 vols pour les essais et livraisons. En 1916, le dynamique Charles Waseige, directeur technique des moteurs Farman, prend la décision de réunir quelques amis à un « déjeuner du Vendredi ».

    Le premier adhérent est Louis Bechereau, Directeur de la Société Deperdussin (qui deviendra la Société de production des aéroplanes Deperdussin (SPAD), constructeur d’avions de chasse que le héros légendaire, Georges Guynemer, rendra célèbre, baptisant son avion « Vieux-Charles ».

    Un troisième membre, pilote-précurseur, Eugène Renaux, se joint à cette première formation, qui deviendra le ‘Tomato Juice’ en 1933. Les trois personnalités représentent bien les trois branches de l’Aéronautique : les moteurs, les cellules et le pilotage.

    Le lundi 22 juillet 1929, il épouse en seconde noce le la cantatrice (contralto) française Catherine Julie ‘Ketty’ Lapeyrette (mercredi 23 juillet 1884 – dimanche 2 octobre 1960), qui restera à l’Opéra de Paris pendant 30 ans, se produisant rarement hors de France. À partir de 1944, elle enseignera au Conservatoire de Paris.

    Officier de la Légion d’honneur et titulaire de la grande médaille d’or de l’Aéro-Club de France, Eugène Renaux s’éteint le vendredi 25 novembre 1955 et repose, depuis, au cimetière du Père-Lachaise (Paris), Division 62.

    COMMÉMORATIONS

    L’exploit d’Eugène Renaux est un événement propice aux commémorations. Malheureusement, rares sont les documents disponibles

    Le ‘quarantième’ anniversaire

    Nos recherches nous ont permis de dénicher une vidéo intitulée ‘Commémoration du 40ème anniversaire de l’atterrissage d’Eugène Renaux’, le commentaire de ce document datant la prise de vue de ‘mars 1951’ :

    Or, apparaît à l’écran une Alouette II (?) arrivant sur site pour y débarquer des officiels, ce qui pose question. En effet, le premier vol de l’hélicoptère SNCASE SE.3120 ‘Alouette’ n’a lieu que le mardi 31 juillet 1951, tandis que le SE.3130-01 immatriculé F-WHHE n’effectue son premier vol sur le terrain du Buc que le samedi 12 mars 1955.

    Il y a donc là un mystère, que nos lecteurs pourront peut-être aider à élucider…

    Commémoration du Centenaire

    En 2011, la société Michelin, en partenariat avec le Conseil général du Puy-de-Dôme, décide de célébrer le centenaire de l’exploit à travers une exposition gratuite organisé du mardi 22 février au dimanche 20 mars 2011, à Clermont-Ferrand, dans le hall d’accueil de l’Aventure Michelin, au 32 rue du Clos-Four (quartier de Montferrand), près du Parc des Sports Marcel Michelin.

    Des documents d’époque ainsi qu’une réplique de Breguet 14 (construit sous licence par Michelin lors de la Première Guerre mondiale) y sont exposés.

    ÉPILOGUE

    Au bilan, un jeune pilote de 27 ans s’engage dans une compétition aérienne pour remporter un prix de 100 000 francs puis, après avoir accompli un exploit exceptionnel, retombe dans un certain anonymat, et enfin dans un incroyable oubli, jusqu’à ne plus survivre que par l’évocation du souvenir de son mariage avec une cantatrice bien plus renommée que lui…

    Au fil des ans, le monde de l’Aéronautique a pris pour habitude de dater le début de l’Aviation de montagne au samedi 23 septembre 1910, date à laquelle le Péruvien Jorge Chávez Dartnell passe col du Simplon (qui, entre les Alpes valaisannes à l’ouest et les Alpes lépontines à l’est, connecte le canton suisse du Valais à la province italienne du Verbano-Cusio-Ossola.), à 2 006 mètres d’altitude, avant de s’écraser sur le terrain d’aviation de Domodossola, en Italie. Cependant, ce choix nous semble assez contestable, ce pionnier n’ambitionnant guère de se poser en montagne, mais plutôt de s’affranchir des reliefs accidentés pour relier les grandes métropoles entre elles en réduisant, drastiquement, les durées de trajet.

    A contrario, le pilote français atterrit tout près du sommet du puy de Dôme, à 1 465 mètres d’altitude, sur un terrain en herbe particulièrement exigu, car c’est là que les juges ont marqué l’emplacement signalant la réussite du challenge. Malgré les difficultés de l’exercice, il se pose sans encombre et sans avoir conscience qu’il devient alors, en réalité, le véritable premier aviateur de montagne de l’Histoire. Une incohérence que notre site Internet s’emploiera, désormais, à corriger autant que possible…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

    SOURCES

    • Eugène Renaux

              Wikipédia

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Renaux

    • Prix Michelin d’aviation

              Wikipédia

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Michelin_d%27aviation#:~:text=Ce%20prix%20a%20%C3%A9t%C3%A9%20propos%C3%A9,5%20h%2010%20de%20vol.

    • Eugène Renaux se pose au sommet du Puy de Dôme le 7 mars 1911

    http://riviereesperance.canalblog.com/archives/2011/01/11/19453764.html

    • Eugène Renaux – atterrissage au Puy de Dôme

    https://www.aerosteles.net/stelefr-renaux

    • Les 100 ans d’un exploit

    https://www.leprogres.fr/societe/2011/03/08/les-100-ans-d-un-exploit

    • Michelin célèbre le centenaire de l’exploit de Renaux

    https://www.lecharpeblanche.fr/2011/02/23/michelin-celebre-le-centenaire-de-lexploit-de-renaux/

    • Michelin célèbre le centenaire de l’exploit de Renaux

    https://www.lecharpeblanche.fr/2011/02/23/michelin-celebre-le-centenaire-de-lexploit-de-renaux/

    1928-1929 / La première évacuation aérienne de l’Histoire se déroule à Kaboul (Afghanistan)

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    L’évacuation de personnes civiles directement menacées par des combats entre parties rivales (à pied ou par bateau…) est une préoccupation constante à travers les âges. Cependant, avec l’intensification de la puissance de feu au cours des conflits mondiaux du siècle dernier, cette capacité devient cruciale, voire même primordiale pour l’ensemble des belligérants. Si l’évacuation de ressortissants par voie aérienne devient monnaie courante à partir des années 1960, il ne faut pas oublier que la Royal Air Force (RAF) innove littéralement en établissant un pont aérien entre Kaboul, en Afghanistan, et l’Inde britannique entre la fin décembre 1928 et la fin du mois de février de l’année suivante. Histoire d’une opération militaire spéciale largement oubliée en France et ailleurs…

    RÉSUMÉ

    En 1928, tandis que le chef de tribu Habibullah Kalakâni, défavorable au roi d’Afghanistan Amanullah Khan, attaque la capitale, Kaboul, les Britanniques craignent que leur légation soit encerclée et prise en otage.

    Le pont aérien vers Kaboul est une opération d’évacuation de la capitale afghane, de diplomates britanniques et européens, de leurs familles et de leur personnel militaire et civil, conduite par des éléments de la RAF entre le dimanche 23 décembre 1928 et le lundi 25 février 1929. Il s’agit de la première évacuation aérienne d’envergure de l’Histoire. 586 personnes de onze nationalités différentes sont prises en charge et transportées vers l’Inde par voie aérienne[1].

    Commandée par Sir Geoffrey Hanson Salmond[9], l’opération est dirigée par le Group captain Reginald Parcy Mills[9]. Pour mémoire, c’est l’Air Vice-Marshal Robert Brooke-Popham, commandant des forces aériennes britanniques en Irak, qui avait farouchement défendu l’acquisition de l’avion de transport Vickers Victoria[9].

    Pour cette opération d’envergure, Salmond parvient à mobiliser les appareils suivants :

    –   sept Vickers ‘Victoria’ ;

    –   un Handley Page (HP) Hinaidi ;

    –   24 Airco DH.9A ;

    –   deux Westland Wapitis[2].

    Cette évacuation est à la fois audacieuse et périlleuse, car il s’agit de survoler et de traverser l’Hindou Kouch, un massif montagneux culminant à 10 000 pieds (3 048 mètres) d’altitude, et ce dans des conditions hivernales et une température de – 17° Celsius.

    LES RAISONS DU SOULÈVEMENT

    Après l’assassinat d’Habibullah Khan, son fils Amanullah Khan prend le pouvoir en février 1919. Quelques mois plus tard, ce dernier déclenche la troisième guerre anglo-afghane, un bref conflit permettant de rendre à l’Afghanistan sa complète indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni (traité de Rawalpindi). Embrassant le programme de Mahmoud Beg Tarzi (à la fois son beau-père et son ministre des Affaires étrangères), le nouvel émir ouvre son pays au monde et le dote de sa première constitution en 1923.

    Le vaste programme de réformes d’Amanullah Khan (amélioration de la condition des femmes par l’abolition de la polygamie et du ‘purdah’, lutte contre la corruption, création de passeports et de cartes d’identité, encouragement à l’investissement privé…) suscite de nombreux mécontentements en Afghanistan. En 1924, la rébellion des Mangals est réprimée dans le sang.

    Amanullah Khan adopte le titre royal de ‘Shâh’ en 1926.

    De retour d’une tournée-marathon en Europe en compagnie de sa jeune épouse, Soraya Tarzi, il tente d’introduire une nouvelle série de changements politiques, destinés à introduire le mode de vie « à l’occidentale » dans le pays[5]. Optant pour des solutions radicales plutôt que pour la mise en œuvre de réformes à doses homéopathiques, il institue un parlement élu par tous les Afghans alphabétisés et, malgré une opposition farouche des factions conservatrices, prononce plusieurs discours devant les représentants du peuple en septembre et en octobre de la même année. Le pays connaît alors de nombreux soulèvements menés par les mollahs, le roi étant dénoncé comme un ‘kâfir’ (c’est-à-dire un mécréant)[6].

    Vidéo :

    https://www.britishpathe.com/asset/100604/

    L’ATTITUDE DES BRITANNIQUES

    Craignant une guerre civile généralisée, le ministre britannique à Kaboul (Sir Francis Humphrys, un ancien pilote de la RAF) se convainc que les lignes de communication de la légation britannique ne sont plus sûres[6]. Or, ce n’est pas la première fois que les Britanniques se voient contraints d’évacuer la capitale afghane. En effet, en janvier 1842, 4 500 soldats et 12 000 auxiliaires, membres de leurs familles et domestiques, sous la direction du général William George Keith Elphinstone, veulent franchir la passe de Khyber en passant par Jalalabad pour échapper aux tribus hostiles. Tous les évacués sont tués ou faits prisonniers entre le jeudi 6 et le jeudi 13 janvier lors de la bataille de Gandamak. Le seul survivant est le docteur William Brydon. Il est donc inenvisageable de renouveler cette tragique expérience…

    Le lundi 3 décembre, Humphrys adresse un message au Commandant de la RAF en Inde, Geoffrey Hanson Salmond, lui demandant de maintenir la liaison postale aérienne vers Kaboul, tout en se tenant prêt à intervenir avec de nombreux avions en cas de nécessité[6]. Salmond acquiesse mais souligne le manque d’appareils capables de transporter des passagers en grand nombre. En effet, il ne dispose que de 24 biplaces Airco DH.9A hors d’âge et de deux Westland Wapitis[6]. Le seul avion approprié que Salmond pourrait préempter, un Handley Page (HD) Hinaidi, est malheureusement stationné à Bagdad et temporairement affecté au transport de Sir Denys de Saumarez Bray, l’Indian Foreign Secretary (Secrétaire indien aux Affaires étrangères)[6]. C’est pourquoi il réquisitionne le le seul Vickers Victoria détaché par la RAF en Irak, qui rallie l’Inde[6][7] le 17 décembre.

    LA GUERRE CIVILE AFGHANE (1928-1928)

    La première insurrection contre Amanullah est menée par la tribu pachtoune des Shinwari, outrée par la promulgation de différentes lois, dont celle imposant les vêtements à l’occidentale, celle imposant un quota de filles à envoyer pour éducation à Kaboul, ainsi que l’introduction de taxes (l’impôt n’existant pas jusque-là)[8]. Les Shinwari attaquent Jalalabad, coupant par la même occasion la route de Peshawar[8]. Amanullah riposte en engageant sa force aérienne naissante, qui comprend des pilotes pilotes soviétiques, et bombarde les insurgés. L’engagement des « infidèles » étrangers pour soumettre des musulmans pousse d’autres tribus à la révolte et le pays bascule dans la guerre civile[6].

    IMPACT SUR LA LÉGATION BRITANNIQUE

    Les éléments dispersés de la rébellion se regroupent autour du charismatique Habibullah Kalakâni, aussi appelé Bacha-e-Saqâo (le « fils du porteur d’eau »), une sorte de Robin des Bois descendant du nord avec quelque 3 000 guerriers[6]. Ces derniers viennent rapidement à bout de l’armée royale et s’approchent dangereusement de Kaboul. Le vendredi 14 décembre, les insurgés capturent deux anciens forts turcs plantés de part et d’autre de l’enceinte de la légation britannique[6]. De là, il poursuivent vers le Koh-e Asamai, une colline de 2 126 m d’altitude (prise par les Anglais en décembre 1879, lors de la seconde guerre anglo-afghane) située à l’ouest de la légation britannique. Bientôt, la « ligne de front » s’y installe. Alors que les tirs à l’aveugle causent d’importants dommages aux bâtiments et que les femmes et les enfants s’accroupissent sous la table de billard, Sir Francis Humphrys se tient courageusement aux portes de la légation, prêt à affronter Bacha-e-Saqâo directement.

    Le dimanche 16 décembre, après avoir envoyé un dernier message demandant l’évacuation des femmes et des enfants, la légation perd les communications sans fil avec l’Inde britannique[6].

    LE TRANSPORT AÉRIEN MILITAIRE BRITANNIQUE

    Les circonstances exigeant de tels transports aériens nécessitent souvent une intervention militaire. En 1928, c’est naturellement à la RAF qu’il incombe de remplir cette mission innovante.

    Les Forces armées britanniques sortent de la Grande Guerre de 1914-1918 avec une organisation très différente de celle avec laquelle elles y étaient entrées. Une innovation marquante est la création, en 1918, d’un nouveau service, la Royal Air Force (RAF). Après un conflit extrêmement meurtrier et ruineux au plan financier, on note tout naturellement une tendance au désarmement, ce qui conduit la British Army et la Royal Nayy à se concurrencer pour l’obtention de ressources budgétaires en très forte diminution, une situation que l’apparition d’un troisième larron n’arrange guère. Heureusement pour la RAF, la signature des différents traités de paix débouche sur une extension du Commonwealth au détriment des empires allemand et ottoman, ce qui, au-delà d’une forte expansion territoriale, induit une élongation supplémentaire des lignes de communication et de transport logistique.

    Pour jouer dans la cour des grands, la RAF n’a d’autre solution que de s’inventer de nouvelles missions (comme l’Air Policing [Police du ciel] aux confins de l’Empire) et de miser sur le développement d’un transport aérien longue distance garant de compression des durées de trajet.

    En 1921, le Vickers Vernon est le premier avion de transport lourd de la RAF. Il reprend les ailes du bombardier Vickers Vimy, montées sur un nouveau fuselage, mais son rayon d’action de 270 milles marins (soit 435 kilomètres) et sa vitesse de croisière de 65 nœuds (soit 120 km/h) sont dérisoires. Cependant, son cockpit ouvert le limite aux vols par beau temps et les missions longue distance (comme le vol postal de Bagdad au Caire par exemple) exigent que les équipages suivent des routes émaillée de fréquents arrêts pour avitaillement. La RAF pressentant des applications militaires au Moyen-Orient et commande 55 Vernon, dont la cabine peut accueillir onze sièges en toile montés sur les côtés intérieurs du fuselage.

    Rapidement, le Vernon se rend indispensable auprès des deux autres services. Ainsi, en 1923, le Vernon du Squadron 70 de l’Iraq RAF Command transporte des troupes sikhes (les chiffres varient de 280 à 500 PAX) de Kingarban à Kirkouk, contribuant à mater un soulèvement kurde. Il s’agit-là du premier pont aérien militaire opérationnel. L’expérience acquise par cette unité au Moyen-Orient au cours des années 1920 servira bientôt un peu plus à l’Est…

    Le premier vol du Victoria’ a lieu en 1922, seulement un an après celui du Vernon, mais le nouvel appareil accueille 22 passagers sur des sièges en toile disposés sur les côtés d’un fuselage bien plus vaste, les pilotes opérant malheureusement toujours dans un cockpit ouvert, à l’ancienne.

    Ce cockpit donnant directement dans la carlingue, les passagers sont bien ventilés… et bien frigorifiés…

    Le Victoria est également équipé d’une nouvelle voilure, d’une structure métallique et de moteurs Napier Lion plus puissants, offrant une vitesse accrue (96 nœuds, soit 178 km/h) et un plus grand rayon d’action (670 milles, soit 1 078 km). Le Squadron 70 de Bagdad commence à s’équiper de Victoria en 1926 et dispose bientôt d’un parc hétéroclite d’avions en bois et en métal. Les bombes peuvent être transportées sous les ailes, mais le Victoria s’illustre surtout dans le transport aérien grâce à une carlingue capable de transporter indifféremment des marchandises, du courrier ou du personnel. Des moteurs de rechange peuvent même être montés sur l’aile. En tant que plus grand transport militaire de son époque, il s’agit de l’avion parfait pour évacuer Kaboul.

    LES TRIBULATIONS D’UN FRANÇAIS À SHERPUR

    Pour se rendre compte de l’état du terrain d’aviation de Sherpur, on peut se référer au témoignage du Français René François Drouillet, un aviateur militaire français venant de terminer son contrat (et futur pilote de l’Aéropostale), pressé de louer ses services.

    Fin 1928, soucieux de contrer les tribus rebelles, Amanullah crée une aviation militaire et envoie des officiers en Russie, en Grande-Bretagne, en Italie et en France pour étudier les différentes organisations en vigueur. Le Potez 25 (qui, au passage, est l’avion de Jean Mermoz et d’Henri Guillaumet…), dont un exemplaire, offert par le gouvernement français, lui a été livré par air par le capitaine René Weiser au mois d’août. Les événements s’aggravent et la rébellion assiège Kaboul à la mi-décembre tandis que les Britanniques évacuent leurs ressortissants par avion. Les combats semblant se calmer et Kaboul étant dégagée, l’ambassade d’Afghanistan en France qui, à la recherche d’avions de combat, a acheté un Potez 25 aux Domaines, propose à Drouillet d’en assurer le convoyage aérien.

    Pour cette mission, Drouillet embauche un mécanicien qui, mi-britannique, mi-afghan, parle anglais et pachto. Il survole l’Italie, suit la côte adriatique avant de mettre le cap sur Salonique, en Grèce. Alors qu’il survole la mer, une bielle coulée le contraint à atterrir d’urgence. Il trouve de justesse un îlot en cherchant à atteindre Corfou et, après deux jours de réparation sur place, repart vers Kaboul.

    Cependant, en Asie, le Français n’arrive pas à rassembler d’informations actualisées sur la situation en Afghanistan. Il se pose donc près de Kaboul au crépuscule, sur un terrain « dont l’aménagement rappelle vaguement un aérodrome », mais ne sait pas qui est au pouvoir et pense s’être trompé de terrain. D’après un rapport datant d’août 1928, l’aérodrome de Kaboul, sous influence russe et allemande, est bien équipé et comporte 10 hangars pour quatre avions, ainsi qu’un bon atelier de réparation.

    Prenant les hommes en armes et sans uniformes qui l’accueillent pour des volontaires de l’armée royale, il se recommande du roi Ammanullah… Mal lui en prend, car il vient d’atterrir en plein milieu des guerriers rebelles qui, immédiatement, incendient le Potez. Tandis que son mécanicien prévient l’ambassade, Drouillet devient l’hôte forcé et inquiet des rebelles pendant une dizaine de jours, au terme desquels il est libéré grâce aux interventions de l’ambassade de France.

    LES SOURCES

    Publié dès 1929, le récit de Sir Geoffrey Salmond[2] mentionne que l’opération s’est déroulée en quatre étapes successives[2] :

    –   Phase 1, du mardi 18 au samedi 22 décembre 1928, rétablissement des communications[2].

    –   Phase 2 : du dimanche 23 décembre 1928 au lundi 1er janvier 1929, évacuation des femmes et des enfants des légations britanniques et étrangères[2].

    –   Phase 3,entre le mercredi 2 et le samedi 19 janvier 1929 : évacuation de la famille royale.

    –   Phase 4, entre le dimanche 20 janvier et le vendredi 25 février 1929 : évacuation des autres ressortissants étrangers et retrait des légations britannique, allemande, française et italienne[2].

    En 1975, la fille de Sir Geoffrey Salmond, Anne Baker, publie le récit de l’évacuation de Kaboul par les airs dans l’ouvrage intitulé The First Airlift[10].

    PRÉLIMINAIRES

    Le premier ‘Victoria’ quitte Bagdad le samedi 15 pour atterrir à Karachi le lundi 17 décembre. Piloté par le Squadron Leader Reginald Stuart Maxwell, l’appareil rallie ensuite Quetta, où il doit subir son premier test. En effet, l’essentiel de l’expérience opérationnelle du Squadron 70 consiste à voler depuis des terrains d’aviation proches de la mer. Or, Kaboul (mais aussi Quetta), sont situées 6 000 pieds (1 800 mètres) plus haut, l’évacuation requérant de passer des montagnes culminant à 10 000 pieds (3 048 mètres) d’altitude.

    Redoutant ce qu’il devra affronter, Maxwell effectue une série de vols d’essais au-dessus de Quetta. Bien que déjà très spartiates, les ‘Victoria’ sont délestés de tous les équipements jugés superflus (ce qui inclut l’opérateur TSF), les vols opérés depuis Kaboul devant se limiter à dix passagers par appareil. Le Squadron Leader Maxwell pilote lui-même le Victoria jusqu’à l’aérodrome de Risalpur (près de Peshawar).

    Le ‘Hinaidi’ connaît une aventure différente. Respectant l’ordre de rallier la base de Peshawar dès que possible, le Flt Lt Anderson décolle d’Irak dès l’aube. Après trois heures de vol, l’un de ses moteurs rend l’âme et le pilote doit opérer un atterrissage d’urgence dans le désert iranien. Heureusement, il se trouve à seulement 10 miles (soit un peu plus de 16 km) d’une raffinerie de l’Anglo-Persian Oil Company (APOC), qui lui envoie un camion pour le tirer d’affaire en hissant l’appareil (par la queue) sur le plateau et l’amener dans ses ateliers. Il faut un certain temps pour réparer le moteur Bristol ‘Jupiter’ qui avait « avalé l’une de ses soupapes d’échappement ».

    Anderson reprend enfin sa mission de convoyage et doit passer 12 heures dans les airs le jour de Noël. Après son vol de sauvetage de Kaboul, le samedi 29 décembre, on estime que l’avion a vraiment besoin de nouveaux moteurs.

    La passe de Khyber une fois fermée, le dernier moyen de sortir d’Afghanistan est l’avion. Les moyens de communication normaux via la station sans fil de la ville sont en panne, mais, providentiellement, Sir Francis dispose d’un petit poste de radio qu’il avait acheté sur un coup de tête lors de sa dernière visite à Londres. Il contacte la RAF en Inde et requiert, dans un premier temps, un service de courrier aérien ainsi que la planification d’une éventuelle évacuation aérienne.

    Malheureusement, les ressources de Salmond sont limitées. En effet, il ne dispose que de 24 HD.9A pour la police du ciel, deux Wapitis récemment détachés pour des essais opérationnels et un avion de transport HP Hinaidi, de retour à Bagdad après une mission en Égypte.

    À peine 10 jours auparavant, un seul avion de transport Victoria’ était arrivé pour des essais à haute altitude et avait déjà été dépouillé de l’équipement jugé superflu. Salmond diffuse un message demandant que les 10 ‘Victoria’ du Squadron 70, normalement basés en Irak, soient dépêchés en Inde, un voyage de 2 800 miles (soit un peu plus de 4 500 km) comportant des arrêts fréquents pour le ravitaillement.

    Toujours le lundi 17 décembre, le ‘Victoria’ réquisitionné quitte l’Irak et atterrit à Karachi. Le jour suivant, il rallie Quetta et, après un vol local de contrôle, rejoint Risalpur deux jours plus tard.

    PHASE 1 / RÉTABLISSEMENT DES COMMUNICATIONS

    Le mardi 18 décembre, Salmond ordonne au Fliying Officer (Fg Off) Claude Trusk d’effectuer un vol de reconnaissance au-dessus de Kaboul avec son DH.9A. Décollant de Kohat, Trusk prend le Leading Aircraftsman (LAC) George Donaldson (un caporal) comme opérateur TSF et emporte un Popham panel qui lui permettra d’effectuer de la signalisation air-sol[4][6]. Il s’agit d’un panneau blanc recouvert de lattes peintes en vert, comme un store vénitien. L’ouverture des lames découvre un côté blanc afin qu’il puisse être utilisé pour transmettre des messages en code Morse international.

    À Kaboul, Lady Gertrude (‘Gertie’) Mary Humphrys a anticipé la nécessité d’envoyer des signaux à n’importe quel avion et avait mobilisé les dames pour découper des bandes de papier dans le but de former sur la pelouse le message suivant : « NE PAS ATTERRIR – VOLEZ HAUT – TOUT VA BIEN ».

    Lorsque Trusk arrive sur les lieux, il aperçoit le message sur la pelouse ainsi que l’Union Jack flottant sur le mât, mais ne décèle aucun signe de vie. Il descend donc pour larguer le panneau air-sol et, ignorant la position des rebelles aux alentours, est pris sous un feu nourri de tireurs le prenant pour un pilote russe. Soudain, Trusk est recouvert de pétrole. Il s’éloigne et tente de prendre de la hauteur avant que le moteur ne grippe, tandis que Donaldson envoie le message suivant : « Touché. Radiateur éclaté. Atterrissage Sherpur »[6].

    Bien que l’aérodrome soit toujours occupé par la Force aérienne afghane, Trusk et Donaldson sont traités sans ménagement et considérés comme des espions. Il sont traînés vers le bureau du commandant de la base, un géant portant une cagoule et une bandoulière. Celui-ci salue les prisonniers et leur a offre le déjeuner. Surgit un pilote russe en quête d’une bombe… Le commandant se lève de table et cherche une bombe Cooper de 20 livres dans un coffre-fort et le Russe l’emporte dans une valise. Plus tard, les aviateurs britanniques sont stupéfaits du mauvais état des avions afghans : les dommages infligés aux appareils ne sont pas réparés et des instruments manquent dans les tableaux de bord, criblé d’impacts.

    Ils sont ensuite emmenés dans un hôtel voisin, où on leur attribue une chambre, dont la porte est verrouillée et gardée. Pendant la nuit, les rebelles entent par effraction dans le bâtiment, la sentinelle est abattue et l’hôtel est saccagé. Fort heureusement, les attaquants n’enjambent pas le corps de la sentinelle et n’entrent dans la pièce.

    Entre le mercredi 19 et le samedi 22 décembre, plusieurs DH.9A survolent la légation[6]. Aucune tentative d’atterrissage n’a lieu mais un kit complet de transmission sans fil et d’autres équipements sont parachutés[6].

    Au bout de quatre jours, le vendredi 21 décembre donc, Trusk et Donaldson sont enfin récupérés par le porteur de Sir Francis, qui leur conseille de retourner leur veste afin de ne pas ressembler aux pilotes Russes, et s’enfuient d’abord en voiture, puis à pied avant d’atteindre la légation britannique. Arrivés presque à bon port, ils sont pris sous les feux croisés des belligérants, mais réussissent à pénétrer dans la légation sous les applaudissements de plusieurs enfants et de leurs gouvernantes.

    Donaldson, qui a pu emporter quelques équipements radio pris dans le DH.9A, grimpe, une fois la nuit tombée, sur le mât du drapeau et (toujours sous le feu), répare l’antenne. À l’aide de la batterie de la Rolls Royce de Humphrys, il établit la liaison avec Peshawar, bien que les signaux soient partiellement bloqués par la colline située à proximité de la légation. Un Major de l’état-major de la légation, formé comme artilleur antiaérien, le relève occasionnellement à la radio. Heureusement, l’opérateur de Peshawar ne transmet que huit mots par minute au lieu des 20 wpm (ou plus) usuels….

    Tandis que Trusk et Donaldson étaient bloqués à l’aérodrome, les combats autour de la légation faisaient fait rage. Les rebelles avaient capturé des canons et, maintenant, des obus tirés les deux parties opposées frappaient le complexe, causant des dommages à de nombreux bâtiments. Alors que les rebelles savent pertinemment que les occupants de la légation sont des non-combattants étrangers, l’armée afghane, en revanche, pense que le bâtiment a été pris par les rebelles, et tire sur tout ce qui bouge.

    C’est pourquoi Lady Humphrys prend le contrôle de l’intérieur de la légation et fait déplacer les magasins et la nourriture dans les chambres, à l’étage, au cas où les entrepôts extérieurs seraient pillés. Des fournitures médicales et des bandages sont préparés et les baignoires sont remplies d’eau  au cas où l’approvisionnement normal serait interrompu. Avec ses grandes baies vitrées, la salle à manger principale est gravement endommagée et les repas sont maintenant servis dans une pièce plus petite située du côté le moins vulnérable du bâtiment.

    Le film Carry On Up the Khyber (soit dit en passant, un navet de première bourre) retrace ces événements dramatiques, même si le scénario exagère la situation lorsque l’acteur Sid James se rit du plâtre qui tombe et du verre qui se brise (une scène risible, comme l’ensemble de cette œuvre prétendument cinématographique). En plus des dommages causés par les armes légères, 59 obus explosent sur le bâtiment, et beaucoup plus dans l’enceinte de la légation. Deux domestiques afghans sont tués par balle et un autre blessé.

    De son côté, l’ambassadeur tente de négocier aussi bien avec les forces royales qu’avec les rebelles pour utiliser l’aérodrome en toute sécurité. Parfois, les négociations s’effectuent sous la menace d’une arme à feu. Lorsqu’un élément de l’armée pénètre par les portes principales, celui-ci est accueilli par l’ambassadeur, qui persuade son chef de quitter les lieux. Pour imposer le respect et dédramatiser la situation, il apparaît, avec calme et prestance, pipe aux lèvres. Une attitude qu’il affiche tout au long du siège.

    Pour sa part, la RAF continue d’envoyer des DH.9A de reconnaissance pour évaluer la situation et lire les panneaux disposés sur la pelouse. Dans la légation, deux Allemands sont aperçus pour la première fois tapis dans un fossé, agitant un drapeau allemand attaché à un bâton de marche, mais ils sont rappelés à l’intérieur du bâtiment pour leur sécurité. Après quelques jours, pendant une accalmie dans les combats, ils peuvent retourner dans leur propre légation qui, sise de l’autre côté de la ville, ne subit aucun siège. Certains Allemands parviennent à s’échapper dans un Junkers F.13 acquis par le roi lors de sa tournée européenne.

    Ayant reçu la visite d’un fonctionnaire du ministère afghan des Affaires étrangères, porteur d’une lettre du roi s’excusant humblement des dommages causés à la légation par les forces afghanes et acceptant que les dames puissent partir de l’aérodrome dans « le grand avion », Sir Francis décide qu’il est temps d’appeler la RAF à la rescousse. Le samedi 22 décembre au soir, Donaldson réceptionne un message annonçant que les avions se tiennent prêts à Risalpur, l’aérodrome de la RAF situé près de Peshawar.

    PHASE 2 / ÉVACUATIONDES FEMMES ET DES ENFANTS

    Au matin du dimanche 23 décembre, un ‘Wapiti’ décolle pour reconnaître l’aérodrome de Sherpur et s’assurer que tout est dégagé. Il est suivi par un ‘Victoria’ piloté par le Squadron Leader Reginald Maxwell, du Squadron 70, et par trois DH.9A chargés d’emporter les bagages.

    En parallèle, un petit groupe de femmes et d’enfants quitte la légation à 5 h 30, escorté par quelques soldats afghans. Pendant plus d’une heure, l’équipée se fraie un chemin entre les lignes adverses tout en évitant les bâtiments endommagés et les cadavres pour rejoindre la légation italienne, qui se situe juste en-face de la piste d’aviation. Une fois sur place, des femmes et des enfants d’autres légations, épargnées par les combats, se joignent à la colonne. Au moment opportun, tout le monde est conduit en véhicule vers l’aérodrome pour rejoindre lorsqu’un Vickers ‘Victoria’ et quelques avions de moindre envergure atterrissent à Sherpur à 9 h 30, et embarquent les exfiltrés moteurs tournants[6].

    En préparant sa mission sur la base de Risalpur, Maxwell avait estimé qu’il pouvait confortablement emporter 10 passagers. Finalement, ce sont vingt-trois rescapés qui montent à bord de son appareil, difficilement il est vrai, car tout le monde porte au moins trois manteaux pour contrer un froid rigoureux. Le ‘Victoria’ quitte le sol à 9 h 45, suivi de près par les biplans monomoteurs. L’avion grimpe haut dans un air turbulent pour voler entre les montagnes et, bien que le voyage ne soit censé durer que deux heures, les passagers sont enveloppés dans de lourds manteaux et des couvertures. Non seulement le fuselage du ‘Victoria’ n’est ni chauffé, ni pressurisé, mais il faut se préparer à un éventuel crash dans la passe Khyber. Pour certains, il s’agit d’un baptême de l’air particulièrement mouvementé. L’équipage passe des seaux en toile, les vidant régulièrement sur le côté…

    Tous les désagréments s’estompent lorsque, deux heures plus tard, l’appareil se pose enfin à Risalpur.

    Cependant, le Sergeant (Sgt) Peters, du Royal Corps of Signals, avait été laissé sur le terrain de Sherpur. Il était venu à bord de l’un des HD.9A avec un puissant poste de radio à ondes courtes qui, une fois installé dans la légation, améliore grandement la liaison avec Peshawar. Il est utilisé pour organiser un autre vol d’évacuation le lendemain.

    Après la première mission d’un Victoria revenant de Kaboul, on se rend compte que les Britanniques sont seuls capables d’évacuer tous les citoyens étrangers de la capitale afghane.

    Le lundi 24 décembre, la deuxième mission d’évacuation est lancée avec un Victoria, un Wapiti et pas moins de onze DH.9A. Les avions évacuent 16 femmes et enfants allemands, 10 Français, un Suisse et un Roumain.

    Le même jour, deux autres Victoria arrivent d’Irak.

    Aucun vol n’a lieu le jour de Noël. Curieusement, les combats ont pratiquement cessé, car Bacha-e-Saqâo, qui a été blessé à l’épaule, est parti se faire soigner. En même temps, ses combattants ont été regroupés pour attaquer la ville dans une zone différente.

    Le mercredi 26 décembre, un Victoria revient à Kaboul avec quatre DH.9A pour évacuer 23 femmes et enfants. Une Allemande est grièvement blessée par l’hélice d’un DH 9A et voit son évacuation retardée.

    Le jeudi 27décembre, le Handley Page Hinaidi de 10 sièges arrive en Inde britannique et, le samedi 29 décembre, effectue sa première mission d’évacuation. Un deuxième Victoria se joint aux vols d’évacuation le lendemain.

    Les jeudi 27 et vendredi 28 décembre, de sévères chutes de neige interdisent toute activité aérienne.

    Le samedi 29 décembre, Sir Francis réquisitionne des combattants des deux parties pour déneiger la piste. Le ‘Victoria’ alors embarque 23 passagers puis est rejoint par le ‘Hinaidi’. Trente et un Italiens, Indiens, Allemands, Turcs et Syriens sont évacués par le ‘Hinaidi’ et les HD.9A. Cependant, des limites de poids sont imposées pou les bagages : 20 livres par adulte, 15 livres par enfant.

    Le dimanche 30 décembre 1928, deux ‘Victoria’ évacuent 22 femmes et enfants.

    Le mardi 1er janvier 1929, profitant d’une accalmie dans les combats, un ‘Victoria’ délivre du courrier et évacue une Allemande et cinq femmes turques, tandis qu’une fois réparé, le DH.9A de Trusk est rapatrié en Inde. Pendant cette période de répit, la RAF effectue l’indispensable maintenance de ses aéronefs de transport.

    À cette date, toutes les femmes et les enfants étrangers (soit 132 personnes en tout) ont été évacués de Kaboul.

    Tout en procédant à l’évacuation des femmes et des enfants des différents légations, les ‘Victoria’ poursuivent leur service postal et de ravitaillement. Les combats s’intensifiant, il devient évident que même le personnel masculin des représentations diplomatiques et des entreprises civiles doit être, lui aussi, évacué.

    PHASE 3 / ÉVACUATION DE LA FAMILLE ROYALE

    C’est pourquoi, au matin du lundi 14 janvier, un convoi composé de sept voitures quitte le palais royal et fonce en direction de Kandahar, la ville natale du roi Amanullah, qui vient d’abdiquer.

    Amanullah a désigné son frère Inayatullah comme successeur alors que Bacha-e-Saqâo se proclame, incidemment, émir sous le nom d’Habibullah Khan. Le nouveau roi décide d’envoyer un émissaire à Bacha-e-Saqâo afin de lui proposer des discussions de paix, qui se déroulent finalement aux abords de la légation britannique, littéralement sous les yeux de Sir Francis, ce que décrit exhaustivement un rapport circonstancié transmis par Donaldson.

    Une Ford ‘T’ chargée d’une demi-douzaine de personnes arrive en arborant un drapeau blanc, mais les rebelles accueillent l’aréopage avec un feu nourri, ce qui fait fuir la délégation officielle. Cherchant à encercler la voiture, des rebelles grimpent sur le mur de légation britannique et y pénètrent, ce qui contraint Sir Francis à les chasser. Bien entendu, les rebelles ne comprenne pas l’anglais et c’est, fort heureusement, Bacha-e-Saqâo lui-même, qui surgit sur son cheval blanc. Comprenant approximativement l’anglais, il demande à ses hommes de respecter l’Union Jack et de quitter l’enceinte de la légation.

    Le roi Inayatullah est bientôt encerclé dans une forteresse royale inexpugnable avec 5 000 de ses soldats et assez de vivres pour tenir un an. Dehors, 16 000 rebelles occupent la capitale et le terrain d’aviation, tandis que d’innombrables groupes insurgés, indépendants de chacune des deux parties en présence, guettent l’opportunité d’un pillage.

    En réponse à un ultimatum, Inayatullah, qui n’a jamais souhaité monter sur le trône, répond qu’il ne se rendra que lorsque lui-même, ses épouses et les membres de son gouvernement restés fidèles quitteront le pays à bord d’un avion britannique. Un accord est rédigé, dans lequel le nouveau roi déclare que, quand il sera assis dans l’avion et quand celui-ci aura décollé, il abdiquera en faveur d’Habibullah Khan. Après la signature, Sir Francis en rend compte à ses supérieurs en Inde.

    C’est ainsi que, les vendredi 18 et samedi 19 janvier, deux ‘Victoria’, pilotés par le Sqn Ldr Maxwell et le Flt Lt Ronald Ivelaw-Chapman évacuent « le roi de trois jours » et son entourage pour les mettre en sécurité.

    Habibullah Khan occupe le palais royal et pourchasse les ministres et les fonctionnaires du gouvernement d’Amanullah. Après les avoir torturés, il extorque leurs richesses, annule toutes les réformes initiées par l’ex-roi, ferme les écoles dirigées par les Français et les Allemands et recrute des troupes auprès de tribus auxquelles qu’il pense loyales. Les brigands sans foi ni loi sont chassés de la ville et les pillards appréhendés sont abattus en public.

    Habibullah pourrait consolider sa position à Kaboul, mais il semble peu probable qu’il soit accepté par le reste du pays. En effet, nombreux sont les rivaux possibles, Amanullah lui-même pouvant revenir sur son abdication. Tout le monde s’attend à une généralisation du conflit au moment de la fonte des neiges.

    Logiquement, les responsables des légations étrangères estiment qu’il serait raisonnable d’évacuer les femmes et les enfants jusqu’à ce qu’un semblant de stabilité soit rétabli. La passe de Khyber étant toujours fermée, il n’y a qu’une seule issue et un seul homme pour organiser l’évacuation. Cependant, Sir Francis doit se montrer neutre envers le nouveau roi afin que son armée (les ex-troupes rebelles réorganisées contrôlant l’aérodrome) permette aux Victoria’ d’atterrir sans leur tirer dessus.

    Cette deuxième phase de l’évacuation vient à peine de commencer que s’installe un doute. En effet, le mardi 29 janvier, un Victoria en route pour Kaboul n’arrive pas à destination. Tard le lendemain, un message parvient à Sir Francis signalant laconiquement que le Victoria se trouve près de Saroli.

    À peine passé le col, les deux moteurs du Victoria tombent en panne. Le seul terrain relativement plat de la zone est un petit plateau ne dépassant pas les 60 mètres de long, avec des pentes abruptes sur trois côtés. Le pilote, le Flt Lt Ivelaw-Chapman (qui finira Air Chief-Marshal), descend à la finesse max et amorce délibérément le décrochage à 10 pieds (un peu plus de trois mètres) au-dessus du sol. Le train de roulement s’enfonce dans le sol et le Victoria stoppe net sa course, sans glisser. En un rien de temps, l’équipage est encerclés par une foule lourdement armée. Heureusement, survient un personnage vêtu d’un long manteau militaire, un brigadier qui comprend l’ourdou limité de Chapman. Malgré l’étiquette signalant leur groupe sanguin, leurs uniformes bleus de type russe les rendent suspects. Avant de quitter l’épave, Chapman vérifie les moteurs et constate que les filtres à carburant sont obstrués par de la glace, cause de la panne moteur.

    Les deux aviateurs vivent alors une aventure extraordinaire lorsqu’ils passent d’un groupe à un autre, apparemment sur le chemin du retour en Inde. Après six jours, Chapman trouve un champ assez long pour y créer une piste d’atterrissage. Un Bristol F.2 y est dépêché et les deux pilotes sont enfin rapatriés en Inde.

    Le temps s’est maintenant refroidi et les tempêtes de neige sont fréquentes. Par conséquent, les ‘Victoria’ doivent être mieux préparés. Par exemple, l’eau contenue dans le carburant utilisé (un mélange de benzol différent de celui utilisé par les DH.9A et les ‘Wapitis’) gèle et les réservoirs doivent être fréquemment purgés. On donne l’ordre de filtrer le carburant deux fois avant de le mettre dans les réservoirs des avions. À la fin d’une journée de vol, les filtres à carburant sont nettoyés et les réservoirs remplis à ras bord. Avant s’envoler pour Kaboul, le ‘Victoria’ effectue un vol d’essai dans lequel le carburant est puisé, à tour de rôle, dans chacun des réservoirs. À l’atterrissage, tous les réservoirs sont remplis et les filtres à carburant nettoyés à nouveau. Tout cela par un temps glacial, de sorte que les équipes au sol apportent une contribution significative au succès de l’opération. De la sorte, il n’y a plus de problème de givrage.

    À ce moment-là, le ‘Hinaidi’ rénové rejoint la flotte et s’envole vers Kaboul mais, au milieu de la finale, ne supportant pas la faible température, l’un des moteurs cale. Sir Francis s’en vient à la rescousse avec des toiles, des conduits et des braseros à charbon de bois récupérés dans les magasins de la légation. Malheureusement, ce système de réchauffage ne fonctionne pas très bien et doit être modifié à plusieurs reprises. Il faut attendre le dimanche 3 février 1929 pour que les moteurs puissent démarrer en toute sécurité.

    Chaque fois que le temps le permet, trois ‘Victoria’, pilotés par Maxwell, Ivelaw-Chapman et le Fg Off Anness (plus le ‘Hinaidi’, piloté par Anderson) font la navette entre Risalpur et Kaboul. À Kaboul, Sir Francis poursuit une diplomatie délicate et organise l’embarquement des passagers, le nombre de demandes d’évacuation augmentant à mesure que les combats tribaux éclatent de manière sporadique. Trouver des gens pour déblayer une neige parfois haute de 17 pouces (soit 43,18 centimètres) constitue une tâche constante. Pendant ce temps, un autre pilier de l’équipe, Donaldson, assisté du sergent Peters, s’occupe des transmissions.

    L’évacuation de Kaboul met involontairement la lumière des projecteurs sur autre aviateur. Bien que celui-ci ne soit pas directement impliqué dans le transport aérien, son histoire mérite d’être racontée. Le Flifht C du Squadron 27 est alors basé à Miranshar, un petit aérodrome isolé situé non loin de Risalpur. Cet aviateur a pour habitude de présenter toutes les correspondances et tous les messages pour signature à son chef avec la réponse déjà rédigée à la machine à écrire. Il apprécie cette nouvelle vie et passe son temps libre à traduire des textes en grec ancien pour un contact à l’Université d’Oxford. Il s’agit de l’aviateur Shaw, pseudonyme du Colonel Thomas Edward Lawrence

    En Grande-Bretagne, la situation en Afghanistan est toujours suivie de près par le gouvernement, le Parlement et la presse. Incidemment, un quotidien dévoile l’initiative de Shaw/Lawrence et publie un article affirmant qu’il se serait ferait passer pour un saint homme du nom de Pir Karam Shah afin d’infiltrer la rébellion afghane, ce qui embarrasse Sir Francis. C’est pourquoi Sir Hugh Trenchard prend la décision de ramener Lawrence en Angleterre, au grand dam de l’opinion publique.

    PHASE 4 / ÉVACUATION DES AUTRES RESSORTISSANTS

    Vers la mi-février, sept ‘Victoria’ et ‘Hinaidi’ opèrent toujours depuis Risalpur mais Kaboul est recouverte d’ épais manteau de neige. Des éléphants et des dromadaires sont réquisitionnés pour nettoyer la piste et, le dimanche 24 février, quatre ‘Victoria’ débarquent les derniers membres des légations française, allemande et italienne. Les seuls étrangers restant à Kaboul sont des membres de la légation britannique.

    Le lundi 25 février à 19 h 45, sept ‘Victorias’ et le Handley Page ‘Hinadai’ décollent de Risalpur et disparaissent dans les montagnes, à l’ouest de la piste. Ils évoluent entre les pics enneigés surplombant la passe de Khyber et survolent l’Afghanistan avant de descendre sur Kaboul et de se poser sur un aérodrome encore sûr.

    Moteur tournant, ils sont rejoints par les membres de la légation britannique, le dernier arrivant étant Sir Francis, qui était retourné à la légation pour récupérer l’Union Jack flottant sur le bâtiment pendant le siège. Enfin, l’appareil peut décoller, destination Peshawar[8].

    AU BILAN

    Les huit avions de transport rejoignent Risalpur sains et saufs. Au total, 586 personnes auront été évacuées en deux mois et en 84 sorties[3] : 268 hommes, 153 femmes et 165 enfants, au nombre desquels 23 Britanniques, 344 Britanniques Indiens, 58 Turcs, 58 Allemands et un nombre réduit d’Afghans, de Français, d’Italiens de Syriens, un Australien, un Américain, un Suisse et un Roumain.

    En incluant la distance parcourue par les huit ‘Victoria’ et un ‘Hinaidi’ venu d’Irak, 57 438 milles auront été parcourus. Le mardi 26 février, les avions et leurs équipages défilent à Risalpur avant d’être envoyés à Dehli pour une autre cérémonie, organisée le lendemain. Après avoir couvert les 600 miles (soit 965 km) vers la capitale de l’Inde britannique, ils reçoivent un nouvel accueil enthousiaste avant de retourner à leurs missions de routine en Irak.

    De nombreuses aviateurs ont excellé lors de l’évacuation. Les pilotes du Squadron 70 – ainsi que les pilotes de la RAF en Inde avec leurs DH.9A, Wapitis et Hinaidi – ont surmonté l’hiver afghan et la passe de Khyber pour évacuer 586 personnes, sans aucune perte humaine. Deux avions ont été perdus : un Victoria, privé de carburant, et un DH.9A abattu au-dessus de Kaboul au début du siège, ensuite réparé et évacué. Les opérateurs sans fil britanniques de la légation britannique constituent, pour la plupart, le seul lien avec le monde extérieur et assuraient que des gens comme le Vice Air Marshall Sir Geoffrey Salmond, savaient exactement quoi envoyer à Kaboul. Alors que l’hostilité des armées rebelles et afghanes a forcé les citoyens étrangers à évacuer, l’hospitalité du peuple de Kaboul a été essentielle pour garder l’aérodrome ouvert pendant l’évacuation. Mais certaines des plus grandes réalisations sont venues des techniciens – mécaniciens, avitailleurs et autres corps de métier nécessaires pour maintenir l’avion en vol.

    L’essentiel de l’expérience du Squadron 70 avec les Victoria avait été acquise dans la chaleur d’un désert du Moyen-Orient, où les équipages coupaient immédiatement leurs moteurs à l’atterrissage qui, sinon, risquaient la surchauffe. Bien au contraire, pendant le pont aérien de Kaboul, les appareils ont été confrontés à des conditions de givrage, à la contamination du carburant et à des performances de moteur dégradées dans un nouvel environnement opérationnel. D’innombrables réparations ont été effectuées pendant les nuits de cet hiver glacial, y compris de nombreux changements de moteur en plein air, car les Victoria et les Hinaidi étaient beaucoup trop grands pour les hangars locaux. Les performances et le succès de ces avions témoignent du travail acharné de ces techniciens.

    AMBIANCE

    Fin février 1929, nombreuses sont les personnes ayant un motif de satisfaction au sortir de cette première opération militaire aérienne spéciale couronnée de succès.

    Outre les personnes évacuées, il y a bien entendu les équipages confrontés à des conditions de vol exceptionnellement éprouvantes, mais aussi l’ensemble du personnel au sol (planificateurs de l’opération, personnel de maintenance, personnel chargé des approvisionnements…).

    La personne la plus ravie de ce succès (qui plus est à moindre frais) est sans conteste l’Air Marshall Hugh Trenchard, le commandant de la RAF. En effet, il s’était tant battu pour imposer la création d’une armée de l’air autonome et avait essuyé tant de critiques que la gratitude exprimée par plusieurs grandes Nations vient à point nommé pour développer ses forces de manière encore plus opérationnelle.

    RÉCOMPENSES

    Après une ‘première’ particulièrement réussie, le gouvernement britannique ne peut que montrer sa gratitude envers les principaux artisans de ce succès éclatant, tant au plan national qu’international.

    Ainsi, le Squadron leader Reginald Maxwell, les Lieutenants D. F. Anderson et Ronald Ivelaw-Chapman, et les Flying officers L. H. Anness et Claude Trusk se voient décerner l’Air Force Cross[9] tandis que le LAC G. George Donaldson reçoit l’Air Force Medal[9].

    À l’été, sir Francis et son épouse s’agenouillent côte à côte devant le roi George V. Sir Francis devient Chevalier dans l’Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges (Knight Commander of the Most Distinguished Order of St Michael and St George [KCMG]) tandis que Lady Humphrys est promue Dame of the British Empire.

    ÉPILOGUE

    Compte tenu des performances limitées des aéronefs de l’époque, de plus évoluant au milieu d’une guerre civile, d’un froid glacial et d’un relief montagneux, on ne peut que saluer la prouesse réalisée par les organisateurs et les artisans de cette opération hors norme[12]. Il ne faut pas oublier que nous sommes encore dans le premier tiers du XXe siècle et que la technologie aéronautique, si elle évolue très vite, est encore assez rudimentaire.

    Ce qui frappe, également, c’est l’ampleur de cette opération militaire qui, avec 84 sorties, sans compter le convoyage des avions depuis l’Irak, représente un coût financier que personne n’aura osé mettre en avant. En effet, l’obsession des autorités britanniques, en Inde comme en Angleterre, c’est de ne pas renouveler la déconvenue de la colonne Elphinstone et de ne pas subir, au-delà des pertes humaines, une nouvelle humiliation face à des insurgés en guenilles et mal chaussés. D’où la débauche de moyens aériens consentie pour éviter les embuscades sur la route de Jalalabad et dans la passe de Khyber.

    Revenons aux aspects techniques d’une opération lancée dans la rigueur de l’hiver afghan. Premier enseignement de cette épreuve, physique celui-ci, c’est que même si les pilotes et leurs équipages sont de rudes gaillards, le maintien des cockpits ouverts, héritage de l’âge des pionniers (pensons à la Française Adrienne Bolland franchissant les Andes le 1er avril 1921), ne peut plus se justifier dans le cadre de vols à longue distance s’effectuant en altitude et dans des conditions météorologiques éprouvantes. En outre, s’agissant de l’évacuation de civils, dont nombre de femmes et d’enfants, un minimum de confort s’impose, ce qui ne pourrait être préjudiciable à des militaires engagés dans une opération aéroportée à longue distance.

    Enfin, n’oublions pas que nous sommes encore à l’heure des découvreurs et qu’il reste bon nombre de zones blanches sur les cartes du village-monde. L’Empire britannique entendant maintenant s’imposer dans les airs comme sur mer, c’est en avril 1933 que la Houston Everest Expedition entreprend de survoler le troisième pôle, c’est-à-dire le plus haut sommet du monde, les membres d’équipage disposant, sur leurs Houston-Wallace, d’un cockpit et d’une cabine fermés et pressurisées, ainsi que d’appareils respiratoires permettant de survivre à des altitudes record. Des savoir-faire qui s’avéreront particulièrement utiles dans le cadre des bombardements opérés pendant la Seconde guerre mondiale

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

     

     

    SOURCES

    • Kabul airlift of 1928-1929’

    Wikipedia

    https://en.wikipedia.org/wiki/Kabul_airlift_of_1928%E2%80%931929

    • ‘Airlift from Kabul’

    https://www.a-e-g.org.uk/airlift-from-kabul.html

    • ‘66 days Kabul’

    https://eamonh.wordpress.com/2013/04/14/64-days-in-kabul/

    • René Drouillet (1898 – 1974), ‘le pilote à l’as de trèfle’

    https://www.crezan.net/pag_aby/abyssinia_pil_drouillet.html

    • Afghan Civil War (1928–1929)

    https://en.m.wikipedia.org/wiki/Afghan_Civil_War_(1928%E2%80%931929)

    • Red Army intervention in Afghanistan (1929)

    https://en.m.wikipedia.org/wiki/Red_Army_intervention_in_Afghanistan_(1929) 

    VOIR ÉGALEMENT

    FILM

    • ‘Carry On Up the Khyber’ (1968)

    https://www.youtube.com/watch?v=MMGYfQlpGj0&ab_channel=ShaneBarnes

    RÉFÉRENCES

    [1] Baker, Anne; Ivelaw-Chapman, Sir Ronald (1975). Wings Over Kabul: The First Airlift. London: William Kimber & Co. Limited. p. 15. ISBN 0-7183-0184-6.

    [2] Salmond, Sir Geoffrey (1929). Report on the Air Operations in Afghanistan Between December 12th, 1928, and February 25th, 1929. p. 11.

    [3] Jefford, Jeff (2000). « The bomber transport and the Baghdad air mail » (PDF). Royal Air Force Historical Society. Oxford: Professional Book Supplies Ltd: 26. ISSN 1361-4231.

    [4] Philpott, Ian M. (2005). The Royal Air Force: The Trenchard Years, 1918–1929. Vol. I. Barnsley, South Yorkshire: Pen and Sword Aviation. pp. 145–147. ISBN 1-84415-154-9.

    [5] Baker, Kevin James (2011). War in Afghanistan. Rosenberg. p. 154. ISBN 978-1-921719-12-7.

    [6] Roe, Andrew (2012). « Evacuation by Air: The All-But-Forgotten Kabul Airlift of 1928-29″. Air Power Review. Air University Press. 15 (1): 21–38. ISSN 1463-6298.

    [7] Napier, Michael (2018). « 2. Policing the empire 1923-1938 ». The Royal Air Force: A Centenary of Operations. Bloomsbury Publishing. p. 54. ISBN 978-1-4728-2539-1.

    [8] Baker, Anne (2003). « 7. By Imperial Airways to India 1926:Crisis in Kabul; rescue over the mountains ». From Biplane to Spitfire: the life of Air Chief Marshal Sir Geoffrey Salmond KCB KCMG DSO. Barnsley, South Yorkshire: Lee Cooper. pp. 196–215. ISBN 0-85052-980-8.

    [10] Hildred, William (February 1976). « Wings over Kabul — The First Airlift. Anne Baker and Air Chief Marshal Sir Ronald Ivelaw-Chapman ». The Aeronautical Journal. 80 (782): 86. doi:10.1017/S0001924000033571. ISSN 0001-9240. S2CID 115800604.

    [11] « AFGHANISTAN (KABUL EVACUATIONS). (Hansard, 6 March 1929) ». api.parliament.uk. Retrieved 17 August 2021.

    [12] Farmer, Ben (25 February 2009). « Afghanistan: 80 years since the British evacuation of Kabul ». The Telegraph. Archived from the original on 18 February 2010. Retrieved 16 August 2021.

    AUTRES LECTURES

    LIENS EXTERNES

    25 février 1971 – Le sauvetage de René Desmaison dans les grandes Jorasses : un tournant dans l’organisation des secours en montagne

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    Comme souvent, il faut un drame spectaculaire pour bousculer l’opinion publique et faire bouger les choses au plan gouvernemental. Tirant les leçons de l’échec cinglant des tentatives de sauvetage de Vincendon et Henry fin 1956, les autorités décident de confier les secours en montagne à des professionnels des forces de sécurité intérieure (FSI/police et gendarmerie), assistés de guides de haute montagne jouant le rôle de conseillers techniques. En 1971, un nouveau drame force les autorités à « nationaliser » l’ensemble de cette fonction. C’est ce que nous conte Anne Hédiard dans un article de France 3 Auvergne/Rhône-Alpes publié le jeudi 25 février 2021 et constituant un excellent résumé de cet épisode douloureux…

    L’ARTICLE D’ANNE HÉDIARD

    « Il y a tout juste 50 ans, la tentative d’ascension des Grandes Jorasses par la pointe Walker, de René Desmaison et Serge Gousseault, s’est terminée en drame. Un drame qui a fait polémique et changé définitivement l’organisation des secours en montagne.

    Les Grandes Jorasses, une montagne mythique dans le massif du Mont-Blanc. En février 1971, René Desmaison, un guide très expérimenté, part à l’assaut du sommet par la face nord, la pointe Walker (4 208 m), en duo avec un jeune alpiniste, Serge Gousseault. Cette tentative se solde par un drame et une polémique. Et va déboucher sur la fin de l’intervention des guides dans les sauvetages en montagne.

    Retrouvez ci-dessous le récit d’Amaelle Brignoli avec le témoignage de René Desmaison (2005) et de Blaise Agresti, ancien commandant du Peloton de gendarmerie de haute-montagne.

    L’ascension hivernale de la pointe Walker par René Desmaison et Serge Gousseault débute le 9 février 1971. C’est à l’époque l’ascension la plus difficile jamais réalisée dans les Alpes.

    Au bout de 10 jours, Serge Goussault faiblit. Après 1 100 mètres d’ascension, il a les mains gelées, et ne peut plus avancer. Les deux hommes se retrouvent bloqués à seulement 80 mètres du sommet.

    UN LAPSUS GESTUEL

    Le soir du 19 février un hélicoptère des secours s’approche pour vérifier que tout va bien mais les deux alpinistes et le pilote ne se comprennent pas. « C’est ce qu’on appelle un lapsus gestuel », explique Blaise Agresti, ancien commandant du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM). L’hélicoptère redescend donc dans la vallée de Chamonix. Et tout le monde pense que, proches du sommet, les alpinistes vont réussir.

    Trois jours passent. Un second hélicoptère est envoyé. Cette-fois-ci, les secours captent la détresse des alpinistes mais il est déjà trop tard pour Serge Gousseault mort d’épuisement et de froid. Le 25 février un hélicoptère de la sécurité civile parvient enfin à se poser au sommet. René Desmaison est sauvé de justesse.

    LA POLÉMIQUE

    Un règlement de compte entre guides serait-il à l’origine du retard des secours ? René Desmaison est persuadé qu’on a voulu sa mort. Aujourd’hui encore, le mystère plane autour de cette affaire. Elle est en tout cas à l’origine d’un changement dans l’organisation des secours.

    En effet, jusqu’ici les équipes étaient composées de guides et de gendarmes, à partir de 1971, c’est terminé, ce sont les gendarmes qui prennent définitivement la mission, explique Blaise Agresti. Cette affaire survient en effet quelques années après l’affaire Vincendon et Henry, dont l’agonie en montagne a été imputée à la désorganisation des secours, et qui marque l’entrée des gendarmes dans le secours en montagne avec la naissance du PGHM de Chamonix.

    … »

    ÉPILOGUE

    Le sauvetage de René Desmaison dans les grandes Jorasses marque une étape dans l’organisation du secours en montagne, maintenant totalement du ressort de l’État, garant de l’impartialité de la décision d’engager des hommes et des moyens pour sauver des vies.

    De même, l’accent est mis, et depuis les années 1970, sur la formation et l’information des alpinistes et des randonneurs néophytes, la plupart connaissant désormais les gestes permettant de communiquer avec les aéronefs en général, et les hélicoptères de secours en particulier.

    La connaissance du document officiel ci-dessous permet et permettra de se tirer d’affaire en cas de nécessité…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

     

    SOURCES

    • Le drame des Grandes Jorasses il y a 50 ans, un tournant dans l’organisation des secours en montagne

              Écrit par Anne Hédiard

              France 3 Auvergne/Rhône-Alpes

              Publié le 25 février 2021

    https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/chamonix/archives-le-drame-des-grandes-jorasses-il-y-a-50-ans-un-tournant-dans-l-organisation-des-secours-en-montagne-1971895.html

    • Le 25 février 1971, Desmaison est évacué après 14 jours d’ascension

    Il y a 40 ans, l’affaire des Grandes Jorasses

    Antoine Chandellier, ‘Le Dauphiné Libéré’, article publié le 25 février 2011

    https://www.ledauphine.com/haute-savoie/2011/02/24/il-y-a-40-ans-l-affaire-des-grandes-jorasses