18 novembre 1913 – Le maréchal des logis Clément, de la base de Bron, se pose à Megève avec un avion Farman HF 20


Dans les tous débuts de l’aviation, les pilotes rechignent à s’aventurer en terrain accidenté, encore moins en montagne. En effet, les premiers appareils peinent déjà à prendre de la hauteur et l’air raréfié des massifs encore la puissance. Cependant, un avion fait exception à cette règle tacite et s’aventure jusqu’au village de Megève (74/Haute-Savoie). Mais quel est l’aviateur téméraire ayant brisé un tabou…

RÉPONSE

Interrogé par un correspondant anonyme, Le Guichet du savoir (voir deuxième source ci-dessous) apporte une réponse circonstanciée :

« L’ouvrage ‘La grande aventure de l’aviation dans les Alpes : 1784 à nos jours’, d’Anthony Pinto, est la référence en la matière. Citons-le : ʺPlus surprenante encore est peut-être la présence à Chamonix d’un avion militaire, le ‘Ville de Dijon’, de marque Farman. Cet aéroplane est le premier à s’être engagé dans la vallée de Chamonix et à s’être vraisemblablement posé à Megève, où, à chaque fois, son arrivée fait sensation. Tout laisse croire que la venue du pilote Clément, maréchal des logis, du 23e régiment de Dragons, détaché au camp d’aviation de Bron, survenue le mardi 18 novembre 1913, a été préparée en lien avec la présence du constructeur Farman. En effet, la famille du constructeur aéronautique se rend fréquemment à Chamonix où d’ailleurs, Henri Farman et sa femme on fait construire une belle bâtisse de style Art Nouveau, aujourd’hui encore baptisée ‘Villa Farman’. Son épouse anime la vie mondaine chamoniarde participant à toutes les associations mondaines et caritatives. Tout laisse donc croire que les Farman ont été les promoteurs de cet événement.ʺ

« Une carte postale de cet événement, avec une photographie du maréchal Clément et son appareil, figure dans l’ouvrage. Voilà les mentions portées sur celle-ci : Aéroplane militaire ‘Ville de Dijon’.

D’autre part, si l’avion ‘Ville de Dijon’ a été payé par une souscription locale, les Archives Municipales de Dijon conservent très certainement les traces de la mise en place de cette souscription. »

Pour le pilote suisse, citons le même ouvrage : ʺAgénor Parmelin (1884-1917) est un autre Genevois ayant marqué l’histoire de l’aviation alpine. Fils de parents aisés, il étudie comme d’autres futurs aviateurs à l’école mécanique de Genève et travaille à ses débuts dans l’automobile, ce qui l’amène à faire de la compétition. En 1911, il décide de partir pour la Champagne afin de devenir pilote et faire carrière comme pilote instructeur. Fort de cette expérience, le Genevois décide ensuite d’apporter son expérience à l’aviation militaire suisse, mais la clause du célibat obligatoire lui ferme cette carrière. Il reste donc en France comme pilote-instructeur chez Deperdussin. C’est d’ailleurs sur un Deperdussin, qu’en 1914, il réalisera l’exploit de survoler le Mont-Blanc, trois ans avant son décès.ʺ Et plus loin, on parle de lui comme du ʺvainqueur du Mont-Blancʺ.

D’après cet ouvrage, il semble que Clément ait ouvert la voie de la vallée de Chamonix et que seul Parmelin ait survolé le Mont-Blanc.

D’autre part, les faits de ce type sont toujours mentionnés dans la presse. La revue hebdomadaire ‘L’Illustration’, qui se faisait l’écho des évènements et des exploits à envergure nationale doit très certainement mentionner ces faits. Juste avant-guerre, les pilotes qui ont réussi ces actions étaient considérés comme des héros : ils étaient de véritables précurseurs. Le quotidien ‘Le Progrès’ et d’autre titres de l’époque que vous pouvez consulter à la Bibliothèque Municipale de Lyon pourraient vous apporter des détails. »

L’HISTOIRE DU ‘VILLE DE DIJON’

L’histoire du ‘Ville de Dijon’ semble plus compliquée qu’il n’y paraît de prime abord.

En effet, selon certaines sources, dont le site Internet Histavia 21, le ‘Ville de Dijon’ fait partie de l’escadrille HF (Henri Farman) 19 du capitaine de Saint Quentin arrivant à Longvic avec six appareils Henri Farman HF 20 le dimanche 19 avril 1914.

En réalité, le Henri Farman 20 n° 2 ‘Ville de Dijon’ avait été complètement détruit dans un accident intervenu le mercredi 2 juillet 1913 à la ferme de Nuisement, entre Villenauxe-la-Grande et Béthon (51/Marne).

Lors d’un vol organisé entre d’Étampes (91/Essonne) et Mailly-le-Camp (51/Marne), et pour des raisons inconnues, le biplan, en perte de vitesse et d’altitude, avait percuté le sol aux confins de l’Aube et de la Marne, s’écrasant dans un champ en déclivité, complètement retourné. Sous la violence du choc, le sapeur Bouchayer fut éjecté de l’appareil à une vingtaine de mètres et, retrouvé dans le coma, survécut malgré la gravité de ses blessures. Extrait agonisant de la carcasse, Le Capitaine Rey devait rendre son dernier souffle quelques minutes après. Le samedi 5 juillet, 5 000 personnes de Villenauxe-la-Grande et des environs accompagnent à la gare la dépouille de l’officier, qui est inhumé dans le village de Biviers (38/Isère).

Le capitaine Paul-Louis Rey, pilote, trouve la mort dans l’accident du FH 20 n° 62 tandis que le sapeur-mécanicien Bouchayer, du centre d’Étampes, qui l’accompagne, réussit à sauter de l’appareil avant le crash. Il sera cependant très grièvement blessé.

Un autre des six appareils composant l’escadrille est alors vraisemblablement repeint aux armes de la ville de Dijon pour perpétuer la tradition.

Créée à Lyon-Bron sous l’appellation HF 19 en mai 1913, l’escadrille passe sous le commandement du capitaine Michel Jolain le mardi 4 août 1914 et quitte Dijon pour Villers-les Nancy le samedi 9 août afin de se mettre à la disposition de la 2e Armée du général de Castelnau.

ÉPILOGUE

En étudiant le terrain, et en particulier la vallée de l’Arve, on s’aperçoit que le suivi de la rivière en question mène assez naturellement à Sallanches, puis à Combloux et Megève en prenant un peu de hauteur. Cette première incursion en montagne ne représente pas véritablement un exploit, mais il s’agit de la première marche à franchir pour s’engouffrer dans la vallée de Chamonix et, par-delà, sur la mer de Glace et dans la vallée Blanche.

Malheureusement, les grandes puissances de l’époque mettent fin à ce rêve et il faut attendre quelques années pour le réaliser.

En ce jeudi 18 novembre 2021, Pilote de montagne (PDM) salue les avancées permises par ce sous-officier tout en rappelant que le pionnier de l’aviation dans la région est bien Charles Vallet, créateur de l’École internationale d’aviation de Passy, qui ne fonctionne que quelques mois et ferme en mai 1911.

La véritable question est de savoir si, effectivement, Clément a survolé le massif du mont Blanc et si Henri Farman a suivi ses traces… dans le ciel.

Éléments recueillis par Bernard Amrhein

SOURCES

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