29 mars 1920 – Vincente Almandos Almonacid effectue le premier vol de nuit en traversant les Andes


Deux jours avant la commémoration du 101e Anniversaire de l’exploit de l’héroïne Adrienne Bolland, Pilote de montagne (PDM) célèbre le 102e Anniversaire de la première traversée des Andes Centrales méridionales par une grande figure de l’aviation française et argentine. Cette première est d’autant plus remarquable qu’elle s’est intégralement effectuée de nuit…

RÉSUMÉ

Vicente Almandos Almonacid, surnommé El Cóndor Riojano’, né dans la province de La Rioja (Argentine) le lundi 25 décembre 1882 et décédé à Buenos Aires le vendredi 16 décembre 1953 (à l’âge de 72 ans), est un ingénieur, ancien officier de l’Aviation militaire française ainsi qu’un aviateur militaire argentin. C’est une figure de l’Aéropostale en Amérique du Sud et un pionnier de l’aviation civile argentine.

JEUNESSE

Né le lundi 25 décembre 1882 à San Miguel de Anguinán, près de Chilecito, dans la province de La Rioja, en Argentine, le père de Vicente Almandos Almonacid est gouverneur de La Rioja entre 1877 et 1880 et entrepreneur minier à Famatina jusqu’à la crise de 1890, qui ruine la famille. Cette dernière s’installe alors à Buenos Aires où le jeune Vicente fréquente le Colegio Nacional de Buenos Aires, puis la Escuela Naval Militar. Cependant, le jeune homme n’y termine pas son cursus.

Il entre alors à la Facultad de Ciencias Exactas, Físicas y Naturales pour se consacrer à l’aéronautique et à la navigation aérienne. Il entreprend la construction d’un avion qu’il nomme ‘Aeromovil’ et, en 1913, décide de partir en France afin de perfectionner sa technique et ses connaissances de l’aéronautique. Il prend ses premières leçons de pilotage chez Farman, près de Versailles. L’Aéro-Club de France (ACF) lui décerne son brevet de pilote, reconnu officiellement par le gouvernement français.

PREMIER CONFLIT MONDIAL

En août 1914, lorsque l’Europe s’enflamme, de nombreux jeunes argentins rejoignent les armées françaises, italiennes, britanniques… et Vincente Almandos Almonacid s’engage dans la Légion étrangère, section aviation, au sein de laquelle il obtient son brevet de pilote militaire en septembre 1915. Le jeune adjudant pilote incorpore alors l’escadrille MF.29, spécialisée dans les bombardements et commandée par le capitaine Maurice Happe, surnommé ‘Roter Teufel (le Diable rouge) par l’armée allemande. Il participe ensuite à des vols de surveillance au-dessus de Paris, à des combats aériens et à des bombardements en Allemagne, notamment en vol de nuit, ce qui constitue une première à l’époque.

À la fin de la guerre, il intègre l’escadron MS.26 de Roland Garros. Promu au grade de capitaine, il se voit conférer la Médaille militaire, la Croix de guerre (avec de nombreuses palmes), l’insigne de la Légion d’honneur, l’insigne de la Ligue aéronautique de France ainsi que l’insigne du gouvernement de Grande-Bretagne.

En 1919, avec une escadrille française comptant vingt avions, quatre hydravions et quatre planeurs, en tant que chef de division de la Mission aéronautique française, il traverse l’Atlantique jusqu’à Buenos Aires, où il arrive le samedi 6 septembre 1919. Il a dans ses bagages deux avions que la France lui a offerts, dont un avion de chasse. Dans son discours d’accueil officiel, Joaquín Víctor González le surnomme la ‘Centinela de los Andes’. Ensuite, le Congrès national argentin l’intègre dans l’Aviation militaire. Il rencontre Lola Güiraldes et l’épouse en 1920.

LA TRAVERSÉE NOCTURNE DES ANDES

Au début de 1920, le chef de la Mission française le désigne, avec le lieutenant Fernand Prieur, pour poursuivre la mission au Chili. Gros problème : il faut traverser la cordillère des Andes. Avec son biplan Spad 220, le lieutenant Prieur rencontre beaucoup de problèmes mécaniques pour rejoindre Mendoza (Argentine). Ensuite il effectue un atterrissage forcé de nuit à deux mille mètres d’altitude et l’avion est détruit. Le chef de la Mission française ordonne alors à Prieur de prêter sa machine (un Breguet de 300 CV), plus puissante, à son compagnon argentin. Celui-ci refuse pour « ne pas priver la France » de la gloire de relier l’Argentine au Chili pour la première fois. Prieur reprend la préparation de cette mission.

La même année, le Lieutenant Jean Guichard et l’Argentin Jiménez Lest, des compagnons de guerre, négocient dans le cadre de la Mission aéronautique française et avec la Compagnie franco-argentine de transports, l’achat d’un avion pour Vincente Almandos Almonacid. Le président de la compagnie qui, avec panache et générosité, répond que « les avions français ne sont pas à vendre pour Almandos Almonacid, mais plutôt à recevoir comme un cadeau », transfère un Spad VII à moteur Hispano-Suiza de 220 CV par voie ferrée, jusqu’à Mendoza.

Le lundi 29 mars 1920, le “Cóndor Riojano” décolle à la tombée de la nuit depuis Mendoza pour se poser dans un champ de vigne près de la plage de Vergara (Chili), à côté d’un champ de vigne près de la mer, où il fait un atterrissage parfait dans l’obscurité.

Rapidement après sa lune de miel, le commandant de la Mission aéronautique française lui demande de traverser les Andes en vol de nuit, seulement guidé par ses instruments de vol. En mars 1920, il s’envole en début de soirée de Mendoza et réussit à atterrir sur une plage proche de Valparaíso, à Vina-del-mar. C’est la première fois que la cordillère des Andes est traversée en vol de nuit. Grâce à ce succès, Vincente Almondos Almonacid est surnommé ‘El Cóndor Riojano’.

L’AEROPOSTA ARGENTINA SA

En janvier 1925, notre aviateur collabore avec Joseph Roig, envoyé en Amérique du Sud par Pierre-Georges Latécoère, afin d’élaborer la ligne aérienne Natal (Brésil) à Buenos Aires. C’est là qu’il retrouve son ami d’escadrille française, Paul Vachet, participant lui aussi à ce projet.

Vols de reconnaissance

Sur place la mission engage le pilote Étienne Lafay, capitaine à la Mission Militaire Française. Les trois avions sont prêts pour reconnaître les futures lignes, terrain des Affonsos à Rio, Sao Paulo, Porto Alegre, Montevideo. Au total 20 plateformes sont reconnues. Cette mission est pleine d’embûches et plusieurs incidents se produisent. Ainsi, Vachet se pose au départ de Rio sur une plage, l’avion de Hamm s’enlise à Porto Alegre. Au retour de Buenos Aires le mauvais temps les oblige à se poser dans la nature. Puis le réseau nord est reconnu jusqu’à Recife. La ligne est défrichée. Bouilloux-Laffont suit de très près sa progression et remarque l’ardeur et la foi qui animent ses jeunes membres. Les incidents sont multiples, racket, barrages… L’Allemagne est déjà sur place. Une fois rentrée en France, malgré un rapport favorable d’implantation de la Ligne en Amérique du Sud, Le ministre de l’Air, Maurice Bokanowski, accepte le principe mais pose des conditions inacceptables pour Pierre Georges Latécoère. Marcel Bouilloux-Laffont prend la relève.

Pour bien comprendre l’atmosphère de cette période d’après-guerre, il faut lire « La Ligne », de Jean-Gérard Fleury et « Avant les Jets », de Paul Vachet :

Le ‘Cóndor de la Rioja’ ou le chevalier

Parmi les amis venus nous attendre à El Palomar s’en trouvait un qui m’était particulièrement cher : il s’agissait de Vicente Almandos Almonacid, argentin plus qu’aisé, dont je dois souligner l’affection personnelle qu’il portait à la France et aux Français. Sa situation de fortune lui avait permis d’obtenir, avant 1914, le brevet de pilote civil dans son pays. Au début de la guerre, il se trouvait en voyage de plaisir en France ; aussitôt la guerre déclarée il contracta un engagement dans la Légion Étrangère (comme l’Italien Olivero)… il fut volontaire, au début de 1915, pour être incorporé à la fameuse escadrille du capitaine Happe que ce dernier était en train de constituer. Et c’est ainsi que moi simple soldat et rampant à cette escadrille, c’est Vachet qui parle, j’avais connu l’adjudant Almandos Almonacid, un des huit pilotes de la célèbre escadrille MF 29, celle-là même ou j’appris quelques mois plus tard à piloter. Almandos Almonacid devait s’y distinguer à tel point qu’il parvint à la commander, deux ans plus tard, avec le grade de capitaine… il fut, en particulier, l’initiateur des vols et des bombardements de nuit… Après la guerre, en Argentine il s’était rendu célèbre par une traversée nocturne des Andes sur Spad, restée mémorable… À notre arrivée à El Palomar, Almandos Almonacid s’était enquis, sur un ton vif, auprès d’un adjoint du colonel T…, commandant la base des raisons pour lesquelles ce dernier refusait de laisser abriter nos avions sous un des hangars. Celui-ci lui répondit d’un ton très désagréable, trahissant ses sentiments à l’égard des Français et de la France, l’armée argentine était alors germanophile…

Le colonel T…, averti de l’intervention bruyante d’Almandos Almonacid, demanda des excuses… Il reçut le télégramme suivant :

« vous porterai réponse demain matin à six heures, avec deux témoins et armes de votre choix ».

Comme le colonel T… était champion national de sabre, il se promit d’infliger une correction à l’aviateur.

Lorsque, à l’heure dite, Almandos Almonacid se présenta avec une voiture arsenal où cliquetaient les lances, les épées et les pistolets, son adversaire, en qualité d’offensé, choisit naturellement l’arme des cavaliers, que le pilote n’avait jamais maniée de sa vie.

Mais la chance célèbre du Condor de la Rioja marquait ses audaces d’un signe favorable.

À peine les témoins s’étaient-ils écartés qu’Almandos Almonacid fonça en agitant les bras. Il reçut une éraflure au coude, mais déjà sa lame avait fendu le front de son adversaire au-dessus de l’œil droit. Un deuxième coup, aussi rapide, ouvrit l’arcade sourcilière gauche. Le sang ruissela, aveuglant l’officier. Le combat fut arrêté. Plus tard, il offrit à Roig son gant taché de pourpre : « Gardez-le. Il porte une marque de sang… Ce sang, je l’ai répandu pour notre aviation ». »

En septembre 1927, sous l’impulsion de Marcel Bouilloux-Lafont, est créée l’Aeroposta Argentina SA et Vincente Almondos Almonacid en est nommé fondateur, directeur et responsable technique. Au cours de l’année 1938, il représente l’Aérospostale en Argentine.

Après un an de tractations, en janvier 1929, Aeroposta Argentina SA peut commencer à exploiter ses lignes aériennes. Ainsi, Almonacid fait appel à des pilotes expérimentés comme les Français Antoine de Saint-Exupéry, Jean Mermoz, Henri Guillaumet ou Paul Vachet ainsi que les Argentins Pedro Ficarelli et Leonardo Selvetti pour les lignes Buenos Aires-Asuncion (Paraguay) et Buenos Aires-Rio Gallegos (Patagonie).

Lorsqu’en 1932 survient la guerre du Chaco, il se rend au Paraguay pour y offrir ses services. Nommé colonel honoraire, il y crée et organise la flotte aérienne du pays en tant que directeur général de l’aéronautique.

En 1938, il est nommé consul d’Argentine à Boulogne-sur-Mer, où il préside les journées de commémoration du général José de San Martin, le commandant de l’armée de libération du Chili.

De retour à Buenos Aires, Vincente Almandos Almonacid y décède le vendredi 16 décembre 1953, dans le dénuement le plus total.

ÉPILOGUE

Donc, si l’on étudie dans le détail l’exploit de Vincente Almondos Almonacid, on s’aperçoit qu’il a été réalisé un an et deux jours et demi, très exactement, avant la traversée des Andes par Adrienne Bolland. De même, le vol du lundi 29 mars 1920 s’effectue de nuit, à une époque où les pilotes ne disposent que d’instruments très rudimentaires.

À noter, cependant, que cette traversée est l’œuvre d’un pilote de guerre très aguerri, un bombardier rompu au vol de nuit, disposant d’un appareil encore moderne pour l’époque, disposant d’un moteur très puissant (près de trois fois le nombre de chevaux du Caudron G.3 de la ‘Déesse des Andes’).

Pour conclure, Vincente Almandos Almonacid souffre malheureusement d’un déficit flagrant de notoriété. Pourtant, « Français par le sang versé », ce héros de la Grande guerre au patriotisme sourcilleux, à la carrière civile bien remplie dans son pays d’origine, mériterait un meilleur traitement…

Éléments recueillis par Bernard Amrhein


SOURCES

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