Comme souvent, il faut un drame spectaculaire pour bousculer l’opinion publique et faire bouger les choses au plan gouvernemental. Tirant les leçons de l’échec cinglant des tentatives de sauvetage de Vincendon et Henry fin 1956, les autorités décident de confier les secours en montagne à des professionnels des forces de sécurité intérieure (FSI/police et gendarmerie), assistés de guides de haute montagne jouant le rôle de conseillers techniques. En 1971, un nouveau drame force les autorités à « nationaliser » l’ensemble de cette fonction. C’est ce que nous conte Anne Hédiard dans un article de France 3 Auvergne/Rhône-Alpes publié le jeudi 25 février 2021 et constituant un excellent résumé de cet épisode douloureux…
L’ARTICLE D’ANNE HÉDIARD
« Il y a tout juste 50 ans, la tentative d’ascension des Grandes Jorasses par la pointe Walker, de René Desmaison et Serge Gousseault, s’est terminée en drame. Un drame qui a fait polémique et changé définitivement l’organisation des secours en montagne.
Les Grandes Jorasses, une montagne mythique dans le massif du Mont-Blanc. En février 1971, René Desmaison, un guide très expérimenté, part à l’assaut du sommet par la face nord, la pointe Walker (4 208 m), en duo avec un jeune alpiniste, Serge Gousseault. Cette tentative se solde par un drame et une polémique. Et va déboucher sur la fin de l’intervention des guides dans les sauvetages en montagne.
Retrouvez ci-dessous le récit d’Amaelle Brignoli avec le témoignage de René Desmaison (2005) et de Blaise Agresti, ancien commandant du Peloton de gendarmerie de haute-montagne.
L’ascension hivernale de la pointe Walker par René Desmaison et Serge Gousseault débute le 9 février 1971. C’est à l’époque l’ascension la plus difficile jamais réalisée dans les Alpes.
Au bout de 10 jours, Serge Goussault faiblit. Après 1 100 mètres d’ascension, il a les mains gelées, et ne peut plus avancer. Les deux hommes se retrouvent bloqués à seulement 80 mètres du sommet.
UN LAPSUS GESTUEL
Le soir du 19 février un hélicoptère des secours s’approche pour vérifier que tout va bien mais les deux alpinistes et le pilote ne se comprennent pas. « C’est ce qu’on appelle un lapsus gestuel », explique Blaise Agresti, ancien commandant du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM). L’hélicoptère redescend donc dans la vallée de Chamonix. Et tout le monde pense que, proches du sommet, les alpinistes vont réussir.
Trois jours passent. Un second hélicoptère est envoyé. Cette-fois-ci, les secours captent la détresse des alpinistes mais il est déjà trop tard pour Serge Gousseault mort d’épuisement et de froid. Le 25 février un hélicoptère de la sécurité civile parvient enfin à se poser au sommet. René Desmaison est sauvé de justesse.
LA POLÉMIQUE
Un règlement de compte entre guides serait-il à l’origine du retard des secours ? René Desmaison est persuadé qu’on a voulu sa mort. Aujourd’hui encore, le mystère plane autour de cette affaire. Elle est en tout cas à l’origine d’un changement dans l’organisation des secours.
En effet, jusqu’ici les équipes étaient composées de guides et de gendarmes, à partir de 1971, c’est terminé, ce sont les gendarmes qui prennent définitivement la mission, explique Blaise Agresti. Cette affaire survient en effet quelques années après l’affaire Vincendon et Henry, dont l’agonie en montagne a été imputée à la désorganisation des secours, et qui marque l’entrée des gendarmes dans le secours en montagne avec la naissance du PGHM de Chamonix.
… »
ÉPILOGUE
Le sauvetage de René Desmaison dans les grandes Jorasses marque une étape dans l’organisation du secours en montagne, maintenant totalement du ressort de l’État, garant de l’impartialité de la décision d’engager des hommes et des moyens pour sauver des vies.
De même, l’accent est mis, et depuis les années 1970, sur la formation et l’information des alpinistes et des randonneurs néophytes, la plupart connaissant désormais les gestes permettant de communiquer avec les aéronefs en général, et les hélicoptères de secours en particulier.
La connaissance du document officiel ci-dessous permet et permettra de se tirer d’affaire en cas de nécessité…
Éléments recueillis par Bernard Amrhein
SOURCES
- Le drame des Grandes Jorasses il y a 50 ans, un tournant dans l’organisation des secours en montagne
Écrit par Anne Hédiard
France 3 Auvergne/Rhône-Alpes
Publié le 25 février 2021
- Le 25 février 1971, Desmaison est évacué après 14 jours d’ascension
Il y a 40 ans, l’affaire des Grandes Jorasses
Antoine Chandellier, ‘Le Dauphiné Libéré’, article publié le 25 février 2011
https://www.ledauphine.com/haute-savoie/2011/02/24/il-y-a-40-ans-l-affaire-des-grandes-jorasses