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    5 décembre 1909 -George Augustine Taylor effectue le premier vol d’un plus lourd que l’air en Australie

    Dans les premières années du XXe siècle, nombreux sont les pionniers à se lancer à la conquête des airs aux commandes d’appareils motorisés. Dans ce contexte, les adeptes du vol à voile à la manière de l’Allemand Otto Lilienthal font déjà figure d’inventeurs dépassés par les événements, car il s’agit bien d’aller le plus loin possible en trouvant à l’aéronautique des usages utiles à la collectivité. C’est pourtant cette voie que choisit George Augustine Taylor, le premier aviateur à survoler le sol australien…

    JEUNESSE ET VIE PROFESSIONNELLE

    George Augustine Taylor naît à Sidney le (Australie)  1er août 1872. Il est le second fils de George Faulty Taylor, un producteur de fruits lui-même né en Australie, et de l’épouse irlandaise de ce dernier, Annie Maria, née McFadden.

    Il entame des études à la Marist Brothers’ St Mary’s High School and Sydney Technical College, puis se destine à la vente immobilière. Tout au long des années 1890, il vit principalement de la caricature, en particulier pour le Bulletin’ et ‘Punch’ (Londres); fréquente divers cercles artistiques et littéraires, appartient au Dawn and Dusk Club, puis devient membre du conseil de la Royal Art Society of New South Wales.

    Vers 1900, Taylor tourne casaque. En effet, fasciné par la technologie, il voit dans la Télégraphie sans-fil (TSF) et la téléphonie des raisons d’affermir sa foi dans le spiritisme. En tant qu’homme d’affaires, il fabrique de la ‘bagasse’, un concentré de fibres qu’il utilise pour confectionner des représentations de la faune et de la flore australiennes. En outre, le nationalisme imprègne toute son œuvre.

    Le 3 avril 1907, il épouse Florence Mary Parsons, une Anglaise qui deviendra la première architecte australienne. Il publie ensuite le Construction and Local Government Journal, Australasian Engineer and Radio Journal of Australia. Parmi ses publications, notons Building, une œuvre soutenant le New Journalism (non seulement au plan conceptuel, mais aussi au plan opérationnel) et encourageant le modernisme dans l’architecture et l’urbanisme. Ainsi, le journal accueille avec enthousiasme la construction d’une capitale nationale à Canberra, offre une tribune à Walter Burley Griffin et publie certains articles structurants de ce dernier (1912-1914). En outre, Taylor contribue à la fondation de l’Institute of Local Government Engineers of Australasia en 1909 et de la Town Planning Association of New South Wales en 1913.

    TAYLOR ET LA NAISSANCE DE L’AVIATION

    C’est également en 1908 que Taylor commence à s’intéresser à la technologie appliquée au domaine militaire, et en particulier à l’aviation. C’est dans cette perspective qu’il crée une usine destinée à fabriquer des engins légers, se lance dans le vol à voile et fait l’éloge de Lawrence Hargrave.

    Le lundi 5 décembre 1909, George Augustine Taylor effectue, à Narrabeen Beach, le premier vol plus lourd que l’air en Australie. Plus d’une centaine de spectateurs et des représentants de la presse sont rassemblés pour assister à ce qui, sur le coup, est considéré comme un véritable exploit. En le suivant de peu, son épouse Florence devient la première aviatrice australienne.

    L’engin de Taylor est un planeur biplan. Construit à partir de morceaux de bois assemblées par des pièces métalliques et recouvert d’une toile huilée, l’appareil est équipé d’une queue de cerf-volant pour le maintenir en équilibre et a une envergure de plus de vingt pieds (soit un peu plus de six mètres).

    Comme Otto Lilienthal quelques années plus tôt, Taylor choisit de s’élancer du haut d’une colline, en l’occurrence depuis le sommet d’une dune de sable située à l’extrémité nord de la plage. L’appareil une fois en place et le vent venant (enfin) de face, le pilote demande à ce que les cordages le retenant soient lâchés et, une fois en l’air, le manœuvre en déplaçant son propre poids.

    D’après certaines sources, entre 20 et 29 vols ont lieu ce jour-là, effectués par des vents compris entre 10 et 15 nœuds (soit entre cinq et huit mètres/seconde) et atteignant une distance comprise entre 100 et 250 mètres. Les différents vols sont effectués non seulement par George et Florence Taylor, mais aussi par Edward Hallstrom (plus tard Sir Edward Hallstrom), ainsi que par Charles et Emma Schultz.

    En relatant le vol triomphant de Taylor, le journaliste d’aviation Jack Percival écrit, dans The Sydney Morning’ :

    « Au moment de lâcher prise, le vent a immédiatement soulevé la machine sur toute la longueur des câbles de guidage et a traîné les opérateurs si vite que deux d’entre eux ont lâché prise ; la machine s’est alors envolée vers l’océan et, au bord de l’eau, les câbles de guidage restants ont été desserrés, la machine faisant un bond vers le haut. Monsieur Taylor, par des manœuvres minutieuses, a bien maîtrisé la machine. »

    Dans les mois suivant l’exploit, plusieurs aéroplanes à moteur sont importés en Australie à des fins de démonstration et sont pilotés par Colin Defries à Sydney, Harry Houdini dans l’État du Victoria et Fred Custance en Australie-Méridionale. Pour sa part, John Duigan devient le premier Australien à concevoir et à construire un aéroplane motorisé, qu’il fait voler à Mia Mia (Victoria) le 16 juillet 1910.

    LA LIGUE AÉRIENNE AUSTRALIENNE

    Toujours en 1909, George Augustine Taylor promeut l’Aerial League of Australia (Ligue aérienne d’Australie, fondée le 28 avril) et exhorte le gouvernement fédéral à établir une force aérienne locale.

    En tant qu’inventeur, il s’applique à faire voler des machines et, avec plus de succès, s’intéresse aux utilisations militaires de la radio et de la téléphonie. C’est dans ce cadre qu’il fonde, en 1910, le Wireless Institute of New South Wales et qu’il est élu à la Royal Geographical Society de Londres pour avoir établi des cartes militaires et, enfin, à la Royal Astronomical Society pour sa théorie sur la vie lunaire…

    À ses moments perdus, sa plume produit des fictions scientifiques étranges présentant la technologie comme seule capable de sauvegarder l’Australie des visée géopolitiques de l’Empire d’Allemagne et lEmpire du Japon.

    UNE CARRIÈRE D’OFFICIER

    En 1914, George et Florence voyagent à l’étranger, notamment aux États-Unis d’Amérique car l’inventeur admire depuis longtemps le progressisme du président Theodore Roosevelt. Lieutenant honoraire du Corps de renseignement australien à partir de décembre 1909, il devient officier de carrière en janvier 1912.

    Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, il rejoint le 7th Light Horse Regiment (Australia) en octobre 1914, est détaché à l’état-major général de la section du renseignement pour la durée et de la guerre et devient un ardent patriote. Sa nouvelle œuvre de science-fiction dépeint une Europe déchirée entre des ‘militants scientifiques’ et des pacifistes humanistes sympathisant avec l’Allemagne. Ce qui conduit certains commentateurs à insinuer que sa tendance ultra-conservatrice le conduit alors à défendre des idées pré-fascistes…

    Le 30 mai 1916, Taylor publie un nouvel hebdomadaire dénommé ‘Soldier’ (‘Soldat’), consacré à la préservation et au développement du patriotisme australien et impérial. Son magazine plaide pour un rapatriement intelligent du contingent australien déployé en Europe, exhortant les vétérans à s’impliquer dans la politique comme dans une nouvelle forme de guerre, sous la conduite de véritables héros militaires, comme Ambrose Carmichael, (Sir) John Monash ou (Sir) Charles Rosenthal.

    En 1918, il publié ‘Those Were the Days’, un récit du monde culturel du Sydney des années 1890. Après l’Armistice, il propose la construction de monuments commémoratifs et son expérience en matière d’urbanisme l’incite à promouvoir la sauvegarde des bâtiments historiques.

    LES ANNÉES D’APRÈS-GUERRE

    Pour autant, la passion de Taylor pour technologie demeure intacte. Ainsi, en 1919, il participe à la fondation de l’Institution of Engineers, en Australie et, en 1922, de l’Australian Inventions Encouragement Board. En revanche, l’Association for Developing Wireless in Australia (1923) est sa propre création et il insiste sur le fait que la radiodiffusion devrait servir les fins de la collectivité et non celles d’intérêts particuliers, comme c’est le cas pour l’Amalgamated Wireless (Australasia) Ltd. Toujours expérimentateur, il poursuit ses travaux d’avant-guerre sur la proto-télévision, qui auraient pu aboutir à la transmission couleur dès le milieu des années 1920…

    Entre-temps, il devient un fervent défenseur du pacifisme et du localisme. À l’occasion de son voyage à l’étranger, en 1922, il proclame l’Australie site idéal pour une ville dédiée à la paix et soutient ardemment la création de la Société des Nations (SDN). D’un autre côté, souhaitant améliorer la maison individuelle, en particulier à travers des dispositifs ergonomiques, les Taylor assistent à la British Empire Exhibition (Exposition impériale britannique) de 1924 en tant qu’experts australiens dans ce domaine. Le magazine Soldier cesse sa publication en janvier 1925; cédant la place à Australian Home.

    Intensifiant sa croisade en matière de radiodiffusion, Taylor se bat pour inciter la commission royale fédérale de 1927 à se tourner vers le sans-fil. Son action conduit à la création d’une Communications Commission (Commission des transmissions) et incite le gouvernement à poursuivre la recherche  matière de transmissions radio. Ses observations secondaires prévoient également le développement de l’énergie atomique et réaffirment son spiritualisme.

    Malheureusement épileptique, George Augustine Taylor se noie dans la baignoire de sa maison de Sydney le 20 janvier 1928, puis est est incinéré selon les rites anglicans. Charles Edwin Woodrow Bean, Mary Booth, Lister Lister, John Smith Purdy, David George Stead et Charles Rosenthal font partie du comité chargé d’honorer sa mémoire.

    CONSTRUCTION DE TROIS RÉPLIQUES

    Afin de commémorer le Centenaire du vol de George Augustine Taylor, l’Australian Gliding Museum projette de construire trois répliques grandeur nature du planeur.

    Des fonds sont levés via des actions de mécénat et des donations pour acquérir les matériaux nécessaires, la construction proprement dite étant confiée à des bénévoles du musée, principalement des retraités de l’industrie aéronautique.

    Les planeurs sont reconstruits à partir de plans dessinés par l’ingénieur aéronautique David Craddock et d’après des recherches effectuées par des membres du Gliding Museum.

    Les répliques sont fabriquées avec des matériaux aussi proches que possible de ceux utilisés dans l’original de Taylor : pin et frêne laqués epoxy, tissu de coton imbibé de nitrate de cellulose, rayons de bicyclette nickelés, fils et supports en acier, attaches en cuivre et boulons en acier de qualité aéronautique moderne.

    ÉPILOGUE

    Bien entendu anecdotique dans le cadre du sujet qui anime généralement nos articles, l’histoire du premier vol d’un plus lourd que l’air en sur l’île continent australe montre bien que sous tous les cieux, à la même période, les Hommes ont tout mis en œuvre pour découvrir le secret des oiseaux. À la suite d’Otto Lielienthal, George Augustine Taylor comprend les principe du vol et les applique pour couvrir une distance somme toute extrêmement modeste.

    Ce qu’il faut retenir de cette histoire, c’est que le vol sans moteur exige de s’élancer d’une pente, fusse-t-elle modeste, afin d’acquérir de la vitesse et, par conséquent de la portance. Un art que maîtrisera parfaitement, quelques années plus tard, Joseph Thoret, dit ‘le pilote des tempêtes’ et ‘Thoret mont Blanc’

    En conclusion, George Augustine Taylor nous propose l’exemple d’un homme aux multiples facettes, d’une nature douce, généreuse et droite, qui aura construit un pont entre les arts et la science, l’artisanat et la technologie, entre la guerre et la paix, entre le radicalisme et le fascisme, la terre et l’infini…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

    SOURCES

    • First To Fly in Australia, Sunday December 5th1909

              George Augustine Taylor and Florence Mary Taylor

    https://www.pittwateronlinenews.com/first-flight-in-australia-at-narrabeen.php

    • George Augustine Taylor (1872-1928

              by Michael Roe

    https://adb.anu.edu.au/biography/taylor-george-augustine-8756

    • George Augustine Taylor

    Wikipedia

    https://en.wikipedia.org/wiki/George_Augustine_Taylor 

    • Taylor’s biplane glider replica

    https://www.nma.gov.au/explore/collection/highlights/taylors-biplane-glider-replica

    • Fascism and Australian Town Planning Propagnadists: some Implications

    Elisabeth Kenworthy Theater

    https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-8497.1994.tb00108.x

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    Pilote de montagne (PDM) est une association à but non lucratif accueillant tous les amoureux de l’aviation en général, et du vol en montagne en particulier.

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