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    8 février 1912 – Le Grec Emmanouil Argyropoulos à l’assaut de l’acropole, à Athènes

    Au début du XXe siècle, nombreuses sont les initiatives individuelles en matière aéronautique, et ce dans de nombreux pays répartis sur tous les continents. La fièvre aviatrice touche également la Grèce, où un jeune homme, certes d’une famille aisée, abandonne ses études d’ingénieur pour devenir le premier pilote à survoler sa patrie. Malheureusement, les politiques, pour leur part, trouvent dans ce nouveau moyen de locomotion une arme innovante susceptible de changer le cours des opérations militaires… Une vision qui lui coûtera la vie l’année suivant son exploit…

    GENÈSE DE L’AVIATION EN GRÈCE

    Quelques années seulement après le premier vol historique des frères Orville et Wilbur Wright (le lundi 17 décembre 1903), la Grèce décide de créer une force aérienne. C’est en 1911, que les premiers officiers grecs sont envoyés en formation à l’École de l’Air d’Étampes (France) et que les premiers avions militaires français sont commandés au constructeur français Henri Farman.

    Les premiers officiers à rejoindre les futures forces aériennes helléniques sont Dimitrios Kamberos (lieutenant d’artillerie), Mihail Moutousis (lieutenant du génie), Mihail Adamidis (sous-lieutenant de cavalerie) et, un peu plus tard, Loukas Papaloukas (lieutenant d’infanterie), Markos Drakos (lieutenant d’artillerie) et Panoútsos Notarás (sous-lieutenant de cavalerie).

    En mai 1912, lors des grands exercices militaires en Attique, les forces armées grecques utilisent pour la première fois un avion militaire. Dans ce cadre, c’est à Dimitrios Kamberos, le premier aviateur militaire grec, comme on l’a vu, formé en France, que revient l’honneur d’effectuer, le lundi 14 mai, le premier vol d’un avion militaire  livré aux Hellènes.

    Cependant, l’ingénieur civil Emmanoul Argyropoulos coiffe les militaires grecs sur le poteau en effectuant le premier vol d’un avion en Grèce le jeudi 8 février 1912, un événement bien sûr largement commenté dans la presse locale…

    PREMIER SURVOL DE LA GRÈCE

    Né en 1886, Emmanouil est le fils de Georgios Argyropoulos, alors ambassadeur de Grèce en Russie (Saint-Pétersbourg). Il étudie le génie civil en Allemagne, mais abandonne cette voie et se rend à Paris pour y étudier l’aéronautique. À la fin du mois de janvier 1912, il obtient sa licence de pilote et retourne en Grèce avec l’avion qu’il vient d’acquérir à titre privé, un Nieuport IV.G de 50 CV.

    Après avoir décollé du quartier Rouf, à Athènes, il effectue un vol de 16 minutes autour de la ville, tout en survolant l’Acropole et le quartier de Thissio. Une heure plus tard, il accomplit un second vol, cette fois-ci avec le Premier ministre Eleftherios Venizelos, le ‘Chantre du panhellénisme’, comme passager. C’est à partir de ce moment que le pilote baptise son appareil Alkyon’ (Alcyon’), certaines sources affirmant qu’il s’agit-là d’une initiative du Premier ministre en personne…

    Le compte rendu de cet exploit nous est fourni par Yannis Glavinas, Docteur en histoire moderne et contemporaine de l’École d’histoire et d’archéologie de l’Université Aristote de Thessalonique :

    « Hier matin, le premier pilote privé grec, M. Argyropoulos, s’est envolé aux commandes de son appareil. Il s’agissait d’un vol d’essai couronné de succès. Le vol devait avoir lieu à 8 heures du matin sur une prairie du camp militaire du Rouf. Plusieurs personnes s’étaient rassemblées pour assister au spectacle, au rang desquelles le Premier ministre. Dans un reportage paru dans le journal ‘Scrip’ le 8 février 1912 et traitant du premier vol d’un avion en Grèce, dont Emmanuel Argyropoulos était le pilote. Le même jour, le Premier ministre Eleutherios Venizelos a également participé à un second vol. Le [lundi] 12 février, Argyropoulos répète son vol au zoo de Phaleron, en présence de la famille royale et de milliers d’Athéniens. Le journal ‘Empros’ écrit : « À 16 h 25, le frère de M. Argyropoulos lance l’hélice, qui s’emballe à une vitesse folle et un vacarme assourdissant. Les spectateurs sont vraiment anxieux. L’avion entame sa course et prend son envol sur la piste tandis que l’assemblée est prise de panique. Après une course de 70 mètres sur le sol, l’avion, résultat d’une brusque action sur le gouvernail, entame majestueusement sa montée… » »

    Enthousiasmé par le concept de guerre aérienne, Eleftherios Venizelos affirme que la Grèce devrait tirer avantage de cette nouvelle arme :

    « L’avion est indiqué comme une arme des faibles. La nature dangereuse et audacieuse du grec fera de cette arme brillante en guerre, à l’avenir pour offrir un grand service ».

    GUERRES BALKANIQUES ET MORT EN MISSION

    En octobre 1912, lorsque se déclenchent les guerres balkaniques, Emmanouil Argyropoulos insiste auprès du Premier ministre pour s’engager dans l’aviation militaire. Une disposition en date du lundi 21 octobre 1912 (et signée à Kozáni, le gouvernement grec de l’époque y ayant transféré son siège après la libération de Thessalonique, permet à Argyropoulos de rejoindre l’armée en tant que lieutenant-ingénieur.

    Les autres types d’avions utilisés pendant les Guerres balkaniques sont deux appareils Maurice Farman, un Henri Farman HF.20, un hydroplane Astra, un hydroplane Maurice Farman (Hydravion/F-7), et le monoplan Nieuport IV.G d’Argyropoulos. Son avion avion étant endommagé, l’aviateur prend les commandes d’un Blériot XI-2 ottoman capturé lors de la libération de Thessalonique, le samedi 26 octobre 1912. Appelé ‘Vat’ (‘Pays’), l’avion avait été offert au gouvernement ottoman par Nouri Pacha et, d’après les sources turques, « a été incendié pour ne pas tomber entre les mains de l’ennemi », ce qui n’était manifestement pas le cas. Grâce à son Blériot aux couleurs ottomanes, Argyropoulos exécute, sans être inquiété outre mesure, de nombreuses missions de guerre, les Turcs ne tirant pas sur un avion qu’ils pensent être des leurs…

    Malheureusement, le vendredi 4 avril 1913, au cours d’une mission de reconnaissance, son avion chute de 600 mètres en volant au-dessus de la région de Langadás, près de Thessalonique.

    Argyropoulos et son coéquipier, l’athlète, poète, écrivain politique, militaire et littéraire Konstantinos Mános (qui a combattu en Crète, en Macédoine et en Épire et a grandement contribué à la libération de Prezeva) périssent sur le coup. Le pilote devient ainsi la première victime de l’aviation militaire grecque (ce qui est un détail important…), ce qui marque également la fin des activités aériennes dans les guerres balkaniques.

    Un article du New York Herald en date du vendredi 18 avril 1913 relate la fin du pilote et de son coéquipier :

    « Salonique, le 17 avril. […] le lieutenant Arghyiropoulous [sic], un aviateur grec, et un passager, Constantinos Manos, un chef crétois réputé, ont été tués aujourd’hui par la chute d’un avion d’une hauteur de près de 2 000 pieds.

    Les deux décès, enregistrés ci-dessus, portent le nombre de morts dans l’histoire de l’aviation à 251. Depuis le début de l’année, trente-trois noms ont été ajoutés à la liste. »

    En effet, la première victime grecque de l’aviation tout court est Alexandros Karamanlakis, un journaliste qui s’était également rendu en France pour s’entraîner, et qui avait rapporté en Grèce un monoplan Blériot XXI. Le jeudi 29 août 1912, au cours d’un vol longue distance entre Athènes et Patras, il était tombe en panne au-dessus du golfe de Corinthe, s’écrase en mer et, prisonnier des câbles et de l’entoilage de son appareil, s’y noie…

    ÉPILOGUE

    Il peut paraître bizarre de publier un article sur un pionnier grec de l’aviation sur un site Internet consacré au pilotage en montagne, mais nous ne résistons pas au devoir de faire connaître, à un large public, les exploits d’un jeune pilote disparu trop tôt pour avoir vu son rêve virer au cauchemar. Certes, l’Acropole n’est qu’une colline chargée de tant de symboles, mais gageons qu’il a pu survoler des sommets plus majestueux dans le nord de la Grèce, le mont Olympe peut-être…

    Revenons à l’article. Ce qui frappe, c’est la mauvaise qualité des photographies disponibles, signe que certains professionnels grecs de l’époque ne savaient pas cadrer leurs sujets et que les tirages étaient de piètre qualité. Notons également que les journalistes locaux n’ont pas eu le réflexe de prendre une photo de l’aéronef volant au-dessus de l’Acropole. Ça aurait eu de la gueule, non ?

    Saluons enfin l’esprit de sacrifice du jeune Emmanouil Argyropoulos qui, non content de mettre son avion à la disposition des forces aérienne helléniques naissante, fait également don de sa personne à la Patrie en danger. Pensait-il, en se lançant dans l’aéronautique fin 1911, que celle-ci serait si rapidement détournée de ses usages civils et qu’il décéderait, auréolé la gloire de son exploit athénien, aux commandes d’un appareil pris à l’ennemi, à peine un an et demi plus tard…

    Éléments recueillis par Bernard Amrhein

     

    SOURCES

    • Emmanuel Argyropoulos

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Argyropoulos

    • Emmanuel Argyropoulos – 1913

    https://www.earlyaviators.com/eargyrop.htm

    • On this day in 1912, the fisrt flight is performed over Greece

    https://greekcitytimes.com/2023/02/08/1912-first-flight-greece-over-2/

    • Document Daysofarts

    https://daysofart.gr/en/news/history-news/the-first-successful-aeroplane-flight-in-greece-from-the-general-archives-of-the-state/

    • Γαλανόλευκα Φτερά

    https://bluewhitewings.com/bleriot-xi-2/

    • Σαν σήμερα, το 1912, ο Εμμανουήλ Αργυρόπουλος πραγματοποιεί την πρώτη πτήση στην Ελλάδα

    https://www.pontosnews.gr/434853/san-simera-ston-ponto-kai-allou/san-simera-to-1912-o-emmanouil-argyropoul/

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    Pilote de montagne (PDM) est une association à but non lucratif accueillant tous les amoureux de l’aviation en général, et du vol en montagne en particulier.

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