13 juin 1934 : Un bombardier français s’écrase sur le pic de Lita (65/Hautes-Pyrénées)


Dans l’Entre-deux-guerres, les aviations militaires nationales se développent pour atteindre des objectifs dits « stratégiques », ce qui impliquent que les appareils doivent couvrir de longues distances et voler de plus en plus longtemps. C’est dans le cadre de l’un de ces entraînements qu’un appareil appartenant à la 12e Escadre, 5e Escadrille du centre de Reims (51/Marne), s’écrase sur une montagne pyrénéenne de la région de Mauléon-Barousse (65/Hautes-Pyrénées), le mercredi 13 juin 1934. Pilote de montagne (PDM) retranscrit trois articles publiés à cette occasion.

PREMIER ARTICLE DE L’ILLUSTRATION

« 13 juin 1934 – À 13 heures, un grand avion bimoteur de bombardement, parti de Reims pour un circuit d’entraînement de 2 000 kilomètres à travers la France, quittait Toulouse pour Pau. Une heure plus tard, l’appareil s’écrasait sur une crête secondaire du pic de Lita, non loin de Mauléon-Barousse, à 2 000 mètres d’altitude. Le chef de bord, adjudant Bergeron, et le navigateur, sergent-chef Rémy, furent tués. L’adjudant Chevalier, pilote, et le sergent Henry, ont survécu. Des déclarations de l’adjudant Chevalier, telles que les a recueillies sur place un envoyé de la Dépêche de Toulouse, nous croyons utile de reproduire le passage suivant : « Obéissant aux ordres du navigateur, j’ai survolé la montagne de Ferrère. La marche de l’avion était normale lorsque tout à coup, par suite d’un remous provoqué par les bourrasques du vent qui venait d’Espagne, l’avion a été précipité dans un « trou d’air » et plaqué contre la montagne ». Ainsi, il a fallu que survive un acteur du drame pour que soit porté un témoignage, particulièrement net, de la puissance des tourbillons, révolins et courants – descendants ou ascendants – en haute montagne. Nous souhaitons que la leçon d’un aussi tragique accident ne soit pas perdue » – L’illustration.

ARTICLE DE LA ‘GAZETTE DES VALLÉES’

« Ferrère 14 juin – L’accident d’aviation qui s’est produit en haute montagne, hier mercredi, à 2 heures de l’après-midi, a fait deux victimes : l’adjudant René Bergeron, chef de bord, demeurant 5 rue de l’Écu, à Reims, et le sergent-chef Jean Rémy, qui était au poste de navigation. Tous deux ont été tués sur le coup et leurs corps sont encore sur le flanc du Pic de Lita, à 2 000 mètres d’altitude, près du Monné. Lorsque nous sommes arrivés hier au chalet Saint-Nérée, la nuit étant venue, l’adjudant pilote Chevalier était soigné au chalet d’où il a pu télégraphier au commandant du centre de Reims les premiers renseignements sur l’accident. « L’avion est tombé dans un trou d’air » nous dit le pilote. « L’avion nous a-t-il dit, appartenait à la 12e escadre, 5e escadrille du centre de Reims. Nous étions partis de Reims pour effectuer, en service commandé, un raid de 2 000 kilomètres. Arrivés à Saint-Raphaël, nous en sommes repartis hier matin, à 8 heures. Après avoir fait escale à Toulouse pour le plein d’essence, nous avions repris l’air à 13 heures, dans la direction de Pau pour, de là, rejoindre notre base, par Bordeaux et le centre de la France. Obéissant aux ordres du navigateur, j’ai survolé la montagne de Ferrère. La marche de l’avion était normale lorsque tout à coup, par suite d’un remous provoqué par les bourrasques de vent qui venaient d’Espagne, l’avion a été précipité dans un « trou d’air » et plaqué contre la montagne. Vous savez le reste ». L’adjudant Chevalier, simplement contusionné s’inquiéta de l’état de son camarade, le sergent Raymond Henry, qu’il avait dû abandonner blessé pour aller chercher du secours.

Un berger se porte au secours de l’équipage

Le pilote avait été heureusement secouru dans ces lieux déserts par un berger, M. Sabin Huchan de Ferrère qui gardait le troupeau du canton de Mauléon-Barousse. Avec lui il avait pu descendre à l’établissement thermal de Saint-Nérée, qui se trouve à trois heures de marche du lieu de l’accident et y recevoir de la propriétaire, Mme Fourrier, les soins les plus empressés.

Les secours sont organisés

Cependant, dès que la nouvelle de l’accident a été portée au chalet de Saint-Nérée, à 5 heures de l’après-midi, une caravane de secours a été aussitôt organisée par la gendarmerie de Loures-Barousse et par le brigadier forestier Arrieu. Le pic de Lita a pu être atteint par les sauveteurs avant la nuit. Le sergent Henry a été transporté dans la cabane du berger dite du Pin puis descendu sur une civière improvisée, avec des difficultés inouïes par des sentiers scabreux jusqu’au chalet de Saint-Nérée par le chef de brigade de gendarmerie Astibat, le brigadier forestier Arrieu, le garde-forestier André Dor de Mauléon-Barousse, par MM. Bertrand Soulé, Pierre Seube, René et Siméon Campan de Ferrère et par Mr Bordère, coiffeur à Mauléon. Ces intrépides sauveteurs ont dû se relayer près de 100 fois pendant leur difficile trajet. M. le docteur Trey-Vignales de Loures-Barousse, qui a soigné les deux blessés ne croit pas à la gravité de leurs blessures. M. le Capitaine de gendarmerie Sarthou, de Bagnères, qui a commencé une enquête sur l’accident, a commandé une équipe de 26 intrépides montagnards pour effectuer le difficile transport des deux morts.

Ferrère le 15 juin – au sommet du pic de Lita

Ce matin donc, dès les premières clartés de l’aurore, nous nous sommes mis en route en compagnie de M. le capitaine de gendarmerie Sarthou commandant de la brigade de l’arrondissement de Bagnères, de M. le Sous-Préfet Lagarde et sous la conduite d’un pâtre de Ferrère, M. René Pène, qui avait déjà participé au transport du sergent-chef Henry. Nous avons atteint le lieu de l’accident à 7 heures et quart seulement après de rudes efforts dans cette montagne abrupte. Déjà, quatre jeunes gens de Mauléon-Barousse, le soldat permissionnaire Jean Rebourg, du 16e tirailleurs sénégalais, à Montauban, Jospeh Cinotti, Aimé Saint-Germès et Auguste Sajous nous avaient précédés. Ils se trouvaient en compagnie des gendarmes Guinle et Bacquerie, autour de l’avion. Ce dernier, comme un oiseau géant foudroyé, étalait ses ailes intactes au-dessus du précipice ; son fuselage est brisé ; son moteur écrasé sur le rocher; sous ce dernier est coincé l’adjudant-chef du bord, René Bergeron. Ce sous-officier a la poitrine écrasée ; d’une main désormais rigide, il est encore cramponné à un auvent. Sous les ordres du capitaine Tartou, les gendarmes, aidés des quatre jeunes gens de Mauléon-Barousse, ont pu dégager avec beaucoup de précautions le corps de la victime. Au fond du précipice gît le cadavre du sergent Rémy que l’on a recouvert d’un drap. Il est affreusement mutilé. Son crâne a éclaté ; ses membres sont brisés. Ce malheureux aviateur, qui était au poste de navigation, avait été projeté hors de l’appareil sur les rochers. L’adjudant Bergeron, qui a été également tué, occupait dans la carlingue la troisième place entre le pilote Chevalier et le sergent Henry qui n’ont eu que des blessures légères. Ils ont été en tout cas gardés encore au chalet Saint-Nérée où ils sont bien soignés par le personnel de l’établissement. Les familles des aviateurs ont été descendus dans l’après-midi à Ferrère par les équipes de montagnards réquisitionnés par la gendarmerie.

Au chalet saint-Nérée

Les corps de l’adjudant René Bergeron et du sergent-chef Jean Rémy ont été descendus, ce matin, de la haute montagne par les équipes de secours. Ils ont été déposés au chalet Saint-Nérée, à midi. Le commandant du centre d’aviation de Pau, accompagné de plusieurs officiers aviateurs est arrivé également par la route, vers la même heure. Il a salué la dépouille des deux aviateurs et s’est enquis de la santé de leurs deux camarades blessés, l’adjudant Chevalier et le sergent Raymond Henry. Ce dernier se plaignait plus vivement des blessures qu’il a aux jambes et aux reins. Une ambulance militaire les a transportés dans la soirée, à l’hôpital de Tarbes ». Les corps des deux autres aviateurs furent mis en bière aux Chalets Saint-Nérée et descendus à Loures-Barousse où une chapelle ardente fut dressée. Après que les honneurs leur furent rendus par les officiels, ils partirent par le train jusqu’à Reims, accompagnés par leurs familles. » – Gazette des Vallées.

ARTICLE PARU DANS ‘OUEST-ÉCLAIR’

« Le 14 Juin. Un avion de la 12e Escadrille du Centre de Reims, ayant comme membres d’équipage l’adjudant Bergeron, chef de bord, le sergent-chef Remy, le sergent Henri Fet, l’adjudant Chevalier, pilote, effectuait un raid de 2 000 km sur le parcours Reims, Saint-Raphaël, Toulouse, Pau lorsque, au cours de la dernière étape en survolant Ferrère, alors que l’appareil marchait régulièrement un remous d’air a précipité l’avion contre le rocher du Bestibergues à la montagne du Pin à 2 000 mètres d’altitude. L’adjudant Chevalier a pu se dégager et, accompagné par un berger accouru, il a gagné le chalet de Saint-Nérée et a averti la gendarmerie. » – Ouest Éclair.


SOURCE

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