ÉDITORIAL 10 – L’avion électrique sauvera-t-il l’aviation de montagne ?


Un article d’Aérobuzz en date du vendredi 14 mai 2021 annonce l’établissement, entre le mardi 1er juin et le vendredi 15 octobre 2021, d’une Zone restreinte temporaire (ZRT) autour du sommet du mont Blanc, « pour tous les aéronefs, sauf pour les secours, le travail aérien du secteur et les aéronefs électriques avec équipage à bord… », ce qui exclut de facto les drones aériens.

MESURES INSTAURÉES PAR LE SUP AIP 120/2021

Nous ne reviendrons pas sur les arguments ayant conduit les autorités à décréter ce SUPplement to Air Information Publication (SUP AIP).

En substance, ce document annonce la création d’une Zone réglementée temporaire (ZRT) en complément de l’arrêté préfectoral concernant la zone de protection d’habitats naturels du mont-Blanc (site d’exception) ainsi que la modification de zones réglementées. Cette ZRT sera active du 1er juin au 15 octobre 2021.

  • La zone ZRT 30C (site classé) a pour objectif de protéger le site du mont-Blanc pendant la période d’ouverture des refuges, soit du mardi 1er juin au vendredi 15 octobre 2021 (H24). La frontière Est de la ZRT suit la ligne de crête comprise entre l’aiguille du Midi et le mont Maudit.
  • La zone R30B voit son plancher relevé au-dessus de la ZRT 30C avec de nouveaux contours de part et d’autres de la R30A entre le lac des Gaillands et la pointe de Gigord (H24 du jeudi 1er juillet au mardi 31 août). La frontière nord-ouest de la R30B suit la ligne de chemin de fer entre le lac des Gaillands au sud et la gare des Tines au nord. De la gare des Tines à la pointe de Gigord, la limite de la R30B suit une ligne de crête.
  • La zone R30A est désactivée pendant l’activation de la R30B (active donc H24 du 1er au 30 juin et du 1er septembre au 15 octobre 2021).
  • Les R30A et R30B sont perméables aux aéronefs en mission de secours en montagne.
  • Pour la zone R30C, contournement obligatoire pour la Circulation aviation générale (CAG), idem pour les Planeurs ultra légers (PUL), autrement dit les parapentes, du jeudi 1er juillet au mardi 31 août, mais pénétration autorisée des PUL du mardi 1er au mercredi 30 juin et du mercredi 1er septembre au vendredi 15 octobre, mais avec atterrissages interdits, sauf pour l’enchaînement alpinisme-parapente et le paralpinisme. Les aéronefs non motorisés autres que PUL (comprendre les planeurs…), pénétration autorisée mais atterrissages interdits (sic). Pour les zones R30B et R30A, contournement obligatoire pour les PUL.

Reconnaissons qu’il faut déjà bien connaître la zone pour tout comprendre et qu’un avion étranger se posant à proximité du dôme du Goûter pourra toujours prétexter sa méconnaissance des réglementations en vigueur sachant qu’il sera ne condamné qu’à… 38 € d’amende.

En résumé, les aviateurs de montagne soucieux de respecter les règlements iront se faire voir ailleurs pendant la période estivale, tandis que, pour les montagnards piétons aux oreilles sensibles, ce toujours Dyneyland à ciel ouvert, ou presque…

EXCEPTION NOTABLE, LES AÉRONEFS DU SECOURS EN MONTAGNE

Cependant, comme nous l’aurons bien noté, le SUP AIP 120/2021 ne s’applique pas aux hélicoptères destinés au secours en montagne, auxiliaires bien commodes pour garantir l’évacuation sanitaire des alpinistes et des randonneurs en difficulté ou en perdition. Pas question de remettre en cause cet acquis, obtenu de haute lutte en réponse à des tragédies déjà largement évoquées sur notre site pilote-de-montagne.com. Instituée en 1958, la gratuité des secours, reprise par la loi « Montagne 2 » (LOI n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne) introduit des nouveautés sur un sujet ancien et toujours d’actualité, comme la facturation des secours, qui évacue les questions financières pour ne le céder qu’à des considérations d’ordre strictement humanitaire.

Cependant, cette libéralité débouche immanquablement sur une obligation de résultat et, par-delà, sur une obligation de moyens. S’il faut absolument retrouver des grimpeurs en difficulté, la garantie d’un secours peut conduire certains individus, voire des groupes de personnes inexpérimentées et mal guidées à outrepasser leurs limites physiques ou à dépasser leur connaissance du milieu montagnard. Se mettre en péril conduit ainsi à engager la vie des sauveteurs qui, même s’ils sont des experts de leur domaine, même si c’est leur vocation et leur métier sont, eux aussi, des êtres humains, des conjoints, des parents… abstractions de peu de poids pour les égoïstes de la montagne, très prompts à déplorer le vacarme insupportable généré par quelques avions à moteur thermique, mais considérant leur hypothétique sauvetage comme un droit, donc comme un dû.

Or, dans notre éditorial n° 1 en date du lundi 9 novembre 2020 intitulé ‘Qui a tué la mer de glace ?’, nous avions tenté d’établir une comparaison entre la pollution engendrée par un hélicoptère et celle produite par un avion de tourisme du type JODEL D140 ‘Mousquetaire/Abeille’ équipant une compagnie locale bien connue. Bien que sans appel, tant au plan de la consommation de carburant que des nuisances sonores, cette comparaison intéresse-t-elle les pratiquants pédestres de la montagne ? On tolère les aéronefs à vocation utilitaires et humanitaire, mais exit les amoureux du pilotage en montagne, ceux qui organisent de véritables meetings aériens sur les glaciers de la vallée de Chamonix. À quoi bon polémiquer puisque les jeux sont faits et le coupable idéal désigné à la vindicte populaire… au prix de plusieurs gros mensonges, certes.

QUELLE ALTERNATIVE ?

Si l’avion à moteur thermique n’a plus beaucoup d’avenir dans certaines contrées concentrant les activités montagnardes de toute sorte (randonnée, ski, alpinisme, parapente, etc.), d’où le salut pourrait-il venir sinon de l’avion électrique ?

Un autre article électronique publié sur Aerobuzz le lundi 24 mai 2021 s’extasie sur le tour du lac d’Annecy (80 km) effectué en quarante minutes et à 1 800 m d’altitude par un aviron électrique Velis Electro de Pipistrel Aircraft le jeudi vendredi 20 mai 2021. Il s’agit incontestablement d’une avancée notable vers un pilotage en montagne réputé plus propre et moins bruyant, mais il reste encore un long chemin à parcourir pour atteindre des performances comparables à celles des aéronefs à voilure fixe d’anciennes générations.

Déjà, la société annecienne Avialpes annonce un vol électrique dans le massif du Mont-Blanc depuis l’altiport de Megève (LFHM), faible rayon d’action oblige, pour la semaine du 14 juin de cette année, c’est-à-dire… demain. De notre côté, nous relaierons très largement ce nouvel exploit sur notre site Internet et sur notre compte Twitter @PiloteMontagne le moment venu. Ainsi s’ouvrira une nouvelle ère de l’aviation de montagne, répondant mieux aux impératifs du moment et aux exigences d’un public averti des questions environnementales. Cependant, ouvrons les paris et gageons qu’une nouvelle polémique se déclenchera à la simple vue de cet intrus, qui en dérangera certainement plus d’un.

En effet, malgré ses nombreuses avancées, il restera à l’avion électrique à développer une dernière capacité : l’invisibilité…

Bernard Amrhein

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