13 juin 1930 – Henri Guillaumet, ‘Les ailes du courage’


Ce vendredi 13 mai 1930, Henri Guillaumet, un discret pilote de l’Aéropostale, entreprend sa 92e traversée des Andes. Parti de Santiago du Chili, il doit rallier l’Argentine pour acheminer son précieux courrier à bord de son Potez 25 immatriculé F-AJDZ. La routine, ou presque… En cette journée, il est loin de penser que le destin va lui jouer un sacré tour et que son incroyable histoire, rapportée par son ami Antoine de Saint-Exupéry dans ‘Terre des hommes’, en 1939, fera non seulement le tour du globe, mais qu’elle lui apporterait gloire et postérité. Retour sur un récit mille fois conté, mille fois lu, milles fois écouté, mais toujours palpitant…

RÉSUMÉ

Henri, Jules, Constant, Guillaumet (naît le jeudi 29 mai 1902 à Bouy (51/Marne), près de Châlons-sur-Marne, et meurt en combat aérien au-dessus de la Méditerranée le mercredi 27 novembre 1940). Successivement pilote sur les lignes Latécoère, Aéropostale et Air France, et a sillonné aussi bien l’Espagne que le Rio de Oro (Sahara occidental espagnol), les Andes, l’Atlantique Sud et, enfin, l’Atlantique Nord. Intimement lié à Jean Mermoz, il contribue, lui aussi, à la renommée de la Ligne Aéropostale ainsi qu’à l’ouverture de nombreuses routes commerciales françaises.

JEUNESSE ET DÉBUTS AÉRONAUTIQUES

Henri Guillaumet a deux frères aînés, René et André, et n’a que deux ans lorsque sa mère, Marie, décède en mettant au monde un quatrième enfant, prénommé Pierre, qui ne survit pas. Les trois frères sont élevés par leur grand-mère et par leur père, Paul, jusqu’à la mort de ce dernier en 1918 et c’est ensuite le frère aîné, René, qui tient le rôle de chef de famille.

Lorsqu’il a six ans, Henri Guillaumet assiste à un raid d’Henri Farman reliant Mourmelon à Reims. Cependant, il n’effectue son baptême de l’air qu’à l’âge de 14 ans, alors que le premier conflit mondial dure depuis déjà deux ans. En effet, habitant, à côté du Camp de Châlons, il côtoie, en cachette, les différents avions militaires jusqu’à ce qu’un officier de reconnaissance lui propose de prendre l’air sur un avion Voisin, en toute illégalité.

Après-guerre, et avec l’autorisation de son frère, il obtient une bourse afin d’Intégrer l’école de pilotage d’Orly, créée sous l’égide de l’Aéronautique militaire, par Charles Nungesser, célèbre as de la Première Guerre mondiale et futur candidat à la transatlantique. Il vole seul pour la première fois le 1er août 1921 et obtient son brevet de pilote militaire le 15 octobre suivant, aux commandes d’un avion Nieuport 11, plus communément appelé ‘Bébé Nieuport’, alors qu’il est âgé de 19 ans.

SERVICE MILITAIRE

En février 1922, il devance l’appel sous les drapeaux en contractant un engagement de trois ans, d’abord au Centre d’Instruction Militaire d’Istres, avant d’être affecté au 38e régiment de chasse de Thionville, dans la 8e Escadrille, sous les ordres du lieutenant Léon Challe. Il y rencontre la fine fleur des pilotes tels que Florentin Bonnet, René Weiser ou encore Jean Mermoz, ce dernier de retour d’une campagne militaire en Syrie. Sous l’uniforme, il remporte, en 1923, le concours de tir aérien à Cazaux, puis, après avoir renouvelé son engagement militaire d’une année, il gagne, le lundi 15 juin 1925, la célèbre course Military Zenith, réservée aux pilotes militaires.

La course, ouverte entre le 16 juin et le 15 juin de l’année suivante, avec une interruption, entre le 15 octobre et le 15 mars, s’effectue sur le circuit VillacoublayMetzStrasbourgDijonLyonChâteaurouxTours-Villacoublay, à effectuer deux fois dans la même journée, soit un total de 2 810 kilomètres. Aux commandes d’un avion Nieuport-Delage NiD.29 sportivement prêté par le Lieutenant Challe, pourtant titulaire du meilleur temps la veille de la fin de la compétition, Guillaumet, jusque-là héros malchanceux de l’épreuve, réussit l’exploit de remporter la victoire lors du dernier jour autorisé, en devançant son supérieur de 10 minutes, avec une moyenne de 187,587 km/h sur l’ensemble du parcours. Il avait, entre le samedi 22 mai et le dimanche 13 juin 1925, déjà réalisé cinq tentatives infructueuses.

C’est peu de temps ensuite, au cours d’une permission en août 1925, qu’il retrouve, par hasard, à la terrasse d’un café parisien, Jean Mermoz, démobilisé depuis plus d’un an, que ce dernier l’invitera à le rejoindre dans l’entreprise Latécoère, future Aéropostale.

LIGNES LATÉCOÈRE, PUIS L’AÉROPOSTALE

Une fois rendu à la vie civile, Henri rejoint donc, à Toulouse, la Compagnie Latécoère, le samedi 13 février 1926. Sur le terrain de Montaudran, il commence aussitôt, comme c’est la règle avec le directeur d’exploitation Didier Daurat, par un stage aux ateliers afin de parfaire ses connaissances en mécanique. Il est ensuite affecté dans un premier temps sur la ligne du courrier, Toulouse-Barcelone-Alicante, puis Casablanca-Dakar.

Le jeudi 14 octobre 1926, il fait la connaissance d’Antoine de Saint-Exupéry, nouvellement embauché dans la Compagnie et qu’il initiera ensuite, lors de son premier courrier, devenant par la même occasion son indéfectible ami (anecdote relatée par Antoine de Saint-Exupéry dans son livre ‘Terre des hommes’).

En mars 1927, alors en poste sur la ligne africaine CasablancaDakar, il participe avec Marcel Reine, Jean Mermoz et Léon Antoine, aux recherches qui permettent de libérer des aviateurs uruguayens prisonniers des Maures, ce qui leur vaudra décorations et les honneurs du monde entier.

En juillet 1928, il effectue un voyage de reconnaissance entre Saint-Louis-du-Sénégal et Douala, au Cameroun, puis de Saint-Louis-du-Sénégal à Brazzaville (Afrique-Équatoriale française [AEF]) où il vole 6 000 km au-dessus de la forêt équatoriale.

Le dimanche 9 juin 1929, il embarque à Marseille sur le paquebot ‘Valdivia’ afin de rejoindre Jean Mermoz à Rio de Janeiro, alors qu’il vient de rencontrer Noëlle, une Suissesse qui deviendra sa femme.

Le dimanche 14 juillet suivant, il débute sur le réseau de l’Amérique du Sud et inaugure bientôt la ligne régulière Argentine-Chili au-dessus de la Cordillère des Andes.

Le lundi 12 mai 1930, il réalise la dernière étape, entre Mendoza (Argentine) et Santiago du Chili, de la première liaison 100 % aérienne du courrier entre la France et le Chili, Mermoz ayant réalisé à cette occasion, la première traversée commerciale aérienne de l’Atlantique-Sud.

Au mois d’août suivant, et après son incroyable aventure dans les Andes, Mermoz le rappelle en France en vue de le former pour les futurs vols transatlantiques. Il obtient son brevet de pilote d’hydravion le samedi 6 décembre de la même année, alors que la Compagnie Aéropostale commence à rencontrer de nombreux problèmes financiers dus à la crise financière de 1929, ainsi qu’à la révolution brésilienne. Henri demande alors à repartir en Amérique du Sud et s’y installe, avec sa femme, au pied de la Cordillère, dont il effectuera 393 fois la traversée, ce qui lui vaudra le surnom de ‘l’ange de la cordillère’.

UNE SURVIE LÉGENDAIRE

Le jeudi 12 juin 1930, c’est l’hiver dans l’hémisphère sud et la tempête qui sévit oblige Henri à rebrousser chemin, et à revenir se poser à Santiago du Chili après plus d’une heure de vol infructueux. Le lendemain, vendredi 13 juin 1930, à 8 heures du matin, il décolle à nouveau du terrain de Colina, malgré une météo toujours aussi exécrable, pour sa 92e traversée des Andes, aux commandes de son Potez 25, immatriculé F-AJDZ. Après avoir vainement tenté de se faufiler à travers la montagne par la voie habituelle, celle du Nord, il opte pour un passage au Sud, en espérant un temps plus clément. Cependant, pris dans des vents rabattants d’une tempête de neige et sans aucune visibilité, il ne parvient pas à repasser les à-pics et finit par se poser aux abords de la Laguna del Diamante après avoir cherché un passage dans la montagne pendant deux heures, jusqu’à la panne d’essence.

Durant l’atterrissage, la neige qui s’accumule devant ses roues finit par bloquer son avion qui effectue un « demi salto avant » et se retrouve tête en bas. Bloqué par la tempête de neige, il passe les deux premières nuits enveloppé dans son parachute, dans un abri qu’il a creusé dans la neige sous l’aile de son avion retourné. Puis, au matin du troisième jour, alors que le temps s’est calmé, il aperçoit dans le ciel un avion parti à sa recherche. Il tire une fusée de détresse mais l’avion continue sa route sans le voir. De dépit, il décide de partir à pied, après avoir inscrit sur la carlingue de son avion :

« N’ayant pas été repéré, je pars vers l’Est. Adieu à tous, ma dernière pensée sera pour ma femme ».

Il emporte sa petite valise contenant seulement une boussole, une lampe électrique, un petit réchaud à alcool solidifié, des allumettes et quelques vivres – de la viande en conserve, du lait condensé et du rhum- puis il se met en route en estimant qu’avec trois à quatre jours de beau temps et de lune claire, il pourrait marcher jour et nuit et accomplir les 60 kilomètres qui le séparent de la plaine d’Argentine. Très vite fatigué par le froid et l’altitude, il se force à ne jamais s’endormir, sachant que le sommeil risque d’entraîner sa mort.

« Après deux, trois, quatre jours de marche, on ne souhaite plus que le sommeil. Je le souhaitais. Mais je me disais : Ma femme, si elle croit que je vis, croit que je marche. Les camarades croient que je marche. Ils ont tous confiance en moi. Et je suis un salaud si je ne marche pas ! »

Il ne le savait pas, mais il n’était qu’à un jour et demi de marche d’un village argentin, or il choisit la mauvaise direction, ce qui explique qu’il ait dû marcher pendant cinq jours et quatre nuits avant de rencontrer un adolescent argentin de 14 ans, Juan Gualberto Garcia, et sa mère, qui le recueillent près d’un ruisseau. Les secours sont prévenus par le père de l’adolescent et Guillaumet est alors conduit au village de San Carlos (province de Mendoza, Argentine) où il est récupéré par son ami Antoine de Saint-Exupéry.

L’exploit, que les habitants des vallées résument parfaitement, « ¡Es imposible! », construit la légende de cet homme discret au milieu des grands noms de l’Aéropostale. À Antoine de Saint-Exupéry, venu le rechercher, il déclare : « Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait ». L’écrivain lui dédiera, presque 10 ans plus tard, son livre à succès, ‘Terre des Hommes’, dans lequel il relate l’aventure de son ami.

Contre toute attente, Guillaumet effectue malgré tout 393 traversées de la Cordillère. Et lorsque, lors de sa tentative de raid longue distance Paris-Saïgon, à la fin décembre 1935, Saint-Exupéry s’écrasera dans le désert libyen en compagnie de son mécanicien André Prévot, il marchera dans la même direction de l’Est, « celle de la vie », que Guillaumet avait suivi dans la montagne.

L’ATLANTIQUE SUD

Rappelé en France au sein de la nouvelle compagnie nationale Air France, qui avait racheté l’Aéropostale, il participe, avec Mermoz, à sa première traversée de l’Atlantique Sud, le mardi 25 septembre 1934, à bord de l’avion trimoteur Couzinet 70, ‘Arc-en-Ciel’, dans le sens Amérique du Sud-France. Dès lors, Henri Guillaumet effectuera au total 84 fois la traversée de l’océan, sur différents types d’avions et d’hydravions, la dernière ayant lieu le samedi 11 novembre 1939.

DISPARITION DE MERMOZ

Le lundi 7 décembre 1936, Guillaumet, qui est chef de l’hydrobase de Dakar, accueille pour la dernière fois Jean Mermoz avant son vol fatal avec tout l’équipage de l’hydravion postal, Latécoère 300, ‘Croix-du-Sud’.

Il est le témoin du décollage, puis du retour de l’appareil et assiste aux tentatives de réparation sur le réducteur d’hélice défaillant, car aucun autre avion n’est disponible dans l’immédiat.

Après avoir appris la nouvelle de la disparition de la Croix-du-Sud, il survole l’océan deux jours durant, aux commandes du Farman F 2200 F-AOXE ‘Ville-de-Montevideo enfin réparé, parfois jusqu’à la limite de la panne de carburant, à la recherche de son grand ami. C’est lui, ensuite, qui annoncera à ‘Mangaby’, la mère de Mermoz, que jamais elle ne reverra son fils.

LA COURSE ISTRES-DAMAS-ISTRES

À l’été 1937, après l’annulation de la course New-York-Paris, censée commémorer le 10e anniversaire de la traversée de Charles Lindbergh, mais jugée trop dangereuse par le gouvernement américain, l’Aéroclub de France la remplaça au pied levé par une course de, Istres à Paris, avec « détour » par Damas en Syrie. Parmi les 13 appareils au départ, on compte quatre français, dont le Breguet 470 T ’Fulgur’, codé ‘F-1’ de Paul Codos et Maurice Arnoux, ainsi que le Farman F2231 et codé ‘F-2’ d’Henri Guillaumet. Le vendredi 20 août au soir, l’équipage du Farman immatriculé F-APUZ (futur chef-pilote Laurent-Guerrero), avec Louis Lanata en second pilote, Le Duff le radio et Vauthier le mécanicien, pris l’air à 20 h 12, en quatrième position, derrière les autres équipages français.

Le lendemain, à 10 h 31, Guillaumet passa à la verticale de Damas sans se poser, son appareil quadrimoteur étant le seul à disposer d’assez d’autonomie pour ne pas avoir à ravitailler. Mais pris au retour dans un orage d’une violence exceptionnelle, au-dessus de la péninsule de l’Istrie, il doit se dérouter sur l’aérodrome de Belgrade, Yougoslavie, après 7 200 km et 26 heures de vol. Désireux de repartir le soir même, Guillaumet, sur des conseils avisés, remet son départ au lendemain.

Et alors que les équipages italiens, arrivés aux trois premières places au Bourget, fêtent leur succès dès 16 heures le samedi 21, Guillaumet finit bon dernier, et 9e de la course, le dimanche 22 août à 13 h 17, après 41 h 55 de vol, à la moyenne de 145 km/h. Pour la France, l’échec de cette course est total, malgré la 5e place de Codos, ce qui montre au grand jour le retard pris par son aéronautique face aux autres grandes puissances.

L’ATLANTIQUE NORD

En vue de vols d’exploration au sein de la toute jeune compagnie Air France Transatlantique, et aux commandes de l’hydravion hexamoteur Latécoère 521 F-NORD ‘Lieutenant-de-vaisseau-Pâris’, du nom de l’officier de marine Paulin, Louis, Jérôme Paris, disparu en 1934, Guillaumet peut enfin s’attaquer à l’Atlantique Nord. Et après une tentative avortée en octobre 1937, qui se solde en remplacement, par un record du monde de distance pour hydravion Classe C. Bis, entre la base aéronautique navale de Port-Lyautey et le Brésil (5 771 km en 33 h 51 minutes), Guillaumet décolle enfin vers New-York. Le mardi 23 août 1938, après décollage de Biscarrosse et des escales à Lisbonne et aux Açores, il amerrit à Port-Washington (New York) le mercredi 31 août, après un vol cumulé de 38 heures. Le mardi 6 septembre suivant, en empruntant la route du nord, au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, et après 7 402 km, il amerrit à Biscarrosse, le vendredi 9 septembre, réalisant le second aller-retour français sur la traversée, depuis Paul Codos et Maurice Rossi en 1934.

Malheureusement, à la suite de la crise des Sudètes, déclenchée par Hitler, le gouvernement français annule tous les autres vols prévus pour l’année 1938. Et à la suite des accords de Munich, le jeudi 29 septembre suivant, la saison hivernale n’est plus propice aux vols sous les latitudes de l’Atlantique Nord. Ce n’est donc qu’à partir du printemps 1939 que Guillaumet peut reprendre ses vols d’exploration en effectuant au total 12 fois la traversée, alternant entre les commandes du Lieutenant-de-vaisseau-Pâris (8 traversées) et son ‘sister-ship’, le Latécoère 522 F-ARAP, ‘Ville-de-Saint-Pierre’, (quatre traversées).

Ainsi, les vendredi 14 et samedi 15 juillet 1939, pour sa huitième traversée, il effectue, sans escale, la liaison directe New York – Biscarrosse en 28 heures et 27 minutes de vol, parcourant 5 875 km à la moyenne de 206 km/h, dont 2 300 km avec un moteur à l’arrêt. Cet exploit lui permet alors de décrocher le Ruban bleu du record de la traversée par hydravion, alors que la France fête le 150e anniversaire de la Fête de la Fédération. Pour l’occasion, son ami, l’écrivain pilote Antoine de Saint-Exupéry a pris place, en tant que passager, à bord de l’appareil. Le lundi 28 août de la même année, il effectue sa dernière traversée de l’Atlantique Nord, les autorités ayant décidé de stopper toutes les traversées transatlantiques, en prévision de la guerre imminente.

SECONDE GUERRE MONDIALE

Lors de la déclaration de guerre avec l’Allemagne, Guillaumet demande à être affecté dans une unité de combat aérienne et principalement dans la chasse. Il écrit au général Bertrand Pujo, président d’Air France, et futur ministre de l’Air : « Vous comprenez mon impatience, Mon général, car je suis de l’Est », une région ayant eu énormément à souffrir lors du premier conflit mondial. Malgré toutes ses démarches, on lui refuse cependant d’être intégré dans l’aviation militaire, du fait de son âge de 37 ans et de sa très grande expérience sur les lignes commerciales, indispensables au pays en ces temps difficiles, afin de pouvoir renforcer les relations avec tout l’empire colonial français, mais aussi les Nations alliées.

Il effectue, tout de même en 1939, avec le capitaine Paul Codos et sous les ordres de leur chef de mission, le commandant Henri-Laurent Daillière, de longues missions de reconnaissance « de routes commerciales » au-dessus de l’Atlantique-Sud, aux commandes du Farman F 2234 n° 1 F-AQJM ‘Camille Flammarion’, mais dans le but d’essayer de localiser le croiseur cuirassé de poche de la Kriegsmarine, l’Admiral Graf Spee, ce dernier menant des missions dans l’hémisphère sud afin de couler le maximum de navires de ravitaillement à destination de l’Europe.

Jamais découvert, le navire sera finalement contraint de se saborder au large de Montevideo, à la suite des dégâts que lui a causés la Royal Navy. Henri Guillaumet est ensuite rattaché, le vendredi 1er décembre 1939, au réseau d’Afrique, puis après l’Armistice du 22 juin 1940, aux réseaux des lignes d’Orient. Les bureaux d’Air France étant déménagés à Marseille-Marignane, en zone libre, Henri Guillaumet et sa femme s’y installent, jusqu’à son dernier départ. Il totalise alors plus de 8 300 heures de vol et 1 330 000 km parcourus.

DERNIER VOL

Le mercredi 27 novembre 1940, à 10 h 17, Henri Guillaumet décolle de Marignane direction Beyrouth, aux commandes du quadrimoteur Farman, F 2234 no 3 ‘Le Verrier’ immatriculé F-AROA, afin d’y convoyer Jean Chiappe promu, par le maréchal Philippe Pétain, nouveau haut-commissaire de France au Levant pour la Syrie. Son équipage est composé de Marcel Reine, autre pionnier de l’Aéropostale, du radio Jean Le Duff, et des mécaniciens Fernand Franquès et Lucien Montaubin, alors que le capitaine Nicolas, attaché de cabinet du préfet, a pris place en tant que second passager. Paul Codos et Jean Dabry, arrivés la veille même de Bizerte à bord du Latécoère 522 ‘Ville-de-St-Pierre’, avaient prévenu le bureau d’Air France que, pour éviter un violent engagement des Italiens, dans une bataille aéronavale contre les Britanniques, ils avaient délibérément enfreint les consignes de la commission d’armistice imposant aux avions français un itinéraire très précis, et ils avaient conseillé de faire de même ou alors de voler de nuit.

Toutefois, Guillaumet essuie un refus sans appel de la part du chef d’escale de Marseille, qui lui intime l’ordre de respecter strictement le plan de vol établi par la commission italienne en longeant les côtes de la Sardaigne jusqu’à son escale de Tunis. À 12 h 05, alors qu’il vole au-dessus de la Méditerranée, à environ, 90 kilomètres des côtes africaines, le Farman, pourtant facilement identifiable à ses bandes d’armistice’ orange, imposées par les Allemands, est pris à partie et abattu par un chasseur italien. Les stations d’écoute de Tunisie captent les derniers signaux de morse lancés par l’opérateur radio : « Sommes mitraillés ! Avion en feu ! SOS ! SOU… » (en signal morse, le « S » étant signifié par trois points courts, et le « U » par deux points courts et un trait long, il est à imaginer que le radiotélégraphiste se soit écroulé sur son poste lors du dernier appui sur la touche du manipulateur). Aussitôt alerté, le torpilleur ‘Typhon’ se fait route sur les lieux du drame. Il n’y trouve que quelques débris difficilement identifiables et une ceinture de sauvetage aux marques d’Air France alors que, dans l’après-midi même, Radio Rome confirme le combat et la chute d’un gros avion inconnu, puis ne réitère plus son communiqué.

Dès le lendemain, le gouvernement du régime de Vichy, par le biais du vice-président du conseil Pierre Laval, émet de vives protestations auprès du gouvernement britannique, accusant un de leurs pilotes d’avoir abattu l’avion civil, ce qui permettra à cette thèse de rester pour longtemps la seule officielle, Chiappe pouvant avoir représenté une menace pour les intérêts britanniques au Proche-Orient. Pourtant, un opérateur de la station de radiogoniométrie de Tunis, resté à l’écoute au-delà de l’ultime message de l’avion a, le jour même, parfaitement identifié certaines communications des pilotes italiens rentrant à leur base, l’un d’eux annonçant triomphalement avoir « abattu un gros appareil inconnu ». Mais, en pleine période de collaboration avec l’occupant germano-italien, il était alors politiquement plus important au régime français de faire porter la culpabilité de cet « accident » aux Anglais plutôt qu’aux Italiens. Cité à l’ordre de la Nation le mercredi 11 décembre suivant, Henri Guillaumet reçoit un hommage unanime, à l’image du quotidien Paris-Soir, daté du lundi 2 décembre et proclamant : « La France, en perdant Henri Guillaumet, perd son plus grand pilote de ligne ».

Les carnets de vol de Guillaumet, couvrant la période de 1926 à 1940, sont conservés aux Archives nationales.

DÉCORATIONS

Henri Guillaumet a été promu :

  • Chevalier de la Légion d’honneur, en date du mercredi 18 janvier 1928, pour avoir participé au sauvetage de plusieurs pilotes uruguayens des mains des Maures, alors qu’il volait sur la ligne Casablanca-Dakar.
  • Officier de la Légion d’honneur, en date du mois d’octobre1935.

DISTINCTIONS

Le lundi 15 juin 1925, Henri Guillaumet remporte l’épreuve Military Zenith, réservée aux seuls pilotes militaires.

En mars 1930, il est honoré de la médaille de vermeil de l’Aéroclub de France.

Le dimanche 20 juin 1937, il est promu au grade de chevalier du Ouissam Alaouite.

En 1937, il est récompensé du Prix Gourp-Érable, (du nom de deux pilotes des Lignes Latécoère assassinés par les Maures, en 1926) décerné par l’aéroclub de France, pour avoir accompli 51 traversées de l’Atlantique-Sud, soit 162 617 km, dont 108 745 km pour la seule année 1936.

En 1937, il reçoit le Trophée Clifford B. Harmon, de la Ligue internationale des aviateurs.

En 1938, il est lauréat du prix Henry Deutsch de la Meurthe, de l’Académie des sports, récompensant un fait sportif pouvant entraîner un progrès matériel, scientifique ou moral, pour l’humanité. En l’occurrence sa première traversée de l’Atlantique-Nord.

Le vendredi 14 juillet 1939, il obtient, aux commandes du Latécoère 521 ‘Lieutenant de vaisseau Paris’, le Ruban bleu du record de la traversée de l’Atlantique-Nord par hydravion.

HOMMAGES

En 1939, son ami Antoine de Saint-Exupéry lui dédie son troisième roman, Terre des hommes, de la manière suivante : « Henri Guillaumet, mon camarade, je te dédie ce livre ».

En 1947, l’hydravion hexamoteur Latécoère 631 N°3 F-BANU est officieusement baptisé ‘Henri Guillaumet’, sans que le nom de l’aviateur ne soit mentionné sur sa coque.

En 1973, la Poste émet un timbre à son effigie, conjointement à celle de Paul Codos, dans la série philatélique de la Poste aérienne.

En décembre 1998, une plaque commémorative est apposée par l’ambassadeur de France à Buenos Aires, Jean-Michel Gaussot, sur les lieux de son atterrissage forcé dans les Andes, aux bords de la Laguna del Diamante.

En 2001, Juan Gualberto Garcia, le jeune berger qui secourut Guillaumet dans les Andes le 19 juin 1930, est récompensé de la Légion d’honneur, des mains du président de la République française, Jacques Chirac. Il décède le mercredi 14 décembre 2011, à l’âge de 95 ans.

Marc Turrel, Christian Fedabeille. Expédition à la Laguna del Diamante (Argentine). Pose de la plaque commémorative Henri Guillaumet (1998)

La promotion 1989 de l’École militaire de l’air à Salon-de-Provence porte le nom de son parrain : Promotion lieutenant Henri Guillaumet.

En France, deux aéroclubs portent le nom d’Henri Guillaumet : Aéroclub Henri Guillaumet (ACHG) depuis 1946, à Lognes-Emerainville, et l’Aéroclub régional Henri Guillaumet Aquitaine Hydravion, à Biscarrosse.

FILMOGRAPHIE

Le personnage d’Henri Guillaumet apparaît sous les traits du comédien Benoist Brione dans la mini-série L’Aéropostale, courrier du ciel, de Gilles Grangier, diffusée sur FR3 entre décembre 1980 et janvier 1981.

Dans le téléfilm de Robert Enrico, réalisé en 1994, Saint-Exupéry : ‘La Dernière Mission’, son rôle est joué par le comédien belge Jean-Paul Comart.

En 1996, dans le film Saint-Ex, réalisé par le Britannique Anand Tucker, c’est l’acteur Daniel Craig qui interprète son personnage.

Depuis 1996, le Futuroscope lui rend hommage dans un film en IMAX 3D, produit et réalisé par Jean-Jacques Annaud : ‘Guillaumet, les ailes du courage’, où son rôle est tenu par l’acteur américain Craig Sheffer.

ÉPILOGUE

Lorsqu’on étudie dans le détail le parcours aéronautique d’Henri Guillaumet, on s’étonne d’apprendre que, lorsqu’il s’écrase le vendredi 13 juin 1930, il n’a que très peu d’expérience du vol en montagne en particulier, et quasiment aucune pratique de la montagne en général…

Ainsi, tout comme Jean Mermoz, on peut le considérer comme un « franchisseur » de massifs montagneux pour des besoins commerciaux, peu enclin à se poser en terrain difficile ou accidenté, sauf en cas de stricte nécessité et avec une prise de risques extrêmement élevée.

Néanmoins, conséquence de son épique traversée des Andes, magnifiquement retranscrite dans l’ouvrage ‘Terre des hommes’, d’Antoine de Saint-Éxupéry. Ce faisant, l’auteur du Petit Prince propose une figure emblématique d’aviateur dont l’exemple, et surtout la souffrance, sont capables d’enflammer l’imagination des jeunes gens, à l’époque, principalement de jeunes garçons, il faut bien l’avouer…

Éléments recueillis par Bernard Amrhein


SOURCES

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