2 février 1962 – Le magazine « Les Ailes » annonce l’arrivée du Pilatus « Turbo-Porter » chez Air-Alpes


Fin 1961, Joseph Szydlowski, Président de Turboméca, propose à Air-Alpes d’équiper son futur Pilatus d’un moteur turbocompressé afin qu’il puisse atteindre les hautes altitudes sans s’essouffler. La jeune compagnie aérienne manquant de fonds, l’industriel propose de faire don d’un moteur en devenant actionnaire. Michel Ziegler, Président d’Air Alpes, va percevoir l’avion à Stans (canton de Nidwald/Suisse) le mardi 9 janvier 1962, et ce n’est que le vendredi 2 février que l’hebdomadaire ‘Les Ailes’ publie un court article, retranscrit in extenso ci-dessous :

AIR-ALPES REÇOIT SON « TURBO-PORTER »

« Le Pilatus ʺTurbo-Porter’ʺ de la société Air-Alpes a été présenté le jeudi 25 janvier 1961 sur le terrain de Villacoublay.

Exemplaire actuellement unique en France, le “Turbo-Porter” vient de recevoir son certificat de navigabilité et va pouvoir commencer l’exploitation de liaisons aériennes commerciales en montagne.

La Société Air-Alpes créée par MM. Michel Ziegler et Robert Merloz a pour activité principale, la desserte des stations de tourisme et de sport d’hiver des Alpes du Nord.

Dès maintenant les stations de CourchevelMéribel, Pralognan et Super Tignes sont à une demi-heure de vol de l’Aéroport international de Genève-Cointrin, ou de l’aéroport de Lyon-Bron ; dans un proche avenir, d’autres grandes stations alpestres pourront également bénéficier de ces liaisons aériennes qui permettent un gain de temps appréciable. En effet, le touriste partant de Paris-Orly sera 1 heure plus tard à Genève ou Lyon et 30 minutes après, aura « chaussé » ses skis ou se trouvera prêt à partir en refuge pour effectuer une ascension.

Une autre activité de la Société Air-Alpes consiste à déposer en altitude, sur glacier, skieur ou alpiniste, ainsi qu’à réaliser de magnifiques promenades, pour les touristes, au-dessus des sites grandioses des Alpes. »

RÉSUMÉ DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS

Pour bien replacer cet encart dans son contexte, il semble important de rappeler que le premier avion prêté par Pilatus avait été détruit au dôme du Goûter dans un accident au décollage le 12 septembre 1961, avec Robert Merloz aux commandes et Michel Ziegler en place droite, sans double commandes…

L’épisode suivant est rapporté par Michel Ziegler en personne (voir sources) :

« Joseph Szydlowski, autre grand industriel de l’aéronautique française, est en plein effort de lancement, dans sa société Turboméca, d’une turbine légère de 530 chevaux, l’Astazou.

Le lendemain il me téléphone et nous avons ce dialogue :

— Monsieur Ziegler, vous n’êtes pas sérieux, ces moteurs à pistons sont d’un autre temps, sur votre avion il vous faut installer une de mes turbines Astazou.

— Monsieur le président, ce serait avec joie mais nous n’avons pas les moyens de l’acheter.

— Eh bien faites une augmentation du capital, et donnez-moi des parts de votre société en échange d’un Astazou !

C’est ainsi que fut lancé le premier Pilatus Turbo Porter d’une série aussi longue que réussie.

Le 9 janvier 1962 je prends, avec fierté, livraison, à l’usine Pilatus de Stans, du F-BJSZ. Je me rends aussitôt à Sion pour le présenter à mes amis Hermann Geiger et Fernand Martignoni ; Jean Perard d’Aviation Magazine est avec moi pour ce grand événement de la vie d’Air Alpes. Puis, après un périple parisien pour faire homologuer l’avion par le CEV le 29, j’arrive à Chambéry.

L’INVENTION DU MOT « ALTIPORT »

Le premier atterrissage à Méribel. Le mot Altiport

Joseph Szydlowski, toujours aussi passionné, s’est tenu informé de la sortie de l’avion et de son périple parisien. Le lendemain matin 30 janvier 1962 le téléphone sonne, il est au bout du fil :

  • Monsieur Ziegler vous avez votre premier avion de transport, avez-vous déjà transporté des passagers ?
  • Non, Monsieur le Président, je viens d’arriver.
  • Alors attendez-moi, j’arrive et je veux avoir le billet 001 de la compagnie.

Quelques heures plus tard il débarque à Chambéry à bord de son avion privé, un Beech Baron transformé avec deux Astazou, et nous indique vouloir être transporté sur la piste qu’il sait que nous avons fait construire à Méribel.

Robert et moi sommes au pied du mur, nous aurions préféré prendre notre temps pour cette opération si importante, mais les circonstances commandent et la détermination de notre si dynamique actionnaire nous décide à nous jeter à l’eau. Nous prévenons les autorités locales à Méribel de notre arrivée imminente et nous voilà partis, non sans émotion. L’atterrissage se passe aussi bien que possible devant un comité d’accueil ravi composé de : Abel Desoche, René Becker, président de l’office du tourisme, le grand André Tournier, directeur de la station, et Martine Ziegler.

Tout le monde est très heureux et ému de cette première et nous posons pour la photo.

La nuit approche et nous ne voulons pas laisser notre précieux avion dans la nature, je décolle vers Chambéry laissant Robert et Martine représenter Air Alpes au dîner qui suivra, au cours duquel Joseph Szydlowski inventera le mot Altiport que nous ferons finalement adopter, des années plus tard, par l’administration, puis par l’Académie française. »

Le lendemain, 31 janvier 1962, je remonte à Méribel et nous inaugurons, dans la foulée, la piste de Courchevel. »

ÉPILOGUE

Toutes les anecdotes relatées autour de l’encart du magazine ‘Les Ailes’ sont fondamentales, car elles marquent le réel démarrage des activités en haute montagne de la compagnie Air Alpes.

Rétrospectivement, elles illustrent parfaitement une époque particulière de l’aviation de montagne, celle du développement des sports d’hiver pendant la période historique appelée « les Trente Glorieuses », une ère de progrès et, somme toute, d’insouciance, pendant laquelle tout semblait encore possible.

Cependant, l’Histoire nous enseigne que toute époque génère ses propres talents, d’autant plus prolifiques que les moyens sont comptés et les temps difficiles. Alors, inspirons-nous de l’exemple des Anciens et, surtout, encourageons les pionniers du futur…

Éléments recueillis par Bernard Amrhein


SOURCES

  • Annales de l’Académie de l’air et de l’espace, 2008-2010, Tome 2 – Communications :

  • LES AILES, hebdomadaire d’information aéronautique et spatiale, Air Alpes reçoit son « Turbo-Porter », article en première page en date du 2 février 1962
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