Il y a onze ans, le 23 octobre 2009, disparaissait Robert Merloz, le ‘Mozart du pilotage’, comme aimait à l’appeler, il n’y a pas si longtemps encore, le journaliste Bernard Chabbert. Avec lui, l’aviation de montagne perdait non seulement un pionnier, mais aussi une référence tant au plan pédagogique qu’au plan humain.
JEUNESSE
Robert Merloz naît dans le Xe arrondissement de Paris, le vendredi 29 mai 1936. Ses parents, Paul et Blanche, sont tous deux originaires de la Côte-d’Aime (73/Savoie) et il grandit à Levallois-Perret, où son père dirige l’entreprise de déménagement Aux Porteurs Réunis[1].
Cependant, toute sa vie, Robert se définit et se vit comme essentiellement Savoyard. Il faut dire qu’il passe la plupart de ses vacances dans le village de ses ancêtres, le plus souvent dans les pas de son grand-père, Jean-François Usannaz, qu’il considère comme son héros.
Enfant de son époque, Robert s’intéresse, et de près, à la mécanique et à la vitesse. C’est donc tout naturellement qu’il devient motard, autre passion qu’il n’assouvira véritablement qu’une fois l’heure de la retraite sonnée, mais son père refusera toujours qu’il devienne coureur automobile.
UNE TROISIÈME PASSION : LES AVIONS
À l’École de la Chambre de commerce de PARIS, rue Armand Moisant, Paris XVe, Robert fait la connaissance de Michel Ziegler et noue une solide amitié avec cet autre passionné de moto. Grâce à Michel, Robert se découvre aussi une passion encore plus dévorante : l’aviation. Du coup, il obtient à 18 ans, le lundi 9 mai 1955, la licence de pilote privé à l’Aéroclub d’Air France de Toussus-le-Noble (78/Yvelines), ce qui lui permet de participer, sur Stampe, à trois Tours aériens des jeunes pilotes (TAJP), en 1954, 1955 et 1956. Le projet commun se précise, mais le temps n’est pas venu…
En effet, comme de nombreux jeunes hommes de sa classe d’âge, Robert est appelé du contingent et participe, pendant vingt-sept mois, de 1956 à 1958, à la guerre d’Algérie. Versé dans l’armée de l’Air, il est affecté à la base aérienne d’Oran/La-Sénia, où il met à profit chaque instant de liberté pour poursuivre, en autodidacte, son perfectionnement aéronautique. C’est bien grâce à ces sacrifices qu’il obtient, dès le mercredi 11 mars 1959, sa licence de pilote professionnel. En attendant de se lancer, Robert rejoint Michel chez Bréguet et devient pilote d’essai à Aire-sur-l’Adour (40/Landes).
Comme chaque automne, Michel et Robert assistent à la Soirée de la montagne, Salle Pleyel à Paris. Cette session 1958 consacre Hermann Geiger, pionnier suisse de l’aviation et du sauvetage en montagne. À la fin de la conférence, les deux amis entament une discussion enflammée avec ‘L’aigle de Sion’, auteur du livre ‘Pilote des glaciers’. De ce moment date la naissance d’une vocation résolument montagnarde du projet commun.
Du coup, en octobre 1959, les deux amis s’envolent pour le Valais afin de suivre une semaine « d’écolage » en montagne, dont dix heures d’atterrissages et de décollages sur glacier en compagnie d’Hermann Geiger et de Fernand Martignoni, le Saint Bernard volant ».
Les années 1960 et 1961 sont déterminantes pour la création d’une compagnie aérienne savoyarde. Chamonix et Megève, les deux stations alors à la mode, ne croyant absolument pas au projet, Michel Ziegler se tourne vers Émile Ancenay, maire de Saint-Bon-Courchevel et vers Alphonse Borget, maire de Méribel-les-Allues qui, eux, se montrent enthousiastes. Ils y voient en effet le moyen de drainer une clientèle plus internationale et plus aisée, tout en y gagnant en renom.
Reste à financer la future compagnie. Ils s’adressent alors à Sylvain Floirat et, à force de persévérance, finissent par être autorisés à lui présenter le projet en question. Malgré le soutien de leur ancien patron chez Bréguet, le compte n’y est pas et il faut convaincre les banques. C’est chose faite grâce à l’intervention d’Henri Ziegler, le père de Michel, alors directeur général chez Bréguet. Michel disposant maintenant de 100 000 Francs et devenant l’actionnaire principal de la future société, Robert devient actionnaire secondaire en vendant sa Simca P 60 Monthléry.
En attendant, en juin 1961, c’est toujours en tant que pilote d’essai de planeur pour Bréguet que Robert présente le planeur ‘Choucas BR 906’ au Salon du Bourget.
LA CRÉATION DE L’ALTIPORT DE MÉRIBEL
Enfin, le samedi 1er juillet 1961, Michel Ziegler et Robert Merloz créent, ensemble, mais pas à parité, la société Air Alpes. L’objectif de la compagnie sera de relier les grandes métropoles régionales disposant d’un aéroport national (Lyon-Bron), voire international (Genève), aux stations de ski de Courchevel et de Méribel afin d’éviter à une clientèle aisée les aléas d’un voyage sur des routes nationales alors surchargées et particulièrement dangereuses. Un autre pan du modèle économique d’Air Alpes reposera sur les activités en haute montagne, qu’il s’agisse de la dépose des skieurs sur les sommets ou sur glaciers, du ravitaillement des refuges de haute montagne, des parachutages sur neige, du suivi des étapes du Tour de France pour l’ORTF [9] ou de l’utilisation comme taxi aérien. N’oublions pas qu’à cette époque, les hélicoptères à piston ne sont pas encore capables d’évoluer à très haute altitude (voir ci-dessous l’interview de Robert Merloz le 5 janvier 1965)…
Pour cela, il faut créer, de toute pièce, des pistes d’atterrissage adaptées au vol en montagne, c’est-à-dire, pour rester fidèle aux enseignements d’Hermann Geiger, à sens unique, pente montante à l’atterrissage pour perdre rapidement de la vitesse, pente descendante au décollage, afin de gagner rapidement de la vitesse et décoller les roues (ou les skis) du sol le plus tôt possible.
Michel portant ses efforts sur le site de Pralong à Courchevel, Robert se concentre sur celui de Méribel-les-Allues. Dans cette perspective, le vendredi 17 février 1961, Robert Chauchon tente d’atterrir, avec le Piper Cub F-BEGO, sur une piste damée en bordure du téléski de la Tougnette. Ce véritable exploit se soldant par l’accrochage d’un câble au décollage, il conseille à André Tournier, le directeur technique de la station, de tailler une saignée dans la forêt du Fontany, c’est-à-dire sur le site actuel de l’aérodrome de Méribel, sur un terrain communal mis à disposition de la compagnie par la mairie.
À la fin de l’été de cette même année 1961, Robert entreprend, avec André Tournier et les moyens communaux, les travaux d’aménagement de la piste de Méribel. Il s’agit d’un travail fastidieux consistant à couper des arbres, à arracher des souches, à niveler le terrain sur près de 500 mètres de long et sur une cinquantaine de mètres de large.
UN MOMENT DE DOUTE
Il s’agit, en parallèle, de sélectionner les avions les plus adaptés aux missions en montagne et d’effectuer des reconnaissances sur les lieux de poser en haute montagne. Air Alpes passe commande d’un PC-6 Porter à la société suisse Pilatus mais, en attendant la livraison de cet avion, la compagnie loue, courant août, le Porter n° 343 immatriculé HB-FAZ équipé d’un moteur Lycoming GSO-480 de 340 cv. Malheureusement, cet appareil ne possède pas de doubles commandes.
Le vendredi 1er septembre 1961, le duo décolle depuis l’aérodrome de Chambéry/Aix-les-Bains pour effectuer des reconnaissances de sites et des posers sur certaines surfaces enneigées. Ainsi, Michel Ziegler effectue trois atterrissages d’affilée sur le glacier de Trêt-la-Tête, sous le col Infranchissable. C’est enfin au tour de Robert de prendre les commandes pour dérouler le même programme.
L’avion se dirige ensuite vers le col du Dôme, sous les pentes du mont Blanc, lieu mythique pour tout aviateur de montagne. L’atterrissage sur une neige dure est nominal et l’avion s’arrête à environ 100 mètres sous le col, en équilibre en travers de la pente, dans un dévers de 10° environ. Une fois le moteur coupé, l’équipage souhaite descendre de l’appareil mais, pour ouvrir les portières, il faut rentrer complètement les volets.
Dans ce cadre majestueux, les deux amis attendent la dissipation d’une légère nébulosité pour redécoller. La météo redevenant favorable, Robert reprend les commandes et a du mal à redémarrer le moteur. Après plusieurs tentatives, le moteur démarre brusquement avec une puissance importante et l’avion s’engage immédiatement dans la pente, sans que la check-list avant décollage ait pu être déroulée. Comme, dans cette situation, il n’est pas possible de freiner Robert met la pleine puissance et l’avion dévale le glacier.
Un an avant sa disparition, dans un article intitulé ‘Une crevasse au bout des ailes’ et publié en octobre 2008, Robert Merloz avait confié ses impressions à Pierre-Philippe Reiller, auteur à l’Aéroclub de Méribel (ACM) [10] :
« La pente s’accentue très rapidement et les pilotes découvrent avec effroi, face à eux, une crevasse dont la lèvre aval dépasse de plus d’un mètre la lèvre supérieure. Comment éviter de percuter ce mur de glace ? Dans un flash-back, Robert se remémore une situation identique vécue par un pionnier de l’Aéropostale dans les Andes ; le récit de Mermoz, il le connaissait par cœur ; il l’avait lu et relu vingt fois dans sa jeunesse ! Il fallait donc tenter de refaire la même chose : pour acquérir le maximum de vitesse, tirer sur le manche le plus tard possible, juste avant de percuter la paroi. Au passage de la crevasse, un choc est ressenti mais le moteur continue de donner sa puissance. La vitesse acquise n’étant pas suffisante pour voler, l’avion retouche la pente neigeuse qui le sépare d’une seconde crevasse encore plus effrayante. Lors du toucher, l’avion s’incline à gauche et le pilote ne parvient pas à contrôler ce mouvement. Il ignore que le train et l’aileron gauches sont restés dans la dernière crevasse. Juste avant la tentative de passage du deuxième mur de glace, Michel résume la situation d’une manière lapidaire en criant : « Robert, on est morts ! » Une deuxième rotation tardive ne parvient pas à faire voler l’avion. Il heurte la lèvre aval de la crevasse, quelques dizaines de centimètres au-dessous du cône de l’hélice tripale. Le choc est violent : hélice et moteur quasiment arrachés, flèche des ailes fortement inverse… L’avion est catapulté en l’air comme un skieur sur un tremplin de haut vol. Le dernier souvenir du pilote est de s’être retrouvé en vol balistique dans un silence total, commandes bloquées et totalement aveugle.
L’avion s’avachit alors dans une pente neigeuse très inclinée, glissant vers une zone de séracs et de crevasses en contrebas du glacier.
Par chance, l’hélice s’était repliée sous l’avant du fuselage, constituant un piolet providentiel qui arrêta la glissade de l’avion, épargnant ainsi à l’équipage un destin fatal.
Le chaos le plus total régnait à l’intérieur de l’habitacle. La tête du pilote avait heurté le tableau de bord, et le crâne du passager s’était ouvert sur la tirette du chauffage cabine. Les blessures saignaient abondamment. Du sang recouvrait tous les instruments. À l’extérieur, le moteur en contact direct avec la neige produisit une vaporisation importante, que Michel interpréta comme un début d’incendie. Il eut la présence d’esprit de crier au pilote de couper les contacts moteur situés à l’extrême gauche du tableau de bord. Robert exécutant rapidement la manœuvre, Michel en déduisit qu’il était conscient. Les portes principales étant bloquées, Michel évacua par l’issue de secours et fut étonné de se retrouver seul dans la neige. La cabine étant envahie par une vaporisation d’aspect identique à la fumée, il lui fallut un certain courage pour retourner à l’intérieur de l’avion… Robert était affalé sur son siège, inconscient. Michel le détacha et le traîna rapidement dehors au travers de l’étroite issue de secours.
À cette heure, de nombreuses cordées montaient au mont-Blanc. Un médecin allemand leur a donné les premiers soins. Une fois vaguement rétablis et transformés en œufs de Pâques, ils se sont demandé comment rejoindre la vallée. Le hasard faisant bien les choses, ils apprennent qu’un hélicoptère civil ravitaillait le refuge Vallot ce matin-là. Ils connaissaient bien le pilote Ross Christian (qui disparaîtra quelques mois plus tard). Ils se sont mis à gravir la pente qu’ils venaient de dégringoler. Une ascension au mont-Blanc n’est jamais une partie de plaisir. L’altitude et les conditions nivologiques fatiguent vite les organismes en bon état. Quand ceux-ci viennent de subir des traumatismes, il faut du courage et de l’énergie. De plus la pente était particulièrement raide, entre 40 et 50 %. Ils parviennent finalement au refuge et embarquent dans le Bell 47 G-3 qui les redescend dans la vallée. »
Une fois à Chamonix, ils se font contrôler à l’hôpital, puis Michel se rend à la gendarmerie pour faire la déclaration d’accident. Tandis que Robert traîne seul sa peine dans les rues, il reconnaît, au loin, Maurice Herzog, vainqueur de l’Annapurna et Secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports qui, déjà au courant de l’accident, l’invite à boire un café pour mieux sonder ses projets. « Déprimé, Robert lui avoue que tous ses rêves viennent de s’évanouir au dôme du Goûter. À ce moment-là, Maurice Herzog se met en colère, pose ses mains mutilées par le froid bien en vue sur la table et lui a dit : « Il n’en est pas question, il faut continuer ! » Cette phrase fut le catalyseur qui a permis à Robert Merloz de poursuivre son aventure ».
« Un peu plus tard, Robert se mit à analyser les événements de cette journée. Il s’est rendu compte que l’avion avait mal décollé car les volets n’étaient pas en position de décollage, ce dont il n’avait pas eu conscience pendant qu’il se battait pour le faire voler. Quelques années plus tard, lors d’une conversation amicale, Henri Giraud lui fit une confidence : « Cet endroit est un piège. Moi-même en décollant un jour avec le préfet de Haute-Savoie, j’ai tapé les deux skis principaux sur la lèvre de la première crevasse ! » Pendant les deux ans qui suivirent, nos deux pilotes fréquentèrent assidûment le massif en déposant des skieurs aux glaciers du Tour, de Leschaux, de Talèfre, aux cols du Géant et du Midi ou dans d’autres endroits tout aussi magnifiques. Chaque fois, ils rôdaient autour du lieu maudit sachant, sans en parler entre eux, qu’un jour ils y retourneraient. Deux ans plus tard, ils y effectuèrent un grand nombre de déposes de skieurs au départ de l’aérodrome du Fayet, parfois plus d’une dizaine chacun en une seule matinée. La routine, quoi !
Au printemps 1965, Air-Alpes obtint un contrat pour ravitailler le refuge Vallot, le prix de l’avion étant très compétitif par rapport à l’hélicoptère. Les rotations étant terminées, Robert et son mécanicien Gérard Bernadet chargèrent le matériel de servitude dans l’avion et le pilote démarra la turbine Astazou équipant le Turbo-Porter. Dès le début de la mise en vitesse, Robert réalisa que l’accélération était anormalement faible. Un rapide coup d’œil à l’indicateur de puissance révéla que celle-ci restait « scotchée » à 35 %, même en utilisant le système de secours de contrôle de l’hélice. Une fois encore, Robert se retrouva face à la sinistre crevasse et réalisa qu’il était écrit que sa vie se terminerait sur ce glacier. Pourtant, dans un sursaut de fierté car il ne voulut pas que l’on crût qu’il puisse commettre deux fois la môme erreur, il retarda à nouveau la rotation jusqu’à la dernière seconde et souleva l’appareil qui, en configuration décollage avec 30° de volets sortis, prit son envol au-dessus du gouffre avec la majesté d’un 747. Ouf ! Une fois en l’air, le pilote rendit la main et tenta de débloquer le pas de l’hélice pour retrouver la puissance. Le mécanicien qui connaissait bien le moteur refit la même manœuvre sans succès. Vers 3 600 m, Robert passa l’hélice en drapeau, ce qui eut pour conséquence immédiate d’arrêter le moteur. Puis il plana jusqu’à l’aérodrome du Fayet et atterrit sur la piste de 600 m, et rejoignit directement le parking, ce qui constitua un bel exploit aéronautique. Après vérification, le carter d’hélice s’était fendu et le fabriquant Ratier Figeac dut faire une modification pour renforcer cette pièce.
LES ANNÉES AIR ALPES
Malgré cette péripétie et grâce aux remontrances de Maurice Herzog, les travaux d’aménagement de la piste de Méribel vont bon train et tout est prêt avant la tombée de premiers flocons. Parallèlement, Robert construit, grâce à l’aide financière de ses beaux-parents, Valérie et Jean Casaubon, le chalet accueillant l’Altibar, structure faisant également office de comptoir Air Alpes, tenue par son épouse Marie-Madeleine Merloz.
Le mardi 12 décembre 1961, Robert Merloz, à bord du Piper PA 18 immatriculé F-BKBP puis Michel Ziegler, sur Pilatus Turbo Porter, se posent pour la première fois sur les pistes de Méribel et de Courchevel.
Un mois et demi plus tard, le mardi 30 janvier 1962, Air Alpes accueille, à Méribel, Joseph Szydlowski, fondateur de Turbomeca, afin de le convaincre d’investir dans la nouvelle société[1]. Le soir même, au cours d’un dîner dans un hôtel de la station, « Jojo La Turbine [11] » invente le terme « altiport », qui sera ensuite adopté par l’administration chargée des réglementations aéronautiques et, plus tard, par l’Académie Française.
Dès le lendemain, le mercredi 31 janvier 1962, Joseph Szydlowski procède à l’inauguration officieuse de l’altiport de Courchevel.
Finalement, Air Alpes débute ses activités avec deux avions : un Piper PA 18 de 150 cv et un Pilatus à turbine Turboméca Astazou de 530 cv.
Le samedi 15 décembre 1962, avec l’inauguration officielle de l’Altiport de Méribel par Maurice Herzog et la Miss France de l’époque, Air Alpes ouvre deux lignes à caractère régulier depuis Courchevel et Méribel vers Genève et Lyon-Bron et effectue de nombreuses déposes de skieurs sur les glaciers.
Les années suivantes, Air Alpes inaugurera des lignes régulières sur Megève, La-Plagne, Tignes et Val-d’Isère.
La compagnie prenant son essor et Robert ayant réalisé son rêve, il est l’heure de passer à autre chose. Début 1964, Air Alpes abandonne ses activités de formation au pilotage en montagne au profit de deux aéroclubs en cours de création sur les altiports existants. L’Aéroclub de Méribel (ACM)[1] est créé par Jean-François Chappel, dit « Nano », pilote à Air France, mais aussi résistant savoyard, pilote de transport militaire en Indochine et ancien moniteur au Centre Montagne-Air (CMA)[2] de Méribel. Il en restera président jusqu’en 1998.
En discutant avec Robert, moniteur bénévole au sein de l’aéroclub, il le convainc de changer de voie, de se relancer dans les études et de rejoindre la compagnie nationale au moment opportun.
Ferme et résolu, Robert effectue son dernier vol Air Alpes le mercredi 15 avril 1964 et devient chef-pilote de l’ACM à plein temps en 1965, puis instructeur pilote de montagne au Centre national du service de la formation aéronautique (CNSFA) de Challes-les-Eaux (73/Savoie), tout en préparant, la nuit, pendant ses temps libres et, surtout, avec le soutien moral et pédagogique de Nano, le concours d’admission à Air France.
LES ANNÉES AIR FRANCE
À partir du lundi 29 mai 1967 (date de son trente et unième anniversaire) et pendant vingt-sept mois, Robert Merloz entre comme stagiaire pilote de ligne à Air France, compagnie au sein de laquelle il entame une carrière complète :
- en août 1968, il devient copilote sur Caravelle SE 220 ;
- en février 1972, copilote de Nano Chappel sur Boeing 737 ;
- début 1980, commandant de bord sur Caravelle SE 210 ;
- début 1983, commandant de bord et instructeur sur Boeing 737 ;
- en 1988, commandant de bord sur Airbus A320 et Chef de la Division de vol Airbus A 320 ;
- le lundi 28 mars 1988, il survole les Champs Élysées en Airbus A320 avec, à son bord, Monsieur Jacques Chirac, maire de Paris ;
- en 1991, il devient commandant de bord sur Boeing 747-400, puis Chef de la Division de vol Boeing 747-400 lors de la mise en ligne de l’avion par la compagnie ;
- après un dernier vol sur New-York, il prend la retraite d’Air France, le mercredi 29 mai 1996, le jour des 60 ans, avec 16 821 heures de vol à son actif.
RETOUR AUX SOURCES
Retiré sur la Côte d’Azur, Robert Merloz peut enfin renouer avec la station et l’ACM, au sein duquel il assume les fonctions d’instructeur. Il succède à Nano à la présidence en 1998, soit un an avant la disparition de son mentor. Foudroyé par une maladie contre laquelle il se battra neuf ans durant et soucieux d’assurer rapidement la relève, il cède la présidence à Jean-Claude Roumilhac en 2003 pour se consacrer, le plus longtemps possible à son rôle d’instructeur et de responsable technique de l’aéroclub, puis à la rédaction de son ouvrage Formation du pilote de montagne.
Pilote d’Ultra léger motorisé (ULM) en 2006, pilote d’hydravion, membre de l’Association française des pilotes de montagne (AFPM), Robert Merloz prend son dernier envol au Broc (06/Alpes-Maritimes), le vendredi 23 octobre 2009.
ÉPILOGUE
De Robert Merloz, les personnes qui l’ont connu retiennent plusieurs points saillants.
Tout d’abord son caractère profondément savoyard, caractérisé par sa détermination à mener à terme toute action entreprise, son opiniâtreté, sa précision et l’amour du travail bien fait.
Ensuite, son caractère charmant, en ce sens qu’il savait garder, en toute circonstance, un ton juste, mesuré, respectueux des personnes, ce qui ne l’empêchait pas de se montrer extrêmement ferme et froid lorsque les circonstances le commandaient.
Enfin, sa vocation de pédagogue, jamais démentie à tous les stades de sa vie d’adulte. Moniteur à l’ACM, instructeur au CNSFA, responsable de la formation des pilotes d’Air France sur AIRBUS A 320, Robert Merloz a également tenu à transmettre son savoir-faire dans L’essentiel sur le Pilotage en montagne, ouvrage co-écrit et co-illustré avec Jean-François Chappel, Nano, en 1973.
Aujourd’hui, le site Internet Pilote de montagne (PDM) est consacré aux pionniers de l’Aviation de montagne, dont Robert Merloz est l’une des figures emblématiques.
Éléments recueillis par Bernard Amrhein
NOTES :
[1] Entreprise sise au 55, rue Aristide Briand, à Levallois-Perret, alors commune du département de la Seine.
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