28 septembre 1925 – Crash mortel d’Alejandro Velasco Astete, conquérant des Andes péruviennes


L’ère des pionniers est en voie de se terminer qu’apparaît, dans le paysage, un intervenant totalement atypique. En effet, alors que ses précurseurs de l’aviation andine sont des descendants de colons hispaniques ou des Européens égarés, le lieutenant de l’armée péruvienne Alejandro Velasco Astete est un descendant de nobles incas, dont l’ambition est non pas de contourner les Andes, mais de créer une véritable aviation de montagne destinée à désenclaver les populations indigènes. Focus sur ce visionnaire, mort trop tôt pour réaliser ses rêves d’adulte…

LES JEUNES ANNÉES

Alejandro Velasco Astete naît dans le district de San Jerónimo dans la province de Cuzco, le 23 septembre 1897. Dès son plus jeune âge, il se passionne pour l’aviation naissante, mais ses illusions se brisent à la fin de ses études secondaires.

En effet, il se voit contraint d’opter pour une autre carrière et entre à la Faculté de mathématiques et de sciences naturelles de l’Université San Antonio Abad de Cuzco, où il acquiert les connaissances lui permettant de s’installer à Lima, la capitale, en entrant à l’École des ingénieurs, où il se spécialise entre 1917 et 1919, dans la mécanique et l’électricité.

FORMATION DE PILOTE MILITAIRE

C’est à cette époque que l’armée de Terre péruvienne crée le Service de l’aviation militaire, dont l’école de pilotage offre des places aux civils. Alejandro Velasco Astete a donc la chance inouïe de réaliser son rêve : devenir pilote militaire. Le vendredi 27 février 1920, il postule au premier concours d’admission et entre comme seul civil dans un groupe composé d’officiers de l’armée et de la marine de guerre. Il intègre la première promotion de l’École d’aviation militaire pour se former comme pilote militaire et en sort, en 1922, après avoir obtenu son titre de pilote militaire ainsi que le grade de sous-lieutenant de réserve de l’armée. Il rejoint ensuite le groupe des officiers d’encadrement de l’École d’aviation militaire.

Au cours de ses premières années en tant qu’aviateur militaire, il participe à d’importantes activités aériennes commanditées par le haut commandement de l’armée et épouse Angelica Blanco Calle le mercredi 6 avril 1924. L’année suivante naît son unique fille, Angelica Dominga. Le dimanche 1er février 1925, Alejandro Velasco Astete est promu sous-lieutenant de l’armée de l’air et continue à servir comme instructeur de vol à l’École d’aviation militaire Jorge Chávez Dartnell.

En 1921, la municipalité et le Comité de l’aviation de Cuzco acquièrent un Ansaldo SVA5 qu’ils baptisent « Cusco » pour en faire don à l’armée. Cependant, en raison des retards administratifs enregistrés, l’appareil n’arrive dans le pays qu’en 1923 puis est assemblé dans des ateliers de l’École de l’aviation militaire de la base aérienne de Las Palmas, près de Lima. Le « Cusco » est confié à Velasco Astete à la demande du représentant du département de Cuzco à la Chambre des députés, afin qu’il le fasse voler jusqu’à la Cité impériale.

LE VOL VERS CUZCO

Velasco Astete prépare son avion et détermine que la meilleure date pour effectuer le vol est le samedi 29 août 1925. Il est autorisé à procéder en deux étapes. À la date prévue, il quitte Las Palmas pour Pisco, où il arrive sans encombre. Cependant, les conditions météorologiques se dégradant, il ne peut poursuivre son vol vers Cuzco que deux jours plus tard. Il décolle donc de Pisco à le lundi 31 août à 11 heures du matin et, après avoir vaincu les hauts sommets de la cordillère des Andes, il peut contempler, à 14 h 50, la capitale de l’Empire Inca.

L’arrivée de ce pilote cuscoien dans sa terre natale a constitué une apothéose sans précédent et a été dépeint par le photographe Martin Chambi.

Hernán Rivas Vargas-Machuca

Samedi 29 août 2020

Après avoir survolé la ville de Cuzco, Alejandro Velasco Astete atterrit dans le champ de la « La Poudre » (‘La Polvora’), où le peuple s’est massé pour l’accueil. En débarquant de l’appareil, il se dirige vers le point où sont regroupées les autorités civiles et militaires, qui l’accueillent et se déplacent avec lui vers la ville. Sur le trajet, il est ovationné pour son exploit. En arrivant à la mairie de Cuzco, le maire le déclare « Fils bien-aimé de la ville » puis, très ému, l’aviateur remercie l’assistance et lui adresse les mots suivants :

« Après sept ans d’absence de Cuzco, je reviens sur cette terre si chère, en accomplissant mon plus grand désir : par les airs. Et j’ai entrepris cette croisade pour montrer les progrès de l’aviation dans le pays, ainsi que la fierté de piloter, en traversant les Andes, une machine cuscoienne »

Pendant son séjour à Cuzco, la population ne cesse de l’honorer et de lui manifester son affection et ses engagements sociaux et civiques sont très intenses. Au cours de ces deux journées, il mène d’innombrables réunions familiales, sociales, protocolaires et civiques. Parmi celles-ci, nous pouvons mentionner les réceptions émouvantes au Collège des Sciences et à l’Université San Antonio Abad de Cuzco… son université. Un autre moment important est sa participation à la cérémonie de remise officielle de l’Ansaldo « Cusco » à l’armée de Terre sur le terrain de vol de ‘La Polvora’, où il effectue un vol de démonstration en survolant plusieurs zones proches de la ville de Cuzco.

FIN TRAGIQUE À PUNO

Le vendredi 28 septembre 1925, poursuivant son programme, Alejandro Velasco Astete décolle du champ de « la Poudre » et vole en direction de la ville de Puno. Après 1 h 53 de vol, il arrive au-dessus de son point de destination, ce qui a fait la joie de la population se dirigeant en grand nombre vers le champ de ‘La Chacarrilla’ (‘le sarcasme’), préparé pour son arrivée. Sur le point d’atterrir, il s’aperçoit que des spectateurs traversent la piste… et, soucieux d’éviter un accident, choisit de changer de trajectoire. Malheureusement, il s’écrase sans faire d’autre victime que lui-même.

Après cette incroyable tragédie, on transfère sa dépouille mortelle de Puno à Cuzco où elle arrive le dimanche 30 septembre dans la nuit. Le lendemain matin, le cercueil est transporté à la cathédrale où sont célébrées les obsèques avant un recueillement au cimetière de ‘La Almudena’ où, des discours sont prononcés par d’éminentes personnalités, au terme desquels on place le cercueil dans une niche.

HOMMAGES

En mémoire de ses exploits, l’aéroport international de la capitale impériale porte le nom d’Alejandro Velasco Astete. Le lundi 29 août 1966, le Congrès de la République péruvienne le déclare « Pionnier et Martyr de l’Aviation péruvienne ».

De même, dans le cadre de la commémoration du cinquantième anniversaire de sa disparition, en septembre 1975, sa dépouille mortelle est retirée de sa niche et transportée au pied de l’obélisque érigé en son honneur, devant l’entrée de ce terminal aérien.

Au début, l’aéroport reçoit de nombreux vols internationaux en direction de La Paz (Bolivie) et Arica (Chili). Ces vols sont abandonnés à cause de la faillite de certaines compagnies aériennes comme Ladeco et Lloyd Aéreo Boliviano. Le dimanche 9 août 1970, l’aéroport de Cuzco est le théâtre d’un événement tragique, le vol LANSA s’y écrasant quelques minutes après son décollage. 99 personnes trouvent la mort dans ce crash.

ÉPILOGUE

Il faut, bien entendu, saluer l’exploit d’Alejandro Velasco Astete qui, au contraire de bien des pionniers de l’aviation Sud-Américains et en Amérique du Sud, ne cherchaient, en réalité, qu’à jeter les bases de lignes permettant de traverser les Andes sans escale(s), en « effaçant », littéralement, les massifs montagneux.

Bien au contraire, lui, le descendant de nobles incas, souhaite réconcilier le concept de « modernité à l’occidentale » avec un passé indigène flamboyant. Ainsi, plutôt que de favoriser une modernité rayonnant depuis Lima, la capitale, vers les montagnes andines et, par-delà, vers la jungle amazonienne via une aviation péruvienne naissante centralisée, lui prône le désenclavement de la région andine en rayonnant, depuis Cuzco, vers toute l’Amérique du Sud rendant, au passage, sa fierté à un peuple soumis par les Conquistadors et en voie de perdre son identité.

S’il a réalisé ses rêves d’enfant (voler), il n’a malheureusement pas pu réaliser ses rêves d’adulte…

Éléments recueillis par Bernard Amrhein


SOURCES

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