Afin d’approfondir son champ d’action, Pilote de montagne (PDM) étend ses investigations au domaine de l’aviation de brousse dans différentes contrées sauvages de notre planète. En effet, en bien des endroits, les aviateurs défrichent des pistes en pente n’ayant rien à envier aux altisurfaces européennes, se posent en terrain non préparé, le plus souvent accidenté, ou encore sur ce qu’il reste de glaciers, quand ce n’est pas sur les banquises. Aujourd’hui, intéressons-nous à l’histoire de l’Américain Carl Benjamin (‘Ben’) Eielson, véritable pionnier de l’aéronautique commerciale en Alaska, en Arctique et en Sibérie…
JEUNESSE ET CARRIÈRE MILITAIRE
Descendant d’immigrants originaires du comté de Telemark (Norvège), Carl Benjamin (‘Ben’) Eielson naît le mercredi 20 janvier 1897 à Hatton, dans le Dakota du Nord. Malgré un intérêt marqué pour l’aviation naissante, le Midwesterner, une fois âgé de 18 ans, poursuit, à la demande de ses parents, ses études de droit à l’Université du Dakota du Nord, puis à l’Université du Wisconsin.
En 1917, Eielson s’engage et apprend à voler au sein de l’United States Army Air Service, nouvellement créé après l’entrée en guerre des États-Unis d’Amérique aux côtés des Alliés. En janvier 1918, il est intégré dans la section aviation de l’U.S. Army Signal Corps (USASC) mais la Première Guerre mondiale s’achève avant qu’il ait terminé sa formation de pilote, qu’il achève au tout début de 1919. En mars 1919, Eielson est en même temps promu Second Lieutenant (sous-lieutenant) et libéré de ses obligations militaires…
De retour à la vie civile, Eielson fréquente à nouveau l’université pour satisfaire ses parents, tout en se produisant dans quelques ‘Barnstormings’ dans le Midwest pendant trois ans. En 1922, il accepte d’enseigner les sciences générales, l’anglais et l’éducation physique dans une école secondaire de Fairbanks, en Alaska. Impressionné par l’immensité de cet État encore sauvage et notant un besoin criant d’aviation dans la région, il réussit à convaincre certains hommes d’affaires locaux pour y lancer une aviation commerciale. C’est à cette époque qu’il créé la Farthest North Airline Company, (littéralement, la ‘Compagnie aérienne de l’extrême Nord’) avec un avion Curtiss JN-4 ‘Jenny’ de 1917, dont il est l’unique pilote.
UN PIONNIER DE L’AVIATION EN ALASKA
Au début de l’année 1924, Eielson obtient un contrat pour inaugurer une liaison postale de 300 milles entre Fairbanks et McGrath. Il effectue donc le premier vol postal en Alaska en un peu plus de trois heures, le même voyage en traîneau à chiens prenant alors trois semaines.
Malheureusement, ce contrat lui est retiré en mai de la même année et, après quelques mois supplémentaires comme pilote de brousse en Alaska, il s’engage à nouveau dans l’Army Air Service, passe une année au Langley Field, en Virginie…
… puis retourne au Dakota du Nord.
À LA CONQUÊTE DE L’ARCTIQUE ET DE L’ANTARTIQUE
En 1925, à New York, une rencontre entre deux explorateurs chevronnés de l’Arctique, Carl Ben Eielson et Vilhjalmur Stefansson, tous deux liés au Dakota du Nord, change à jamais le style de l’exploration dans les régions polaires des hémisphères nord et sud.
Natif d’Arnes, au Manitoba (Canada), Stefansson a passé une grande partie de sa jeunesse à Mountain, au Dakota du Nord, et a entamé des études à l’University of North Dakota (UND). Il faisait partie de ces nombreux étudiants occupant des logements à loyer modéré sur la ‘Harry Richards Farm’ (maintenant le ‘Ray Richards Golf Course’), située juste au sud du campus. Stefansson termine ses études à l’Université Harvard, mais trouve le temps, au cours de ses années de formation, de devenir rédacteur en chef du quotidien ‘Plain Dealer’, l’un des concurrents du ‘Grand Forks Herald’.
L’explorateur polaire George Hubert Wilkins demande à Stefansson, qui a dirigé de grandes expéditions en bateau et sur la glace dans l’océan Arctique et les îles canadiennes de l’Arctique, de lui recommander un aviateur expérimenté pour le piloter dans le cadre d’une tentative audacieuse consistant en un vol sans escale de Point Barrow (aujourd’hui Utqiagvik), en Alaska, jusqu’au Spitzberg (dans l’archipel du Svalbard, Norvège). Né en Australie en 1888, Wilkins a travaillé avec Stefansson de 1913 à 1915, et a ainsi appris les techniques de survie en Arctique auprès d’une autorité reconnue en la matière. Pour sa part, Stefansson avait été témoin de la virtuosité d’Eielson et appréciait sa vision d’une aviation pour le Grand Nord. C’est donc sans hésiter qu’il le recommande pour devenir le pilote de ce projet.
La tentative d’avril 1927
Le récit le plus complet des événements de cette époque est certainement ‘Polar Pilot – The Carl Ben Eielson Story’, un ouvrage illustré rédigé par Dorothy G. Page, de Wasilla (Alaska), paru en 1992. Le voyage épique sur la glace arctique en 1927 a probablement été le plus grand test de la ténacité physique de l’équipe Wilkins-Eielson ainsi que l’une des plus grandes réalisations de survie dans l’Arctique de tous les temps.
Lors d’un vol exploratoire au nord de la côte de l’Alaska, en avril 1927, des problèmes de moteur contraignent les deux partenaires à atterrir par deux fois sur la banquise. Après avoir effectué ce qu’on pense être les premiers atterrissages et décollages sur glace flottante, leur avion Stinson tombe en panne sèche et Eielson doit effectuer, toujours le même jour, un troisième atterrissage d’urgence sur une glace en mouvement. Le moteur refusant de redémarrer, les deux hommes abandonnent leur appareil et marchent 125 milles (soit 201 km) sur la glace en 13 jours. Ils façonnent des traîneaux sommaires avec des pièces d’avion, les tirant à travers la glace. Ils les abandonnent bientôt, continuant avec des sacs à dos, qu’ils réduisirent finalement à un seul. Malgré un plongeon dans l’eau glacée pour Wilkins et des doigts gelés pour Eielson, ils atteignent enfin la terre ferme près de Beechy Point, à environ 25 milles (soit 40 km) au nord-ouest de l’actuelle Prudhoe Bay. Malheureusement, ils ont perdu un avion, Ben doit être amputé d’un doigt gelé et, ce qui est peut-être le plus grave, la fenêtre météo d’avril 1927 se referme.
La tentative d’avril 1928
Pas découragés pour autant, les deux hommes se préparent à rejoindre le Spitzberg au début de l’année suivante. Mettant toutes les chances de leur côté, ils choisissent un monoplan ailes hautes Lockheed ‘Vega’ de couleur orange immatriculé NX3903 (le troisième de ce type à être construit), qu’ils équipent avec des skis métalliques, théoriquement plus solides que les skis en bois.
Enfin, le dimanche 15 avril 1928, ils décollent de Barrow avec un chargement total de 3 000 livres (soit environ 1 361 kg), comprenant le carburant, des équipements de survie polaire et plus de 40 livres (soit un peu plus de 18 kg) d’aliments non périssables, principalement du chocolat, des raisins secs, du pemmican et des biscuits.
Comme le montrent les photographies officielles ci-dessous, les deux aventuriers disposent de combinaisons fourrées pour lutter contre le froid polaire et d’altitude :
La route prévue passe au-dessus des îles de l’Arctique canadien, puis autour du nord du Groenland jusqu’au Spitzberg, la plus grande île de l’archipel du Svalbard, sous juridiction norvégienne. En raison de la proximité du pôle magnétique, l’emport d’une boussole est jugé inutile pour la navigation. Hubert Wilkins utilise un sextant Mk. V (cinq) à bulle pour calculer leur position en prenant le gisement du soleil, qui reste au-dessus de l’horizon pendant toute la durée du vol.
Grâce à l’extraordinaire habileté de navigation de Wilkins et à l’expertise légendaire d’Eielson en matière de pilotage, le vol se déroule sans incident pendant les 20 premières heures et 20 minutes. Les deux compères ont déjà parcouru plus de 2 100 milles (soit 3 379 km) lorsqu’ils rencontrent des vents contraires, du temps nuageux et des tempêtes, la température de l’air avoisinant, quant à elle, les – 45° Celsius (- 49° Farenheit). Le carburant s’épuisant, le pilote descend à la recherche d’un site d’atterrissage possible. Il parvient à se poser sur l’île inhabitée de Doedmansoeira (Dead Man’s Island), au large de la côte nord de Danskøya (Dane) Island. Le mauvais temps s’installant, les aviateurs restent cloués au sol pendant quatre jours. Quand le temps se dégage enfin, ils décident de poursuivre leur route.
Bien que l’appareil évolue en pente descendante, les skis de l’avion restent collés à la neige gelée, ce qui contraint Wilkins à débarquer et à pousser l’appareil sur les parties difficiles. Lorsque l’avion prend enfin de la vitesse, Wilkins tombe en essayant de monter à son bord, sans qu’Eielson ne s’en rende compte. Heureusement, le pilote effectue un tour de vérification et aperçoit son compagnon au sol. Il atterrit à nouveau et tous deux effectuent un deuxième essai, Wilkins disposant maintenant d’une échelle de corde pour se hisser à bord. Malheureusement, il a les mains engourdies par le froid, lâche l’échelle et, bis repetita, tombe une deuxième fois dans la neige. Eielson décolle seul et doit se poser à nouveau…
Lors de la troisième tentative, Wilkins utilise un morceau de bois flotté pour pousser l’avion depuis la porte de la cabine ouverte, et l’avion décolle enfin… avec les deux hommes à bord. Après avoir grimpé à 3 000 pieds (soit 914,4 mètres), ils aperçoivent immédiatement les tours radio de Grønfjorden, sur Nordenskiöld Land, leur destination finale.
À l’issue de cette odyssée, le célèbre explorateur Roald Amundsen dit de leur exploit : « Aucun vol, où qu’il se soit réalisé et quelle que soit l’époque, n’est comparable à celui-ci ».
LE LOCKHEED ‘VEGA’
Le Lockheed ‘Vega’ est un appareil de pointe pour l’époque. Le prototype vole pour la première fois le 4 juillet 1927 à Mines Field, près de Los Angeles, Californie. Il comprend un fuselage monocoque profilé en contreplaqué moulé. Les ailes et l’empennage sont entièrement en porte-à-faux et ne comprennent aucun hauban.
Le pilote du ‘Vega’ dispose d’un cockpit ouvert et peut transporter quatre passagers dans une cabine fermée. L’appareil mesure 27 pieds, 6 pouces (soit 8,382 mètres) de long avec une envergure de 41 pieds (soit 12,497 mètres) et une hauteur totale de 8 pieds, 2 pouces (soit 2,489 mètres). Il a une masse à vide de 1 875 livres (soit 851 kilogrammes) et une masse brute de 3 470 livres (soit 1 574 kilogrammes).
Vidéo : [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=ukeO3s1uVzE[/embedyt]
Les premiers ‘Vega’ sont alimentés par un moteur radial (en étoile) neuf cylindres Wright Whirlwind J-5C de 787,26 pouces cubes (soit 12,901 litres) à aspiration normale et refroidi à l’air avec un taux de compression de 5,1:1. Ce moteur a une puissance nominale de 200 CV à 1 800 tours/minute, et de 225 chevaux à 2 000 tours/minute. Il s’agit d’un moteur à entraînement direct qui entraîne une hélice à deux pales Hamilton Standard. Le Wright J-5C mesure 2 pieds, 10 pouces (soit 0,864 mètre) de longueur et 3 pieds, 9 pouces (soit 1,143 mètre) de diamètre. Il pèse 508 livres (soit 230,4 kilogrammes).
Le ‘Vega’ a une vitesse de croisière de 118 milles/heure (190 km/h) et une vitesse maximale de 138 milles à l’heure (222 km/h), ce qui est très rapide pour l’époque. Le rayon d’action de l’avion est de 900 milles (soit 1 448,4 kilomètres). Il peut voler à une altitude de 15 000 pieds (soit 4 572 mètres).
UNE RENOMMÉE INTERNATIONALE
Le succès des deux explorateurs survenant moins d’un an après le vol solo de Charles Lindbergh entre New York et Paris/Le-Bourget, celui-ci déchaîne une vague d’enthousiasme dans les capitales européennes et en Amérique du Nord. Les deux partenaires effectuent une tournée triomphale en Europe, où ils sont honorés par plusieurs chefs d’État, y compris en Angleterre où Wilkins, sujet britannique, est fait chevalier par le roi George V.
Quant à Eielson, il se fait remettre le ‘Harmon Trophy’ à Washington par le président Herbert Hoover, puis le duo est officiellement accueilli à New York par de nombreux dignitaires.
Après ses deux succès sur le sommet et sur la base du monde, Eielson réalise son rêve et crée sa propre compagnie aérienne en Alaska. Il possède alors 12 avions, trois hangars et une équipe de pilotes de brousse et de mécaniciens expérimentés. Après s’être engagé dans la National Guard, il est officiellement promu Colonel au cours d’une cérémonie organisée à Grand Forks en avril 1929.
Le 20 décembre 1928, pendant l’été austral, le duo défraie à nouveau la chronique en effectuant un vol de 600-mile (970-km) au-dessus de l’Antarctique, devenant ainsi les premiers hommes à survoler les deux régions polaires la même année, toujours sur leur Lockheed ‘Vega’.
Après cet exploit, Eielson retourne en Alaska pour fonder une nouvelle compagnie aérienne commerciale, l’Alaska Airways, une filiale de l’Aviation Corporation of America.
LE CRASH FATAL DE NORTH CAPE
Le destin sourit à Eielson, qui a tout l’avenir devant lui mais, comme souvent, « la roche Tarpéienne est proche du Capitole ».
Après avoir porté secours au cargo à moteur MS ‘Elisif’, le voilier motorisé ‘Nanuk’‘ est pris dans les glaces pendant l’hiver 1929-1930 à Cape North (rebaptisé plus tard Cape Schmidt [Mys Otto Schmidta/ Мыс Отто Шмидта]), avec Olaf Swenson, un riche marchand de fourrures de Seattle (État de Washington), sa fille de 17 ans, Marion, et 15 membres d’équipage à bord. Le problème, c’est que le ‘Nanuk’ est immobilisé avec six tonnes de fourrures d’ours et de renards valant environ 1,5 millions de dollars américains (soit 26,6 millions de dollars de 2023). Se préparant à hiverner sur place, Swenson conclue un contrat, le mardi 24 octobre 1929, avec l’Alaskan Airways Company (et donc Eielson) pour évacuer la cargaison et six membres d’équipage de la Swenson Fur & Trading Company vers Teller, en Alaska.
Le premier voyage de Teller à Cape North et retour est accompli avec succès par Eielson et Borland dans le ‘Hamilton H-47’, et par Frank Dorbandt, un autre pilote polaire expérimenté, aux commandes du ‘Stinson’. En Alaska, Eielson est retardé par la recherche d’un avion qui s’est écrasé en Alaska. Il s’ensuit une période de mauvais temps, ce qui rend le vol impossible, jusqu’au matin du samedi 9 novembre. À cette date, le ‘Nanuk’ envoie une dépêche indiquant que le temps s’éclaircit, et Eielson décide de relancer la mission.
Pilotant un avion plus lent, Dorbandt est le premier à décoller. Il ne reverra plus jamais Eielson vivant. Loin au-dessus du détroit de Béring, il rencontre d’énormes bancs de brouillard et doit retourner à son point de départ.
De leur côté, Eielson et Borland tiennent leur cap, luttant contre la tempête et le brouillard, jusqu’à ce qu’ils atteignent un point près du Cape Wankarem, sur la côte sibérienne. C’est là qu’ils percutent le relief avec la manette des gaz à fond et qu’ils meurent sur le coup.
Des recherches de grande envergure sont entreprises par des aéronefs américains, canadiens et soviétiques, ainsi qu’avec des traîneaux tirés par des chiens. Le destin de l’avion et du navire (avec une lycéenne à bord) captive l’attention du public et le New York Times s’arrange pour que Marion Swenson expédie des dépêches à intervalle régulier pour rendre compte de l’avancement des recherches.
La carcasse de l’appareil n’est retrouvée par Joe Crossan et Harold Gillam que le vendredi 24 janvier 1930. Le premier corps n’est découvert que le jeudi 13 février par Mavriky Slepnyov et Joe Crossan, des chercheurs soviétiques effectuant des travaux scientifiques à bord du navire ‘Stavropol’. Gillam arrive dans la soirée et identifie Borland.
Les premiers secours arrivant sur les lieux du drame constatent que l’altimètre de l’appareil, marquant 1 000 pieds (soit environ 300 mètres) dans le brouillard, a certainement induit Eielson en erreur, à moins qu’il ait raclé la neige avec l’extrémité d’une aile en tentant d’atterrir.
De son côté, le corps d’Eielson n’est retrouvé que quatre jours plus tard puis est rapatrié vers Hatton pour être inhumé dans le carré familial du St. John’s Cemetery.
Quant à Swenson et à sa fille, ils sont évacués par avion par le pilote d’origine irlandaise Thomas Mayne Reid le vendredi 7 février 1930.
UN BATEAU CÉLÈBRE MALGRÉ LUI
En juillet 1930, le ‘Nanuk’ se libère enfin des glaces rejoint Nome, puis Seattle, où il arrive au début du mois d’août 1930.
En mai 1932, la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM) affrète le ‘Nanuk’ comme navire de transport jusqu’à Teller (Alaska) pour le tournage du film ‘Eskimo’. La production ne laisse rien au hasard : neige artificielle, souffleuses et acteurs esquimaux sont réquisitionnés. Le ‘Nanuk’ participe ensuite sporadiquement à des expéditions de chasse à la baleine pendant le tournage, et se retrouve à nouveau pris par les glaces pendant l’année du tournage. La MGM achète ensuite le ‘Nanuk’ à Swenson et, après l’avoir fait amener à Los Angeles, le transforme en bateau pirate (le fameux ‘Hispaniola’…) pour le film ‘Treasure Island’ (‘L’île au Trésor’, 1950). La goélette devient ainsi un bateau gréé de canons.
Immédiatement après, le ‘Nanuk’ se transforme en frégate de l’Amirauté britannique. En effet, dans ‘Mutiny on the Bounty’ (‘Les révoltés du Bounty’, 1962),il figure le HMS ‘Pandora’ après avoir effectué la traversée jusqu’à Tahiti.
Selon JaySea, le ‘Nanuk’ est ensuite vendu au gouvernement mexicain (Compañía Naviera Nacional del Pacifico), qui se débarrasse des mâts, le transforme en navire à moteur et s’en sert au moins jusqu’en 1960.
LES EXPLOITS D’EIELSON BIENTÔT PORTÉS À L’ÉCRAN ?
Dans un article publié le mardi 7 mars 2023 sur le site Internet In Forum de Fargo, John Lamb annonce qu’un film sur la vie d’Eielson serait en projet :
« Fargo — Les producteurs cinématographiques pensent qu’un film sur un célèbre aviateur et explorateur du Dakota du Nord pourrait trouver son audience auprès du public, mais ils ont d’abord besoin d’aide pour démarrer.
Provisoirement appelé ‘Polar Pilot’ (‘Pilote polaire’), le projet consisterait en un compte rendu dramatique de la vie de Carl Ben Eielson. Originaire de Hatton, au Dakota du Nord, ce dernier a établi de nouvelles normes pour l’aviation dans le cadre des expéditions polaires avant de mourir dans un crash pendant une mission de sauvetage en 1929, à l’âge de 32 ans.
« Un jeune pilote et explorateur intrépide affronte des éléments sauvages dans des avions primitifs pour prouver au monde qu’il est possible de voler dans l’Arctique », peut-on lire dans le pitch.
…
« Je pense que c’est un excellent projet. Je pense qu’il a un grand potentiel pour le rôle principal. C’est certainement un rôle vedette. Si le scénario se révèle juste, il s’agirait d’une histoire d’aventure », déclare le producteur de film Scott Rosenfelt, dont la filmographie comprend, entre autres, ‘Home Alone’ (‘Maman, j’ai raté l’avion’), ‘Mystic Pizza’, ‘Teen Wolf’’ et ‘Smoke Signals’.
Rosenfelt et ses partenaires de production Kari Eielson Mork, Robert Seguin et Ron Thomson, tentent dans un premier temps de recueillir 300 000 $ permettant de développer un scénario et engager des acteurs ainsi qu’un réalisateur attachés au projet. L’étape suivante consisterait à trouver 30 millions de dollars supplémentaires pour le tournage du film proprement dit.
Rosenfelt déclare que l’agenda pourrait voir le tournage commencer au printemps 2024, avec une date de sortie à la fin de cette année-là ou au début de 2025.
« Cela m’excite. C’est quelque chose dans lequel je peux m’enfoncer les dents », dit-il.
« Il s’agit essentiellement d’un film d’aventure en milieu sauvage avec un personnage principal se heurtant aux éléments. C’est en quelque sorte l’histoire d’un homme contre la nature, dans un sens », dit Rosenfelt. « Un homme qui défie les éléments pour aider les gens. Il se pousse contre vents et marées pour faire quelque chose qui n’a jamais été réalisé auparavant ».
Ces thèmes lui rappellent les films de Robert Redford ‘Jeremiah Johnson’ et ‘Out of Africa’.
« C’est un paysage spectaculaire, c’est magnifique. C’est panoramique, toutes ces choses pour moi créent un grand écran », dit-il. « Vous ajoutez tout cela et vous avez un bon ragoût d’un grand film publicitaire à l’ancienne ».
Si le projet pilote polaire vous intéresse, contactez Kari Eielson Mork à l’adresse karimork@yahoo.com
ÉPILOGUE
On l’aura bien compris, Carl Ben Eielson est de l’étoffe des héros des débuts de l’aéronautique mondiale. Rétrospectivement, on ne peut qu’être admiratif des incroyables exploits réalisés avec des équipements somme toute rudimentaires. Admiratif aussi de l’incroyable parcours professionnel d’un jeune aviateur terminant la Première Guerre mondiale au grade de Second Lieutenant, qui établit de nombreux records mondiaux, se voit attribuer 14 médailles ainsi que le prestigieux ‘Harmon Trophy’ puis est promu Colonel de la National Guard à moins de 32 ans…
Cependant, un détail émerge de la lecture des nombreux articles (en langue anglaise pour la plupart) consacrés à ce héros mythique de la conquête polaire disparu trop tôt : hormis sa mère Olavia et sa sœur Elma (voir la photo de famille en tout début d’article), aucune partenaire féminine ne semble avoir partagé ses moments de quiétude, alors que même Wilkins, à la vie non moins mouvementée, était marié…
Alors oui, l’épopée de Carl Ben Eielson raconte bien l’histoire d’un entrepreneur américain bravant les éléments dans des contrées particulièrement hostiles, luttant tout autant contre le froid que contre le vent, la neige et la glace. Gageons toutefois que si Hollywood se lançait effectivement dans un tournage relatant ses aventures, des scénaristes conscients de leur mission civilisatrice sauraient lui inventer une romance et lui trouveraient des partenaires plus conformes à la morale actuelle…
Éléments recueillis par Bernard Amrhein
SOURCES
BIBLIOGRAPHIE
LIEUX DE MÉMOIRE
Carl Benjamin (‘Ben’) Eielson est véritablement le héros de la ville de Hatton et du Dakota du nord. En plus de la rue Eielson et du Hatton Carl Ben Eielson Museum, dans sa ville natale, des écoles à Fargo et de Grand Forks, ainsi que les bases aériennes de Grand Forks et de Fairbanks (Alaska), portent son nom. Pendant la Seconde Guerre mondiale, on lance un ‘Liberty Ship’, le SS Carl B. Eielson. Pour mémoire ou pour les fanas de randonnées en montagne, un sommet de l’Alaska situé au nord-est du Denali (anciennement Mount McKinley), dans le Parc national de Préservation du Denali, a été nommé Mount Eielson en l’honneur du vainqueur des pôles par les airs et un cap en Antarctique a été appelé Eielson Peninsula…
Cependant, le meilleur endroit pour découvrir des souvenirs d’Eielson dans le Dakota du Nord est le Hatton Carl Ben Eielson Museum, situé dans la spacieuse maison familiale de style ‘Queen Anne’ (maintenant inscrite au Registre national des lieux historiques) où l’aviateur a grandi. Parmi les objets exposés, on trouve l’équipement de survie, les médailles et les prix, la correspondance, un large éventail de photos et de nombreux journaux, y compris les premières pages de certains des principaux quotidiens du monde.
L’une des photographies montre le président Hoover offrant le trophée Harmon à Eielson, beaucoup d’autres représentant les avions affrétés pour la recherche et le sauvetage des naufragés du samedi 9 novembre 1928, le train funéraire qui a transporté le corps du célèbre aviateur dans sa ville natale, ainsi que les funérailles, probablement les plus mémorables de l’histoire du Dakota du Nord. Malheureusement, pour intéressants qu’ils soient, la plupart de ces clichés appartiennent à des sites de revente en ligne bien connus…
À Anchorage, l’Alaska Aviation Museum possède une vaste collection de souvenirs d’Eielson, y compris des séquences cinématographiques de l’aviateur et de son avion ‘Hamilton H-47’ sur le navire pris dans les glaces en Sibérie. Le musée présente également des expositions ‘indoor’ et ‘outdoor’ d’avions entiers et de parties d’avions datant des débuts de l’aviation en Alaska.
En février1994, le musée d’Anchorage a inauguré une grande exposition d’objets d’Eielson. Les objets de collection sont en conservés en caisse à Bismarck (Dakota du Nord) jusqu’à ce qu’ils soient mis en valeur, en 1992, par Ted Spencer, directeur de l’Alaska Aviation Heritage Museum. L’exposition comprend le parka en fourrure cousu à la main porté par Eielson sur plusieurs photos célèbres, une montre en or offerte à l’aviateur par la ville de Fairbanks, l’hélice tordue de son avion accidenté ainsi qu’un drapeau américain taillé en forme de linceul pour le rapatriement de la dépouille mortelle entre la Sibérie et les États-Unis d’Amérique.
L’une des attractions de l’Alaska Aviation Heritage Museum de Fairbanks est la carcasse du monoplan ‘Hamilton H-47’ dans lequel Eielson et Borland sont morts en 1929. Récupérée par les Russes, cette relique a été transportée vers Fairbanks par avion-cargo en 1991.