ÉDITORIAL 14 – Propulsion électrique et aviation de montagne


Le samedi 24 juillet 2021, l’auditorium de Méribel-Centre (73/Savoie) organisait une conférence gratuite sur ‘Les nouvelles énergies de propulsion aéronautique’, un sujet d’actualité pour qui s’intéresse à la fois à la protection de l’environnement et la poursuite des activités aériennes. Une occasion pour Pilote de montagne (PDM) de réfléchir aux évolutions en cours et de faire part de ses commentaires…

Bien qu’organisée un samedi soir, jour de chassé-croisé estival, cette conférence s’est déroulée dans un auditorium accueillant une bonne quarantaine de personnes, des séniors pour la plupart, dont un public apparemment bien informé des questions aéronautiques au regard des questions d’ordre technique posées à la cantonade.

La première partie de la soirée était consacrée aux avancées proposées par la société américaine Universal Hydrogen. Principalement adaptée aux avions gros porteurs, longs et moyens courriers, cette propulsion semble certes prometteuse, mais se heurte à la nécessité de comprimer fortement l’hydrogène pour designer des aéronefs d’un volume raisonnable. Comme il fallait s’y attendre, cet exposé n’a rencontré qu’un succès d’estime devant un public aussi averti.

Le deuxième exposé présentait une forme de propulsion semblant plus raisonnable pour le genre d’aviation qui nous intéresse : l’électricité. Implantée sur l’ancienne base aérienne de Toulouse-Francazal, la société AURA AERO y dispose de bureaux, d’ateliers et d’un hangar très spacieux, sans oublier un accès direct à la piste, conditions essentielles pour un développement rapide et harmonieux de ses activités.

Pour l’heure, AURA AERO a déjà lancé un petit avion à train classique possédant des capacités de voltige appelé integral R. Pour sa part, l’integral S, un avion à train tricycle, sera certifié en 2022 et conviendra parfaitement aux aéroclubs. En outre, la famille des integral d’AURA AERO s’enrichira prochainement d’un avion à propulsion électrique, l’intégral E, qui devrait effectuer son premier vol en 2022 pour être certifié l’année suivante. Ainsi, le marché français des avions de tourisme et de formation pourrait très prochainement disposer d’un avion électrique produit en France… et susceptible, aussi, d’intéresser les armées françaises comme des armées étrangères.

Du fait de son poids réduit et de ses performances intrinsèques, l’intégral E pourrait également concerner les pilotes et les aéroclubs de montagne, un milieu qu’il est nécessaire, plus que tout autre, de préserver de toutes formes de pollutions et d’agressions, sonores en particulier En outre, la propulsion électrique permettra de s’affranchir des problèmes de fonctionnement du moteur en altitude et par grand froid : finis les moteurs qui s’essoufflent et s’étouffent par manque d’air et finis, aussi, les givrages de carburateur…

Cependant, AURA AERO ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et vise déjà le marché du transport court et moyen-courrier en développant un Electric Regional Aircraft (ERA). D’une capacité de 19 places, prévu pour peser 8,6 tonnes et pour voler au niveau 250, ERA devrait être équipé de batteries dites « structurelles », c’est-à-dire intégrées dans le fuselage proprement dit, ainsi que de six hélices pour créer un effet de sustentation par soufflage des ailes. Débutant les essais en vol en 2024, cet appareil devrait entrer en service en 2026.

ERA sera également équipé d’un turbogénérateur au fuel produisant l’électricité de complément monté à l’arrière de la carlingue pour voler en toute sécurité ou pour allonger son rayon d’action. L’objectif est de réduire les émissions de CO2 de 100 % sur les vols inférieurs à 400 km (en ‘full electric’) et de 80 à 64 % au-delà… Les concepteurs de cet avion révolutionnaire annonçant un atterrissage et un décollage sur de courtes distances, pourquoi ne pas imaginer des liaisons régulières entre les plateformes aériennes régionales et les altiports, comme le faisait Air Alpes en son temps, mais en ne consommant, cette fois-ci, aucun carburant, ou seulement très peu ?

Comme nous le pressentons depuis la création de notre site Internet, le mardi 8 septembre 2020, l’avenir de l’aviation de montagne réside dans l’industrialisation des innovations et dans la capacité à convaincre l’ensemble des acteurs du domaine qu’il est désormais nécessaire d’entamer une mutation profonde du parc des aéronefs en service.

Cependant, comme Jeremy Caussade, co-fondateur et président d’AURA AERO l’aura répété à plusieurs reprises pendant sa prestation, le développement d’une gamme d’avions électriques dépend essentiellement de la conjoncture économique et la volonté politique de faire bouger les choses. Combien de sociétés aéronautiques se sont lancées à grand renfort de publicité pour échouer au bout de quelques mois, faute de continuité et de suivi dans le soutien ? Pour une fois qu’une entreprise française se trouve en pointe, nous ne pouvons que la soutenir, de toutes nos forces…

Bernard Amrhein

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