9 octobre 1937 – Au Venezuela, l’Américain James (‘Jimmie’) Angel s’écrase sur l’Auyan Tepuy en voulant prospecter le plateau surplombant la plus haute chute d’eau du monde


Les pionniers de l’aviation du début du XXe siècle sont certes de l’étoffe dont on fait les héros mais, pour réaliser leurs exploits, ils doivent disposer de revenus, ne serait-ce que pour l’achat d’un appareil, le recrutement d’un ou de plusieurs mécaniciens et l’organisation d’une logistique adaptée à leurs opérations. Malheureusement, il n’est pas donné à tous les pilotes de remporter des prix, c’est pourquoi certains d’entre eux assouvissent leur goût d’aventure au sein de grandes compagnies (comme l’Aéropostale…), tandis que d’autres, comme Robert (‘Bob’) Campbell Reeve en Alaska, par exemple, créent leur propre entreprise afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Au nombre de ces entrepreneurs casse-cou, on retrouve James (‘Jimmie’) Angel Crawford, un pilote de brousse renommé, obsédé par la recherche d’un hypothétique ‘Eldorado’ au sud-est du Venezuela. Une histoire que peu de gens connaissent mais riche d’enseignements pour les jeunes (et moins jeunes) pilotes de montagne…

PRIME JEUNESSE

James Crawford Angel Marshall, plus connu sous le nom de ‘Jimmie’ Angel, naît le mardi 1er août 1899 à Springfield, région de Cedars Valley, dans le Missouri.

Ses parents sont Glenn Davis Angel et Margaret Belle Marshall Angel et il a quatre plus jeunes frères, Henry Parker, William Edward, Clifford Esby (voir photo ci-dessous) et Clyde, ainsi qu’une sœur, Goldie Etoile, qui mourra en 1921.

Afin d’éviter toute confusion dans la famille Angel, il utilise le nom de Crawford dans son enfance et dans son adolescence parce que son grand-père s’appelle James Edward Angel. Ce n’est qu’au début de ses vingt ans qu’il devient véritablement ‘Jimmie’, avec cette orthographe non conventionnelle.

UN PERSONNAGE CONTROVERSÉ

Bien que citoyen américain, il passe la plus grande partie de sa vie hors de son pays pour assouvir ses passions, à savoir l’aventure et l’aviation. Malheureusement, son caractère assez insaisissable est certainement à l’origine de nombreuses histoires apocryphes (voire même des légendes) rapportées dans des ouvrages et des articles rédigés par divers types d’écrivains et de journalistes. Ainsi, le fait que ‘Jimmie’ aurait appris à voler tout seul à l’âge de 14 ans (voire moins) relève de la pure fantaisie.

De même les rumeurs selon lesquelles il aurait été un As du Royal Flying Corps (RFC) britannique pendant la Première Guerre mondiale, qu’il aurait créé une force aérienne au service d’un Seigneur de la guerre chinois dans le désert de Gobi, qu’il aurait opéré comme éclaireur pour Lawrence d’Arabie ou qu’il aurait atterri sur une sorte d’altisurface dans les Andes, à 3 500 m d’altitude, moteur en panne, n’ont jamais pu être vérifiées.

Afin de ne pas abuser de la patience de nos lecteurs, nous passerons sur d’autres anecdotes bien plus sordides colportées par certains sites…

BALBUTIEMENTS DANS L’AVIATION

Ce qui est à peu près sûr, c’est qu’après la Première Guerre mondiale ‘Jimmie’ Angel devient pilote civil aux États-Unis d’Amérique, travaillant tout à tour comme pilote d’essais, cascadeur de cinéma et instructeur de vol. En effet, il considère la vie de pilote de ligne par trop routinière : « Ce serait comme conduire un bus » répond-il à son plus jeune fils Rolan lorsque celui-ci lui demande, sur le tard, pourquoi il n’avait pas choisi cette voie. Une thèse beaucoup reprise depuis lors par les pilotes incapables de se plier à la discipline des vols commerciaux réguliers…

Selon certaines sources, ‘Jimmie’ aurait rejoint la United States National Guard (‘Garde nationale des États-Unis’) en 1917. Pour la page Wikipedia consacrée à notre héros, la seule certitude est qu’il rejoint 94th Aero Squadron se formant à Kelly Field (Texas), le jeudi 12 septembre 1918. Il s’agit de l’un des premiers escadrons américains opérationnels, devenu célèbre sous le nom d’escadron ‘Chapeau dans le cercle’ en raison de son insigne coloré représentant le couvre-chef de l’Oncle Sam dans un cercle rouge. ‘Jimmie’ y sert comme chef d’équipe, ce qui est ensuite confirmé par son commandant de l’époque, Eddie Rickenbacker.

‘Jimmie’ acquiert les rudiments du vol, s’attribuant également les récits d’autres pilotes. On pense que son exposition aux moteurs rotatifs européens est à l’origine de sa tendance aux atterrissages motorisés. Le recensement américain de 1920 le répertorie comme mécanicien-soudeur, toujours en service au sein de son unité.

En regardant la photo ci-dessous, prise en marge des funérailles de sa petite sœur Goldie Etoile en compagnie de son petit frère Clyde, on comprend qu’il est resté sous les drapeaux au moins jusqu’en 1921. Pour assister à la cérémonie, il emprunte un Royal Aircraft Factory S.E.5 et atterrit dans une rue d’Hominy (Oklahoma). Des photographies de famille le montrent en uniforme militaire, presque égalé en taille par ses jeunes frères. Pour cette nouvelle escapade, il est condamné à une amende de six mois de salaire et confiné dans ses quartiers.

À l’automne 1921, ‘Jimmie’ rend visite à sa famille à Independence (Kansas), en compagnie de ses parents. Il travaille désormais en freelance avec son propre Curtiss JN-4 ‘Jenny’. Il est décrit à cette époque comme un « avorton, beau et maigre ».

‘Jimmie’ passe les étés de 1921 à 1926 à parcourir les États américains. Au Nebraska, il transporte un parachutiste dénommé Charles Lindbergh. Après avoir obtenu son diplôme de pilote, il se lance sur les traces du futur vainqueur de l’Atlantique, ce qui lui sauvera la vie à quatre reprises. Sa confiance grandissant, ‘Jimmie’ lance le cirque volant ‘Angel-Burns’, avant de poursuivre les acrobaties en solo. L’Angel Brothers Air Circus inclut son jeune frère Eddie (également pilote), ainsi que les frères Parker et Clifford Angel comme mécaniciens, parachutistes et ‘Wing Walkers’ (‘Marcheurs d’ailes’).

C’est dans ce cadre atypique que ‘Jimmie’ rencontre sa première épouse en 1922. Dans les faits, il surprend Virginia, une ‘marcheuse d’ailes’, en train de remonter un moteur ‘Liberty et l’épouse une semaine plus tard. Il s’agit de la première d’une série de femmes courageuses et indépendantes participant à la saga Angel. Plus tard, Clifford déclare : « La nouvelle épouse s’est parfaitement adaptée à notre représentation ; en plus d’être une bonne mécanicienne, elle peut réaliser une chute à ouverture retardée, sauter ou se laisser tomber d’un train d’atterrissage sur l’aile de l’un de ses beaux-frères ».

En 1927, ‘Jimmie’ pilote des « coucous » comme le Bristol ‘Tourer’, le biplan ‘Alexander Eaglerock’ et le Curtiss ‘Oriole’. Toute la famille Angel s’implique dans le projet commun : si les compétences en menuiserie de Glenn, le père, semblent évidentes, tous considèrent Belle, fervente chrétienne, comme une conseillère spirituelle clairvoyante. ‘Jimmie’ est aussi l’un des nombreux pilotes recrutés pour jouer dans le film d’Howard Hughes intitulé Hell’s Angels’ (‘Les Anges de l’Enfer’), sorti en 1930. Il est alors aux commandes d’un Sikorsky S-29-A modifié pour figurer un bombardier Gotha G allemand.

En 1928, ‘Jimmie’ obtient son permis de transport aérien sur le Fokker D.VII qu’il a reconstruit en famille. Son examinateur déclare : « Le travail écrit de cet homme n’est pas inclus car le candidat n’a pas pu s’exprimer suffisamment sur papier pour réussir l’examen. L’examen était donc oral. Le candidat est un ancien [référence à l’expérience plutôt qu’à l’âge] et part prochainement sur des vols autour de l’Amérique du Sud ».

Les vols évoqués par cet examinateur consistent en un voyage de 25 000 milles (soit 40 234 kilomètres) via le Cap Horn à bord d’un biplan Bach CS-4. L’objectif est de promouvoir l’aviation et le commerce américains à travers le continent mais, du fait de problèmes mécaniques et des maladies, le vol s’interrompt dans la Zone du canal de Panama, un secteur de dix milles (soit 16,093 kilomètres) de large sur lequel les États-Unis d’Amérique exercent leur juridiction (jusqu’en 1999).

‘Jimmie’ se consacre ensuite à l’instruction et aux essais en vol. Son plus jeune frère, Clyde, l’appelle alors « le pilote d’essai du pauvre », suggérant qu’il piloterait n’importe quoi comportant des ailes. Les deux appareils atypiques qu’il teste sont le Tunison Scout’ et l’Albatros ‘Zenith Z-12’. Ce dernier est un trimoteur de 90 pieds d’envergure, piloté avec cinq autres pilotes placés sous le commandement de ‘Jimmie’ dans une tentative infructueuse de record d’endurance. En effet, les essais sont abandonnés au bout de 25 minutes seulement parce que la queue de l’avion est déséquilibrée. Les 95 livres supplémentaires appartiennent à une parachutiste clandestine dénommée Billie Brown

Également en 1930, Angel demande une autorisation fédérale pour voler de San Francisco à Glendale avec ses mains et ses bras attachés au siège du cockpit, n’utilisant que ses jambes et ses genoux pour gérer les commandes rapporte le Time’. Permission refusée.

Toujours au début des années 1930 et toujours selon Underwood, Angel initie secrètement un groupe de Chinois à l’aviation. En 1931, après un an de formation à l’aérodrome de Dycer, sur Western Avenue, les cadets de la prétendue Chinese Aeronautical Association rentrent chez eux pour devenir instructeurs dans l’armée de l’air chinoise.

Il aurait également survolé le sud de la frontière américaine et ses compétences de pilote lui auraient permis de trouver un emploi dans des régions isolées et inexplorées du Mexique, d’Amérique centrale et du Sud. Travaillant tout au long des années Trente et Quarante pour des sociétés prospectant des ressources naturelles (or, diamants et pétrole…) et participant à des expéditions scientifiques gouvernementales, il trouve le moyen de réaliser ses rêves.

En particulier, ses missions exploratoires au service du ministère vénézuélien du Développement et de la Commission de la frontière ente le Venezuela et le Brésil, en 1939, conduiront à la création du vaste Parc national de Canaima et, par conséquent, à la préservation de nombreuses forêts primaires et de savanes.

LA ‘RIVIÈRE D’OR’

Avant de poursuivre cet article, il convient de faire un focus sur une région très particulière du sud-est vénézuélien.

Les ‘tepuys’

Au cœur du parc national de Canaima s’étend une savane de 43 452 kilomètres carrés située entre 3 219 à 4 828 mètres d’altitude. Tout autour sont réparties plusieurs vastes montagnes tabulaires, appelés ‘tepuys’ (‘maison des dieux’) par le peuple indigène Pemón. L’une de ces montagnes s’appelle ‘Auyan Tepuy’, le mot ‘Auyan’ étant associé au diable. Des murs imposants de plusieurs milliers de pieds de haut se rétrécissent pour former un plateau en forme de cœur de 415 km². C’est la zone représentée dans le film d’animation de 2009, ‘Là-haut’ (‘Up’), dont le sujet est la quête héroïque d’une cascade mystique – une histoire dont les parallèles vont au-delà des pionniers de l’aviation.

La mission de 1923

‘Jimmie’ Angel attribue son obsession des tepuys vénézuéliens à une aventure qu’il aurait vécue dans les années 1920, et dont la véracité n’a jamais pu être attestée. En 1923, Angel se trouve à Panama, avec un avion quadriplace et, sans le sou, comme souvent.

Un dénommé J.R. McCracken, qui se présente comme un ingénieur des mines, vient le trouver à son hôtel et lui demande de l’emmener immédiatement sur une montagne située au sud-est du Venezuela, mission pour laquelle il lui promet 5 000 $, dont il verse aussitôt un acompte de 2 000 $. Angel accepte et mène McCracken en avion jusqu’à un massif de 3 000 mètres d’altitude dans la région de la Gran Sabana, sans carte et en suivant uniquement les indications de l’ingénieur. Malgré les forts courants descendants, Angel parvient à poser l’appareil sur un sommet (lequel ?), près d’une petite rivière qui semble intéresser l’ingénieur.

En trois jours, les deux hommes réussissent à en extraire 33 kilogrammes d’or, quantité suffisante aux yeux d’Angel, qui craint de surcharger son appareil pour le redécollage très court qu’il devra effectuer. Il parvient cependant à faire décoller l’appareil, en le jetant dans un ravin de 1 700 mètres de profondeur. Sitôt les deux hommes revenus à Panama, McCracken dépose l’or à la banque et paie à Angel les 3 000 $ qu’il lui doit encore.

UNE « CHUTE D’EAU DE 1 000 MÈTRES DE HAUT »

Obsédé par la recherche de cette fameuse « rivière d’or », Angel s’installe dans la Gran Sabana comme pilote de reconnaissance pour la compagnie minière Santa Ana, dont le siège est à Tulsa (Oklahoma).

Le jeudi 16 novembre 1933, alors qu’il réalise un vol en solo autour de l’Auyan Tepuy (la ‘Montagne du Diable’) aux commandes d’un Travel Air S-6000B propulsé par un moteur Wright J-6-9 Whirlwind de 300 CV immatriculé NC-431W, il remonte le Churún Cañon et aperçoit, sur la façade occidentale du massif, une gigantesque chute d’eau. Il prévient par radio son mécanicien, le Mexicain Jose Cardona, resté à terre avec l’ingénieur D.H. Curry. Malheureusement, ces derniers ne peuvent atteindre la « chute d’eau d’un mile de haut » dont Angel leur a parlé, l’endroit étant rendu inaccessible par d’incessantes pluies diluviennes.

De retour à Caracas, Jimmy Angel relate sa découverte, parlant de « la plus haute chute d’eau du monde, probablement », mais il reçoit un accueil plutôt sceptique. La cataracte qu’il a aperçue est cependant bien réelle. En effet, elle est connue depuis longtemps par les indigènes Pemóns, sous le nom de Kerepakupai-Vená ou parfois Churún Merú, à tort car ce nom désigne une autre chute du massif.

UN PROJET MÛREMENT RÉFLÉCHI

‘Jimmie’ vole bientôt pour le gouvernement mexicain ou des compagnies pétrolières. Pendant un certain temps, il vole pour les Rutas Aereas Occidentales de Guadalajara, exploitant des voies aériennes de la côte du Pacifique avec son frère Eddie. Sa carte de visite indique alors ‘Jimmie C. Angel, Piloto en Jefe’ (chef pilote), mais il reste obsédé par sa ‘rivière d’or’.

À cette époque, il est séparé de sa femme, Virginia. En 1934, rendant visite fréquemment à sa famille dans le sud de la Californie, des amis lui présentent une rousse dure et indépendante, Marie Sanders, qui se laisse séduire par ses récits exotiques. Elle l’accompagne souvent dans ses aventures, devenant son copilote et sa navigatrice, confiant plus tard qu’elle était heureuse en sa compagnie, même s’il elle ne s’installait jamais nulle part avec plaisir.

En 1935, ‘Jimmie’ retourne au Venezuela en tant que pilote-guide pour la Case Pomeroy Mining Company. La légende de sa ‘chute d’eau d’un kilomètre de haut’ ne s’est pas encore répandue, car même les cartes officielles de la région restent fort imprécises. L’aviateur entreprend donc de faire découvrir les chutes à ses compagnons géologues, leurs photographies aériennes et leurs croquis étant censés constituer une première preuve de sa vérité.

Projet d’expédition

De passage au Kansas en 1936, ‘Jimmie’ acquiert l’avion auquel il restera le plus associé, le Metal Aircraft Corporation G-2-W ‘Flamingo’. Il s’agit d’un monoplan de huit places à ailes hautes, équipé d’un moteur Pratt & Whitney Wasp de 410 CV, qu’il nomme ‘El Rio Caroní’ en hommage à un affluent du fleuve Orénoque. L’aviateur parcourt ensuite les États-Unis d’Amérique pour financer son retour au Venezuela.

Une fois sur place, un responsable de Caracas décrit le pilote comme « ingénieux, généreux, doué pour la mécanique, un aviateur naturel avec un sens dramatique prononcé ». Il est moins flatteur à l’égard de l’avion, qui « avait tellement volé que, comme l’a fait remarquer l’un des autres pilotes, que l’empennage semblait sur le point de tomber, mais l’appareil a mené Jimmie partout où il voulait aller, et il avait été partout dans le monde… ».

La cascade change de nom

En 1935, fauché, divorcé et malchanceux, il trouve deux bailleurs de fonds pour financer une expédition à la montagne mais s’en retourne aux États-Unis les mains vides.

En 1937, pendant une réunion à Caracas entre Angel et deux de ses amis, le géologue américain I.F. Martin et l’ingénieur vénézuélien Gustavo Heny, ce dernier propose de rebaptiser la chute ‘Salto Ángel’ (‘la cascade Angel’). Les gros titres ont apparemment contribué à consacré le nom d’Angel. Cependant, il ne faut pas oublier que les peuples autochtones connaissaient ce site (sacré) depuis des générations et que l’explorateur Ernesto Sánchez La Cruz l’a ‘découverte’ en 1910…

Installation au plus près du tepuy

Les Angel passent une grande partie de l’année 1937 dans le village de Kamarata. Marie écrit : « Les journées sont chaudes et les nuits sont froides, il pleut presque tout le temps et le tonnerre, eh bien je n’ai jamais rien entendu de comparable à un rugissement continu. On dit qu’il est hanté et je peux facilement comprendre… »

Encore sans enfants, ‘Jimmie’ et Marie adoptent un orphelin local, baptisé José Manuel dans une rivière voisine, qui les accompagne partout. En contrepartie, les Pemón adoptent à leur tour ces nouveaux voisins atypiques.

Obsédé par l’Auyan Tepuy, qu’il imagine être la source de sa ‘rivière d’or’, ‘Jimmie’ collabore avec deux explorateurs vénézuéliens, Gustavo Heny et Miguel Delgado, rencontrés à Ciudad Bolívar et qui, eux, sont littéralement fascinés par ses histoires. Après plusieurs tentatives avortées d’escalade du tepuy, ‘Jimmie’ finit par leur propose d’atterrir sur le plateau depuis un camp de base voisin.

L’EXPÉDITION SUR L’AUYAN TEPUY

Au mois d’octobre 1937, l’équipe est à pied d’œuvre.

Les membres de l’expédition

À cette expédition, toujours motivée par la recherche de la « rivière d’or » d’Angel, participent :

  • Jimmy Angel lui-même ;
  • Mavis Marie Angel, sa seconde épouse ;
  • Gustavo Heny, l’ingénieur et ami d’Angel, qui est également un alpiniste et un explorateur chevronné de la région des tepuys;
  • Miguel Angel Delgado, jardinier et compagnon d’aventures d’Heny ;
  • Jose Cardona, le mécanicien d’Angel.

Une fois à pied d’œuvre, le pilote entreprend une reconnaissance méticuleuse de la région. Angel survole l’Auyan Tepuy pendant quinze jours, repère un site d’atterrissage propice au nord du plateau et y parachute des vivres.

Heny et Delgado, en compagnie de Félix Cardona (considéré comme le plus grand explorateur du plateau des Guyanes), avaient déjà, en 1931, tenté de trouver une voie d’accès depuis le camp de base de Guayaraca, au sud de l’Auyan Tepuy, jusqu’à la partie nord, où se trouve le site repéré par Angel. Ils étaient parvenus sur le plateau, à quelque 1 000 mètres au-dessus de la jungle, mais furent stoppés par une seconde muraille rocheuse (le ‘Second Wall’), qui traverse le tepuy de part en part, sur 20 kilomètres.

‘El Rio Caroní, l’avion de ‘Jimmie’ Angel

Au matin du samedi 9 octobre, l’expédition se met finalement en route. Jimmy Angel, aux commandes de son avion de brousse, emporte avec lui son épouse Marie, ainsi qu’Heny et Delgado. L’appareil est chargé de tentes, de lampes, d’appareils photographiques, de machettes, de cordages et d’assez de nourriture pour tenir un mois. Jose Cardona, quant à lui, reste en base arrière pour maintenir la liaison radio.

Une Odyssée en images

Malheureusement, l’atterrissage ne se passe pas aussi bien que prévu. Butant sur les irrégularités du sol, le train principal casse, stoppant brutalement l’appareil, qui bascule en avant et s’immobilise, le nez planté dans six pieds de boue. Angel et ses passagers sont sains et saufs, mais le ‘Flamingo’ est inutilisable. De plus, la radio ayant été détruite dans l’accident, il leur est impossible de demander de l’aide à Cardona. Après quelques jours, Angel et son équipe sont d’ailleurs considérés comme morts.

L’expédition d’octobre 1937 a la particularité d’être très bien documentée au plan photographique, ce qui représente une véritable mine d’or, autant pour les auteurs que pour les lecteurs. La page du Davis-Monthan Aviation Register consacrée à James (‘Jimmie’) Angel Crawford présente des clichés partagés par Marie Lucca, qui les a trouvés parmi les papiers de son père.

« Selon le visiteur du site Charles Brewer-Carias, cette image a été prise le 8 octobre 1937, juste avant le départ pour les chutes. Les autochtones sont des Kamaracoto (Pemón). À gauche se trouve Miguel Delgado, au centre le capitaine Felix Cardona, un partenaire d’Angel, qui ne participera pas au vol, et n’aidera pas à la récupération après le crash du lendemain. Il se séparera d’Heny et d’Angel après cet événement.

Malheureusement, les occupants de l’appareil ne prennent pas de photo du Kerepakupai Merú, le Salto Ángel. La photographie ci-dessous représente en fait le Churún merú (400 mètres de haut), l’une des nombreuses chutes débouchant du même plateau. Par curiosité, comparez les carénages des jambes de roue ci-dessus avec celles apparaissant dans les images ci-dessous.

La question est, « qui a pris cette image ? » D’après ce tirage, il semble qu’elle ait été prise par Angel lui-même depuis la fenêtre du cockpit, à moins qu’il ait volé du siège droit ce jour-là. Comme cela arrivait parfois avec ces photographies argentiques, seul dans sa chambre noire, le développeur ne disposait pas de repères et cette image a été imprimée à l’envers.

Voici ce que donne l’image à l’endroit :

Ci-dessous, une carte schématique du plateau montrant les positions relatives des chutes Angel, du site d’atterrissage de NC9487 et du Churún merú.

Ci-dessous, l’avion après l’atterrissage, la queue en l’air, une corde passant sur la roulette de queue, Angel allumant une cigarette, Maria accroupie en arrière-plan, Miguel Delgado creusant la terre molle sous le moteur. Cette photo a été prise pendant les jours après l’atterrissage, après la sortie et le retour.

Ci-dessous, un gros plan du NC9487 après l’atterrissage dur au sommet de l’Ayuán Tepui le 9 octobre 1937. Selon Sr. [Señor] Brewer-Carais, l’homme qui a sorti le train d’atterrissage est Miguel Delgado, un jardinier qui a travaillé avec Gustavo Heny à Caracas. La photo a été prise par Sr. Heny.

Ci-dessous, après avoir tiré la corde pour abaisser la queue.

Ci-dessous, une autre vue du ‘Flamingo’ avec une tente plantée en arrière-plan. Ils ont dû prévoir un atterrissage à partir duquel ils ne pourraient peut-être pas décoller. Ils étaient préparés pour cette éventualité, ainsi que pour se sauver (voir les images de lien pour leur itinéraire hors du plateau).

Ci-dessous, une autre vue du ‘Flamingo’ endommagé. Si le sol avait été plus dur et si le train d’atterrissage n’avait pas été endommagé, ils auraient pu décoller malgré les dommages à l’extrémité de l’aile gauche.

Quand les Angel quittent le plateau d’Auyán Tepui, Jimmie laisse un mot dans l’avion :

Je dois admettre que mon antenne s’est dressée lorsque j’ai vu cette note rédigée en anglais. Pourquoi laisserait-il une note en anglais au milieu du Venezuela ? Cependant, j’ai demandé à la nièce de Jimmie, Karen Angel (citée, barre latérale gauche) à propos de la note.

Elle déclare : « Oui, il s’agit d’une copie conforme de la note écrite par James ‘Jimmie’ Crawford Angel (1899-1956) qu’il a laissée dans son avion ‘Flamingo’ (NC-9487) ‘El Rio Caroní’ quand lui, sa femme Marie Angel, Gustavo Heny et Miguel Angel Delgado ont entamé leur marche le 11 octobre 1937 à partir d’Auyántepui. Jimmie Angel était un citoyen américain né dans l’État du Missouri. Sa langue parlée et écrite était l’anglais. Il parlait assez bien l’espagnol pour converser avec les gens. Je n’ai jamais vu d’exemples où il écrivait en espagnol. La note a été retirée de l’avion en 1956 par Aleksandrs (Alexander) Laime (1911-1994), un explorateur letton très réputé qui a vécu dans la région d’Auyántepui pendant de nombreuses années. Laime est considéré comme la première personne à atteindre la base d’Angel Falls à pied. Il fut le guide de l’expédition de 1949 de Ruth Robertson [Ruth Agnes McCall Robertson Marietta] pour mesurer la hauteur des chutes Angel. » »

La fuite

Le lundi 11 octobre (le jour, comme ‘Jimmie’ l’apprendra plus tard, du décès de sa mère…), après avoir tenté en vain de trouver de l’or et de réparer l’avion, l’équipe utilise de vieux chiffons pour former l’inscription ‘All OK!’ (« Tout va bien ! ») sur les ailes. Et de rajouter une flèche de tissus pour indiquer la direction prise par les naufragés, l’expédition entamant alors une longue marche pour rejoindre le village de Kamarata, en contrebas du tepuy.

Guidé par Heny à travers des forêts et des marécages qui ne figurent alors sur aucune carte, le petit groupe parvient à descendre le ‘Second Wall’, puis utilise la route repérée en 1931 par Heny et Delgado pour rejoindre le camp de base de Guayaraca. Ils parviennent finalement à Kamarata après 11 jours de marche.

Reconnaissant le courage de Marie, le chef Pemón lui remet ses propres plumes. Un ami décrit les survivants : « Des vêtements en lambeaux, des piqûres d’insectes partout, déshydratés… de graves cauchemars complétaient le tableau… » L’exploit est gravé dans les esprits des Vénézuéliens : quatre aventuriers ont atterri sur le vénéré tepuy et ont survécu à une descente longue et périlleuse.

LA CONSÉCRATION

Conséquence de cette expédition mouvementée, l’American Museum of Natural History (Musée américain d’histoire naturelle) entend parler des récits de ‘Jimmie’ : « Le fait qu’un grand monde perdu ait réellement existé, avec ou sans chutes, suffisait à éveiller l’intérêt du monde de la zoologie…» Une équipe de terrain atterrit dans le camp de ‘Jimmie’ et ramène des milliers de spécimens à New York. L’ornithologue Ernest Thomas (‘Tom’) Gilliard co-écrit le rapport intitulé ‘Huitième merveille du monde’ décrivant les Angel Falls : « Cela semble lent parce qu’il tombe si loin, sans être interrompu par une seule cascade. Cela vous fait prendre conscience de l’échelle à laquelle le monde est construit ». Gilliard en écrit autant sur ‘Jimmie’, qu’il n’a jamais rencontré, que sur sa propre expédition, ce qui tend à valider les affirmations de l’aventuriers.

Les Angel reviennent à Kamarata en 1939 pour continuer leurs recherches, ‘Jimmie’ pilotant désormais un Hamilton H-47 à moteur Pratt & Whitney. Coïncidant avec une enquête régionale menée par le ministère vénézuélien du Développement, un accord de partenariat est conclu. ‘Jimmie’ est chargé du soutien aérien, enregistrant, en cinq mois, 300 heures de vol de transport, de reconnaissance et de cartographie. Impressionnés par les compétences et la fiabilité de ‘Jimmie’, ses camarades deviennent des amis, comprenant désormais pourquoi si peu de gens le croyaient. Outre sa tendance à l’exagération, il a réalisé des exploits pour lesquels peu d’autres avaient les compétences ou le courage, mais il a agi avec beaucoup de désinvolture à leur égard.

Il est alors décrit comme un homme corpulent avec un visage marqué (héritage d’un incendie dans un cockpit, traité avec des remèdes locaux) dont la femme est une compagne constante. « Il emmène sa femme avec lui partout où il va… peu importe les risques ». Jimmie était rarement vu sans sa femme Marie. Ci-dessous, elle pose en 1939 à côté de son mari et1939, avec le photographe Carlos Herrera, du ministère vénézuélien du développement.

Après un bref retour aux États-Unis, ‘Jimmie’ et Marie retournent au Venezuela pour y transporter des personnes, des fonds, du bois, de l’or, du caoutchouc et de la dynamite…

Pendant la Seconde Guerre mondiale, ‘Jimmie’ s’occupe du transport de caoutchouc pour de petites compagnies aériennes ou le long la Pan American Highway (‘Route panaméricaine’). En 1943 naît James (‘Jimmie’) Junior et la famille voyage entre le Nicaragua, la Guyane britannique et le Belize.

Selon un article de 1957 paru dans le ‘Los Angeles Herald Express’, le garçon contracte le paludisme l’année suivante et la famille est contrainte de déménager au Costa Rica où, en 1947, naissent des jumeaux, dont un seul, Rolan, survit. En 1948 leur pays d’accueil est en proie à une guerre civile.

En 1949, la photojournaliste américaine Ruth Robertson organise la première expédition à atteindre le pied du Salto Ángel. Un relevé topographique confirme alors ce qu’Angel avait clamé : avec 979 mètres de hauteur, la chute est bien la plus haute du monde. Intitulé Jungle Journey to the World’s Highest Waterfall’, l’article publié par Ruth Robertson dans le National Geographic de novembre 1949, contribue à populariser le site.

Après plusieurs expéditions d’extraction d’or au milieu des révolutions sud-américaines, les Angel retournent en Californie en 1954 et s’installent à Santa Barbara avec leurs fils.

« Pour Marie, c’était la fin de 17 premières années de vie conjugale étranges et passionnantes », écrit le ‘Herald Express’.

Cependant, la civilisation ne séduit pas ‘Jimmie’ Angel. Obsédé par la recherche de l’or, il retourne en Amérique du Sud.

UNE FIN TRAGIQUE

En 1956, ‘Jimmie’ quitte la Californie pour lancer son dernier projet. Le mardi 17 avril 1956, la cargaison de son Cessna 180 étant disposée en vrac dans la carlingue, Angel est blessé à la tête lors de son atterrissage à David, dans la province du Chiriquí, au nord-ouest du Panama. Peu de temps après, il est victime d’une crise cardiaque et souffre de diverses maladies pendant huit mois, jusqu’à ce qu’il contracte une pneumonie et qu’on l’emmène à l’hôpital militaire américain William C. Gorgas, dans la Zone du Canal de Panama, où il décède, à l’âge de 57 ans, le samedi 8 décembre 1956, des suites d’une hémorragie cérébrale.

Sa dépouille est incinérée et ses cendres sont initialement mises en terre au Portal of the Folded Wings Shrine to Aviation (Portail du sanctuaire des ailes repliées vers l’aviation), situé au Valhalla Memorial Park Cemetery de Burbank, près de Los Angeles, en Californie.

Cependant, le samedi 2 juillet 1960, conformément à ses dernières volontés, sa femme, ses deux fils Jimmy Jr. et Rolan, et ses amis Gustavo Heny et Patricia Grant, dispersent ses cendres au-dessus du Salto Ángel. L’expédition s’effectue avec deux avions, le premier transportant la mère et les deux enfants, le deuxième servant à répandre les cendres. Extrêmement bien documentée au plan photographique, cette opération mérite de faire l’objet d’un article spécifique…

Une plaque dans le parc national Canaima, au Venezuela, commémore la dispersion de ses cendres sur le Salto Ángel le samedi 2 juillet 1960.

RÉCUPÉRATION DE L’APPAREIL

En 1964, le second fils de ‘Jimmie’ et Marie Angel, Rolan, accompagné de l’écrivain Carl Mydans, retrouvent ‘El Rio Caroní’ sur les hauts plateaux de l’Auyan Tepuy. La Fuerza Aerea Venezolana (armée de l’Air vénézuélienne) décide alors d’en faire un monument national.

En 1970, une opération est montée pour récupérer l’épave de l’avion, relativement bien conservée. Des hélicoptères de manœuvre et d’assaut Bell UH-1 ‘Iroquois’ (‘Huey’) effectuent de nombreuses allées et venues entre Canaima et le tepuy, pour démonter l’appareil et le redescendre en pièces détachées. Les différents éléments sont ensuite transportés en Fairchild C-123 ‘Provider’ jusqu’au musée de l’aviation de Maracay, où il est restauré.

L’appareil est aujourd’hui exposé devant l’aéroport de Ciudad Bolívar. Aux dires de Patricia Grant, aviatrice et amie d’Angel, celui-ci ne souhaitait pas que le ‘El Rio Caroní’ soit un jour descendu de l’Auyan Tepuy et aurait préféré qu’il là-haut, comme un souvenir de son exploit…

Jimmy Angel raconte l’histoire de la découverte qui l’a rendu célèbre dans un livre intitulé ‘Devil Mountain’ (‘La montagne du Diable’). Ce surnom, toujours utilisé, lui fut inspiré par l’origine du nom Auyán Tepuy, qui signifie la ‘Maison du Diable’ en langue pemón.

Les descriptions d’Angel sont variées et rarement vérifiables, elles le donnent tantôt comme un casse-cou ayant un faible pour les alcools forts et les femmes rousses, tantôt comme un excellent pilote, bien plus à son aise en l’air qu’une fois les pieds sur terre.

NOTORIÉTÉ DE LA CASCADE

Livres

La nièce de Jimmie, Karen Angel, fille de son plus jeune frère Clyde, passe plus de 20 ans à rédiger la biographie de son oncle. Elle poursuit sa quête des sur la vie de ‘Jimmie’, insiste beaucoup pour qu’on utilise l’orthographe correcte de son prénom et publie Angel’s Flight’ en 2019.

Lorsque Karen a huit ans, Clyde, le seul Angel à avoir échappé au virus du vol, très affecté par les fausses rumeurs courant sur son frère, offre à sa fille un album vierge, avec l’espoir secret qu’elle retrace la véritable histoire familiale. Karen se souvient de l’appel, deux ans plus tard, annonçant la mort de ‘Jimmie’ et du trajet de nuit de 500 milles (804 kilomètres) effectué par sa famille.

En 1994, elle effectue le premier de ses voyages au Venezuela pour visiter l’endroit qui obsédait tant ‘Jimmie’. « L’ascension de l’Auyan Tepuy et la descente par le même sentier que mon oncle et ses trois compagnons avaient emprunté en 1937 ont joué un rôle déterminant dans la tâche d’en apprendre davantage sur Jimmie », déclare Karen.

Habituée à ce que l’on le connaisse si peu dans ses États-Unis natals, elle est surprise de constater le contraire au Venezuela, certaines histoires suggérant même qu’il est encore en vie quelque part dans la jungle. ‘Jimmie’ aurait certainement approuvé. « Il a activement contribué à la création de diverses légendes sur sa vie hors normes », explique Karen. De nombreux contemporains de ‘Jimmie’ n’étaient plus en vie et ses recherches ont également été rendues difficiles par la subtilisation des carnets de vol dans les années 1960.

Si la plupart les carnets de vol de ‘Jimmie’ ont disparu, on peut cependant noter que sa découverte la plus importante est clairement indiquées en bas à droite sur la page ci-dessous (« FOUND MYSELF A WATERFALL« ) :

Le projet historique Jimmie Angel (JAHP)

Karen lance le Jimmie Angel Historical Project (JAHP/Projet historique Jimmie Angel) en 1996 dans le but d’effectuer des recherches sur ‘Jimmie’ Angel, sa famille, ses associés et leur époque d’exploration vénézuélienne. Elle continue de travailler avec la communauté Pemón. « Les Pemón ont vu la cascade pour la première fois en 1949 lors de l’expédition avec Ruth Robertson. Avant cela, ils ne s’étaient pas aventurés à proximité parce qu’ils pensaient que c’était la demeure des canaimas, des diables », explique Karen Angel.

Le JAHP préconise également la préservation d’El Rio Caroní, un monument national vénézuélien depuis 1964. En 1970, l’armée de l’air vénézuélienne l’a transféré au Musée Aéronautique de Maracay pour restauration. Cependant, il est toujours exposé à l’extérieur de l’aéroport de Ciudad Bolívar, l’État de Bolívar refusant de le restituer au gouvernement fédéral pour sa préservation, une situation exacerbée par la situation économique vénézuélienne.

NOTORIÉTÉ DE LA CASCADE

Exploit

Les mardi 1er et mercredi 2 mars 1988, le funambule Michel Menin marche sur un câble tendu au-dessus du Salto Ángel avec 1 008 mètres de vide sous ses pieds. Cette performance constitue toujours le record du monde de hauteur sur site naturel.

Cinéma

La chute d’eau apparaît dans plusieurs séquences du film Le Jaguar’, de Francis Veber, sorti en 1996.

En 2009, le film d’animation de Pixar Animation Studios ‘Là-haut’ (‘Up’), représente une cascade d’un kilomètre de haut, les ‘Chutes du Paradis’, tombant d’une montagne vénézuélienne vénérée.

Le film américain Point Break’ (2015) y a été tourné en partie.

Télévision

Lors du tournage d’un épisode de l’émission Ushuaïa Nature’, le Français Jean-Marc Boivin se blesse mortellement à l’atterrissage d’un saut en Base-jump depuis le sommet de la chute, le samedi 17 février 1990.

Très intéressante et très spectaculaire également, la vidéo ci-dessous montre que l’hélicoptère permet de se poser un peu partout sur l’Auyan Tepuy, en particulier tout près de la chute d’eau :

Randonnée

Le parcours du quatrième épisode de l’émission À l’État sauvage’ sur M6 avec Mike Horn et Christophe Dechavanne passe au pied de la cascade (2017).

Tentative de renommage des chutes

En 2009, le président vénézuélien de l’époque, Hugo Chávez, propose de réattribuer aux chutes leur nom autochtone, sans grand succès, la plupart des Vénézuéliens préférant utiliser l’appellation ‘El Salto Ángel’. Ce que la nièce de ‘Jimmie’, Karen, salue ainsi : « Il est très peu probable que le nom de la cascade aurait résisté à l’épreuve du temps si le nom de famille de Jimmie avait été Smith ».

ÉPILOGUE

Comme on l’aura bien compris, la figure de ‘Jimmie’ Angel est à la fois multiple et très complexe. Ce pilote de brousse est à proprement parler un aviateur de légende, même s’il est très méconnu sous nos latitudes. Excellent praticien, il n’hésite pas à tenter des atterrissages en montagne que le regretté Henri Giraud ne renierait pas. Malheureusement, au contraire du pilote de montagne isérois, il ne reconnaît pas son aire de posé par voie terrestre (et donc ne l’amménage pas…), s’embourbe et, finalement, capote, ce qui met fin à une expédition qui promettait d’être mythique. Cependant, aurait-il réussi son atterrissage qu’il n’aurait probablement pas pu reprendre l’air à partir de ce terrain détrempé…

Comme tous les aventuriers, ‘Jimmie’ Angel est mû non par l’appât du gain proprement dit, mais par l’espoir de découvrir et rapporter le Saint Graal, comme une sorte de trophée et de preuve que sa quête était bien fondée. Il y a de l’Indiana Jones dans cet homme, mais un Indiana Jones ailé, certainement incapable de grimper jusqu’au plateau par ses propres moyens pour y mener une campagne de prospection. Non, son concept d’opération consiste à mener un raid aérien, à amasser le maximum d’or que l’appareil est capable d’emporter, pour rejoindre la base de Canaima, riche et célèbre.

Et nous touchons-là l’une des dernières facettes de ce personnage hors normes, à savoir son don de l’ubiquité et de l’affabulation. Si certains de ses biographes, qu’ils soient patentés ou amateurs, ont tendance à en rajouter, c’est bien la figure insaisissable de ‘Jimmie’ qui alimente les rumeurs et aiguise l’appétit de la presse. Et si le pilote de brousse a du mal à convaincre de la véracité de son incroyable découverte de 1933 (pas de photos, donc pas de preuves…), il acquiert une certaine notoriété, pour ne pas dire la célébrité, en relatant sa tentative avortée de 1937. Cette fois-ci, nous disposons d’un véritable roman photo permettant de faire vivre l’aventure au lecteur, jusqu’à son dénouement. Même sa veuve et son fils Rolan reprendront cette recette infaillible, la première à l’occasion de l’épandage des cendres de l’aviateur sur l’Auyan Tepuy le samedi 2 juillet 1960, le second en 1965, dans le cadre d’un reportage donnant l’idée aux autorités vénézuéliennes de récupérer l’épave d’El Rio Canoni, opération elle-même particulièrement bien documentée…

Éléments recueillis par Bernard Amrhein

 

SOURCES

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