24 juin 1916 – Angel Maria Zuloaga et Eduardo Bradley traversent les Andes centrales en ballon


Ángel María Zuloaga

Dès les débuts de l’aviation, les pionniers rêvent de traverser la mythique cordillère des Andes. Brisé dans son élan à Domodossola (Italie) en 1910, le pilote péruvien Jorge Chávez Dartnell y pensait-il, lui aussi ? Paradoxalement, la chaîne de montagnes sera franchie par les airs non pas en avion, mais en ballon et par des régionaux de l’étape peu de temps après. En ce 107e anniversaire de l’exploit du capitaine argentin Angel Maria Zuloaga et de l’aéronaute Eduardo Bradley, nous vous proposons la traduction de l’article d’Alexis Monterivo paru dans ‘El Sol’, un quotidien de Mendoza (Argentine), le 20 août 2019…

L’ARTICLE D’ALEXIS MONTERIVO

Angel Maria Zuloaga effectue une carrière remarquable dans l’aviation argentine. Bien que l’anecdote circulant sur sa rencontre avec Neil Armstrong soit fausse, le reste de ses exploits l’a rendu célèbre dans son propre pays.

La plus grande entreprise militaire argentine, c’est-à-dire la traversée des Andes par le général San Martín, démarre de Mendoza. Cependant, un autre exploit impliquant une traversée de la cordillère, réalisée par un Mendocino, marque l’histoire : il s’agit de l’aventure d’Ángel Maria Zuloaga, le premier Argentin, avec Eduardo Bradley, à rejoindre la province par aéronef depuis le Chili.

L’exploit a lieu il y a plus de 100 ans, quand Zuloaga vient de battre un record d’altitude (6 920 mètres) et un autre, de distance (900 kilomètres, entre l’Argentine et le Brésil). “La traversée de la Cordillère en montgolfière constitue, sans aucun doute, l’un des événements les plus importants de la biographie de Zuloaga, parce qu’elle lui confère une notoriété, quelque chose sur quoi il saura capitaliser dans sa carrière militaire ultérieure”, explique Gustavo Marón, avocat spécialiste en droit aéronautique et historien de l’aviation.

Le pilote militaire est reconnu dans plusieurs pays, tant en Espagne, au Brésil, en Pologne ou en Italie qu’au Pérou et en Bolivie. L’un des titres les plus significatifs qui lui est décerné par le Gouvernement argentin à l’issue de sa traversée de la cordillère est “pilote aviateur militaire en or”.

Au milieu de tous ces témoignages de reconnaissance, circule sur internet une histoire ajoutant une aura de légende à Zuloaga : Neil Armstrong et ses compagnons de voyage sur la Lune idolâtraient tant le Mendocino qu’ils demandèrent à le rencontrer le jour où ils firent escale en Argentine, en 1969. Le récit a été présenté comme véridique, même par les médias nationaux, bien qu’il n’y ait aucun enregistrement de cet événement.

LA TRAVERSÉE ÉPIQUE

Le général de brigade Zuloaga naît à Mendoza en 1885. À l’âge de 19 ans, il entre au Collège militaire de la nation et, 10 ans plus tard, à l’École militaire d’aviation. C’est là qu’il rencontre Eduardo Bradley, un pilote d’avion et de ballon originaire de La Plata, avec qui il entreprend ses voyages aériens à bord du ballon libre Eduardo Newbery.

« Par la suite, des voyages similaires ont été entrepris à des fins sportives ou récréatives. Cependant, le ballon comme moyen de transport aérien constituait déjà un anachronisme en 1916, au moment de la traversée de la cordillère des Andes. Dans les années suivantes, il a presque complètement disparu de la scène, remplacé par les dirigeables, les avions et les hélicoptères. Aujourd’hui, les ballons sont principalement utilisés pour le sport et le tourisme », explique Maron.

Zuloaga et Bradley décollent le 24 juin de Putaendo, au Chili, une localité située un peu plus au nord de la ville de Los Andes. Ils doivent utiliser le gaz de l’éclairage local pour gonfler le ballon. Il est 8 h 30.

D’après le registre de l’armée de l’air, à 7 000 mètres d’altitude, ils doivent utiliser des masques à oxygène. Plus tard, ils traversent la frontière par le col de Juncal. À ce point, ils atteignent une altitude de 8 100 mètres, avec des températures inférieures à 33° Celsius sous zéro. « Ils atterrissent à midi à Uspallata, au bord d’un abîme », souligne l’historien.

Grâce à ce succès, Zuloaga gagne en notoriété et entame grande carrière militaire, dans laquelle on note la mise sur pied de la IVe Brigade Aérienne, appelée alors Los Tamarindos. Le gouvernement décrète sa dernière promotion au grade de général de brigade en 1956. Le Mendocino vit jusqu’à l’âge de 90 ans.

UNE IDOLE D’ARMSTRONG ?

Quand Zuloaga a 84 ans, alors qu’il vit à Buenos Aires, Neil Armstrong et Michael Collins, les premiers hommes à se poser la Lune, avec Edwin Buzz Aldrin, arrivent au pays. Selon Tomás Suárez, de la Mars Society Argentina, la version répandue circulant sur cette visite est que les astronautes ont insisté pour rencontrer Zuloaga parce qu’ils étaient des admirateurs du pilote et qu’ils ont même emporté des tasses vers les États-Unis, celles-ci étant exposées dans un musée de Cap Canaveral. Cependant, il s’agit d’une histoire inventée de toute pièce.

Selon Maron, l’histoire commence à circuler en 2017 via l’application WhatsApp. Les articles que vous pouvez trouver sur cette prétendue rencontre sont postérieurs à cette date. « Je ne connais aucune source documentaire ou témoin qui soutienne la prétendue visite d’Armstrong à Zuloaga. Les sources du moment, journaux et revues aéronautiques spécialisés, ne citent nullement la prétendue rencontre », observe-t-il.

D’autre part, l’histoire de l’aviation aux États-Unis étant infiniment plus riche que celle de l’Argentine, il est très douteux qu’un aviateur américain cherche quelque exemple étranger pour s’inspirer, ajoute le chercheur.

« La réalité est que l’Argentine a fourni de véritables pionniers et précurseurs en matière aéronautique, mais aucun d’eux n’a inspiré quelqu’un hors de nos frontières. Dans le cas de Zuloaga, il est reconnu à l’intérieur de notre pays mais, à l’extérieur, il n’est même pas cité. C’est également le cas de Jorge Newbery, un véritable précurseur de notre aviation et un type vraiment extraordinaire, mais totalement inconnu en dehors de l’Argentine », analyse l’avocat.

Il ajoute qu’au lieu de donner du crédit à la prétendue visite des astronautes de la mission Apollo XI dans le département de Zuloaga, « il faudrait se concentrer sur les nombreux Argentins qui ont participé au programme Apollo, comme Ramón Alonso, qui a travaillé sur la programmation de l’ordinateur de navigation spatiale pilotant toutes les missions habitées à la Lune ».

Alexis Monteviro, alexis.montivero@elsol.com.ar / @alexmontivero

Traduction de Bernard Amrhein*

*Pour mémoire, tout l’article a été mis au présent.


SOURCE

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